KILLER INSTINCT est, dans un premier temps, un scénario rédigé par Gary Scott Thompson, achevé en 1988. Il attire l'attention d'une compagnie de production britannique, Challenge Film Corporation. En s'associant avec des partenaires américains, elle parvient à réunir un budget, honnête, de sept millions de dollars. Le réalisateur choisi est Tony Maylam, qui ne s'est illustré au cinéma qu'assez irrégulièrement, et a parfois oeuvré dans le fantastique (le slasher CARNAGE et le téléfilm édité en vidéo sous le titre LE SECRET DE DORIAN GRAY). Le tournage de KILLER INSTINCT se déroule entièrement à Londres, en 1991. Pour boucler le film, le secours d'un second réalisateur, le britannique Ian Sharp, est nécessaire. Ce dernier est donc crédité comme co-réalisateur, en tête du générique de fin. Le casting se prévaut de la présence de comédiens à la réputation internationale, comme Kim Cattrall (LES AVENTURES DE JACK BURTON DANS LES GRIFFES DU MANDARIN...) et, bien sûr, le néerlandais Rutger Hauer (BLADE RUNNER...).
2008... La situation écologique de la planète a tellement dégénéré que Londres est désormais à moitié engloutie sous les eaux de la Tamise. Les rues sont couvertes de déchets et des rats envahissent petit à petit la cité. Un policier, seul dans la nuit, hante ce décor lugubre, à la recherche d'un serial killer ayant la particularité d'arracher et de dévorer le cœur de ses victimes. Ce flic, Harley, a déjà perdu son co-équipier, tué par ce meurtrier, et il n'a plus qu'une idée en tête : se venger ! On lui colle dans les pattes une jeune recrue, Dick Durkin, qui a encore une vision idéalisée de son métier. Les deux hommes vont tenter de retrouver le mystérieux assassin, auquel Harley semble lier par d'étranges ondes télépathiques...
KILLER INSTINCT s'ouvre sur une vue d'ensemble de Londres immergée dans un nuage de pollution, tandis qu'un soleil crépusculaire noie les boucles de la Tamise sous ses feux orangés. Après ce prélude visuel aux forts relents de BLADE RUNNER, l'ambiance confirme cette influence en adoptant le ton d'un film noir futuriste, se déroulant dans une gigantesque cité décrépie. Plus il progresse, plus KILLER INSTINCT mêle des éléments fort à la mode au temps de son tournage. L'intrigue policière a des relents de Thomas Harris (serial killer cannibale, profