Critique du film
et du DVD Zone 2
LA LIGUE DES GENTLEMEN EXTRAORDINAIRES
2003
Au début du siècle, un inquiétant personnage sème la zizanie en organisant diverses attaques dont le but n'est rien de moins que déclarer une guerre mondiale ! Pour le contrecarrer, l'Angleterre décide d'assembler une ligue de personnages aux compétences particulières...
FROM HELL est l' adaptation d'une bande dessinée d'Alan Moore. Pendant sa création, les producteurs entrent en contact avec lui et en viennent à discuter de ses projets actuels. Parmi ceux-ci, «La Ligue des Gentlemen Extraordinaires» encore à l'état de projet retient leur attention et avant même sa publication, une option est déjà prise pour en faire un film. Car le concept est des plus alléchants puisqu'il assemble une équipe de personnages célèbres issues de classiques de la littérature de l'époque victorienne pour en faire une team de super héros.
La ligue se compose donc d'Allan Quatermain créé par H. Rider Haggard et dont le personnage a déjà été adapté plusieurs fois au cinéma entre autres dans LES MINES DU ROI SALOMON avec Stewart Granger ou plus récemment dans deux films de la Cannon mettant en vedette Richard Chamberlain (ALLAN QUATERMAIN ET LES MINES DU ROI SALOMON ainsi que ALLAN QUATERMAIN ET LA CITE DE L'OR PERDU). Cette fois, pour incarner le vieillissant aventurier anglais, une sorte d'Indiana Jones, on fait appel à Sean Connery. Ce sera d'ailleurs le seul acteur jouissant d'une grande renommée qui participera au projet.
Le capitaine Nemo inventé par Jules Vernes a lui aussi eu plusieurs fois les honneurs des écrans de cinéma que ce soit dans le 20.000 LIEUES SOUS LES MERS de Richard Fleischer ou une adaptation européenne de L'ILE MYSTERIEUSE. Le rôle est confié à l'acteur indien Naseeruddin Shah. Plus ou moins inconnu en occident, il est en fait une véritable icône cinématographique en Inde, alternant divers types de rôles, du thriller politique AAKROSH au film d'action genre KARMA, une sorte de DOUZE SALOPARDS. D'ailleurs, pour bien comprendre la notoriété de l'acteur en Inde, une anecdote amusante à son propos est reportée dans le premier commentaire audio où il est carrément qualifié de Marlon Brando indien.
L'homme invisible provient de H.G. Wells alors que le docteur Jekyll et son alter ego maléfique, Hyde, sont extirpés des écrits de Robert Louis Stevenson. De même, ces deux personnages ont été traités au cinéma de diverses façons comme dans l'excellent L'HOMME INVISIBLE de James Whale et DR. JEKYLL ET MR HYDE de Rouben Mamoulian. Le rôle ingrat du personnage transparent revient à Tony Curran (l'un des vampires de l'équipe de choc de BLADE II) alors que le doublage Jekyll / Hyde échoit à Jason Flemyng (déjà dans FROM HELL mais aussi BRUISER).
Deux personnages partagent les affres ou les joies de l'immortalité, c'est selon. D'un côté Dorian Gray issu du livre d'Oscar Wilde et de l'autre Mina Harker qui provient directement du Dracula de Bram Stoker. Cette dernière a d'ailleurs la particularité de ne pas avoir échappé au célèbre comte et est devenue une créature de la nuit. Pour l'incarner, l'actrice Peta Wilson a la chance qu'un contretemps empêche l'actrice prévue à l'origine de prendre le rôle. Anciennement vedette de la série télévisée NIKITA, d'après le film de Luc Besson, elle assure le personnage de Mina Harker alors qu'elle vient d'accoucher et qu'elle allaite son nouveau-né entre les prises.
Habitué de l'immortalité, Stuart Townsend prête ses traits à Dorian Gray alors qu'il a déjà joué le rôle d'un vampire dans LA REINE DES DAMNES d'après les ouvrages d'Anne Rice. Les six membres de la ligue se voient imposer un ressortissant américain par le studio qui veut absolument que le public des Etats-Unis puisse s'identifier à l'un des héros (?) du film. Le scénariste James Robinson insère donc Tom Sawyer, héros avantageux de l'Amérique, sorti de l'imagination de Mark Twain et héros de plusieurs livres («Les aventures de Tom Sawyer», «Tom Sawyer détective», «Tom Sawyer à l'étranger»...). Shane West joue le rôle du personnage devenu ici agent secret à la poursuite du fantôme.
Parmi les autres personnages marquant, on ne manquera pas de noter M, référence oblige au supérieur de James Bond, joué par Richard Roxburgh, vu récemment dans l'affligeant TALISMAN. Si seul Sean Connery est un acteur de prestige, son introduction permet de faire apparaître David Hemmings dans un tout petit rôle mais aussi Stephen Norrington, le réalisateur, dans une apparition surprise dans les mêmes scènes ou presques.
«La Ligue des Gentlemen Extraordinaires» est une bande dessinée jouant à fond les références littéraires. Si l'on en retrouve quelques-unes dans le film, cela s'avère être une portion négligeable comparée à la richesse d'écriture d'Alan Moore dans la version dessinée. De plus, les personnages réinventés par Alan Moore n'ont rien de figures héroïques et traînent tous de vilaines casseroles, que ce soit dans leur passé ou leur comportement présent. A un point qu'il est impossible d'adapter directement les personnages dans un film à destination d'un large public. Il faut donc en passer par un gros adoucissement ainsi qu'à des modifications en profondeur...
En soi, LA LIGUE DES GENTLEMEN EXTRAORDINAIRES est assez éloignée de la bande dessinée d'origine et n'en garde que l'idée forte d'une équipe de héros composée de personnages existants dans la littérature et du décorum de l'époque victorienne. Une sorte de trahison que les fans trouveront impardonnables. Toutefois, si le film échoue dans sa transposition de l'univers d'Alan Moore, LA LIGUE DES GENTLEMEN EXTRAORDINAIRES est une très belle réussite artistique... en tout cas en ce qui concerne la plupart des décors, des costumes...
Le tournage de LA LIGUE DES GENTLEMENT EXTRAORDINAIRES ne s'est pas fait sous les meilleurs auspices. En effet, pendant le tournage à Prague, une grande partie des décors a été détruite par une terrible inondation. Un coup dur pour la production, mais qui n'est rien en comparaison avec la catastrophe pour les habitants du coin qui ont tout perdu, comme le soulignent plusieurs intervenants dans les suppléments !
La réalisation du film est confiée à Stephen Norrington. Avant d'atteindre le succès en signant avec brio une autre adaptation de bande dessinée, BLADE, le cinéaste anglais s'occupe d'effets spéciaux, surtout mécaniques, sur des productions horrifiques anglaises comme KILLER INSTINCT ou HARDWARE. Il s'essaye alors à la réalisation avec un premier long métrage où se mêlent thriller, action et robots militaires (DEATH MACHINE). Mais c'est donc certainement BLADE qui convainc les producteurs de lui donner la réalisation de LA LIGUE DES GENTLEMENT EXTRAORDINAIRES. Mais tout le monde ne s'attend pas à ce qu'un problème survienne. Très vite, une rumeur circule concernant un gros problème relationnel entre le réalisateur Stephen Norrington et la vedette du film, Sean Connery. Bien que les interviews du producteur et des divers acteurs ne fassent état que d'une tension montée en épingle par la presse, l'affaire fut semble t'il bien plus sérieuse. L'absence de Stephen Norrington, le réalisateur du film, dans les suppléments produits pour le DVD en est la meilleure preuve.
LA LIGUE DES GENTLEMEN EXTRAORDINAIRES semble par endroits avoir souffert d'une finition un peu bâclée pour certains effets. Un défaut que l'on pourra ajouter à des soucis de vraisemblances dans certaines séquences (le passage à Venise...) et à une envie de développer trop vite son histoire, ce qui lui confère parfois des airs de film incomplet. Pourtant, même dans son imperfection, le film de «Stephen Norrington» affiche une certaine richesse culturelle et un splendide habillage artistique plutôt rare dans ce type de production américaine. Adoucie et édulcorée, cette version de la ligue est finalement plutôt plaisante.
Quasiment pas de défauts dans la retranscription visuelle de LA LIGUE DES GENTLEMEN EXTRAORDINAIRES. Ce qui aurait été fort surprenant de la part de la FOX. Le film s'affiche donc dans son format cinéma d'origine (2.35 [16/9]) tout en respectant scrupuleusement la photographie du film voulue dans des teintes assez ternes. Un parti pris que l'on a parfois du mal à comprendre, a fortiori dans le cas de LA LIGUE DES GENTLEMEN EXTRAORDINAIRES puisque la bande dessinée se parait de couleurs tranchées. Quoi qu'il en soit, cette option donne tout de même un certain cachet aux décors du film.
Comme toutes les grosses productions, LA LIGUE DES GENTLEMEN EXTRAORDINAIRES est accompagné de bandes sonores spectaculaires pour illustrer les images. Nous ne saurions que trop vous conseiller la version originale, ne serait-ce que pour y retrouver le timbre de voix et l'accent particulier de Sean Connery ou de certains autres acteurs (Tony Curran...). Toutefois, en termes techniques, la piste française en Dolby Digital 5.1 rivalise avec la version originale anglaise. A noter qu'une fois de plus, la FOX choisit de placer une piste supplémentaire en DTS mais seulement pour le doublage français.
Les deux commentaires audio pourraient être considérés comme le montage de huit commentaires indépendants. En effet, tous les intervenants ont été enregistrés séparément à l'exception des acteurs Jason Flemyng et Tony Curran. Cette façon de procéder se ressent par le manque d'interaction entre les intervenants et parfois par un changement dans le rendu sonore du bruit de fond. Ce choix est une façon d'obtenir le meilleur de tous les intervenants pour éviter au maximum les zones de silence, ou plutôt d'absence d'intervention de qui que ce soit... En contrepartie, on y perd un peu le côté convivial d'une conversation entre plusieurs personnes comme on peut le retrouver lors des interventions de Tony Curran et Jason Flemyng,qui font partie des passages les plus amusants du premier commentaire audio.
Ce premier commentaire donne donc la parole aux producteurs Don Murphy et Trevor Albert, aux deux acteurs déjà mentionnés ainsi qu'à Shane West. Ce dernier intervient d'ailleurs à partir de sa première apparition dans le film et nous explique rapidement qu'il est fort dommage que le film n'ait pas pu être aussi fidèle au matériel original que ce que tout le monde voulait au départ. Une affirmation amusante dans le sens où le personnage de Tom Sawyer, que Shane West incarne à l'écran, n'apparaît absolument pas dans la bande dessinée originale. D'autres affirmations tout aussi étranges émaillent les commentaires de tout ce petit monde, comme lorsque l'un des producteurs affirme que la transformation de Jekyll / Hyde est la meilleure depuis LE LOUP-GAROU DE LONDRES puisqu'elle utilise les mêmes techniques (?). Quoi qu'il en soit, ce premier commentaire audio s'avère le plus intéressant des deux puisqu'il est le moins scolaire. Ainsi, pas mal des modifications faites par rapport à la bande dessinée y sont notées (le nautilus, Tom Sawyer ou Fu Manchu dont les droits appartiennent à Harry Alan Towers...), tout comme le remplacement de Monica Bellucci ou une rapide genèse du film.
Le deuxième commentaire audio se veut plus orienté vers le design et la technique puisque l'on peut y entendre Jacqueline West, en charge des costumes, et divers techniciens des effets spéciaux (Matthew Gratzner, Steve Jonhson et John Sullivan). Intéressant à plus d'un titre pour qui se passionne pour les détails, particulièrement le choix des costumes, ce commentaire pourra paraître assez vite rébarbatif pour les autres...
Dans les deux commentaires audio, Stephen Norrington est bien entendu évoqué mais la fameuse polémique concernant les grosses frictions avec Sean Connery restent quasiment inexistante. On relèvera une ou deux interventions où il est fait mention par exemple d'un refus de tourner une scène par Sean Connery estimant qu'il ne ferait jamais une telle action. Pour le reste, il n'y aura pas ici de ragots ou autres révélations croustillantes à glaner.
Le reste des suppléments est relégué sur un second DVD éclaté en trois parties. Dans «Pré Production», on peut trouver une interview d'un spécialiste des effets numériques qui explique la plupart des effets du film comme la création du Nautilus. Cette partie du DVD se termine avec une grosse galerie de photos segmentée en plusieurs thèmes mais le tout reste axé sur le design.
La partie «Production» débute avec un documentaire de près d'une heure qui retrace la création du film., On y retrouve pêle-mêle des images de tournage, des morceaux d'interviews et même des informations textuelles affichées sous la forme de phylactères. Viennent ensuite plusieurs scènes coupées pour une durée d'un peu plus d'une demi-heure. Parmi toutes ces séquences, la plupart sont en fait des allongements de scènes du film, on notera quelques passages qui trahissent une envie de donner un côté moins brillant aux personnages (le dialogue dans la voiture, le service du repas qui souligne une équipe formée d'individualistes...) ainsi que l'évocation du compagnon de Tom Sawyer, Huckleberry Finn bien sûr, qui donne une légitimité à l'acharnement du personnage.
Avec «Sortie cinéma», on se tourne vers le côté très promotionnel du film autrement dit sa commercialisation. Une Featurette est donc de la partie, qui se veut encore plus promo que le long documentaire. Produite probablement pour la télévision américaine, ses trente minutes s'axent sur la première du film à Prague. Voilà qui est gênant puisque les deux vidéos suivantes sont elles aussi consacrées aux premières européennes du film (à Prague et à Londres) et reprennent quasiment les mêmes images. Pire les deux vidéos suivantes sont identiques à quelques minutes près et ne proposent même pas de sous-titrage ! En réalité, "Marketing" s'avère simplement la reprise de la première européenne avec seulement au bout trois bandes-annonces.
Pour terminer ce second DVD, on peut aussi visionner une sélection de bandes-annonces (sans compter les teasers de ALIEN VS PREDATOR et THE DAY AFTER TOMORROW sur le premier disque), de spots TV et une galerie d'affiches en provenance de différents pays (mais pas la France). Un disque de bonus copieux mais qui est fortement orienté vers des suppléments un peu trop policés, surtout que pas mal de rumeurs ont couru sur le film...
Adaptation peu fidèle à la bande dessinée d'origine, LA LIGUE DES GENTLEMEN EXTRAORDINAIRE est néanmoins un joli spectacle à gros budget (bien que certains effets semblent un peu bâclés) qui sied bien au DVD.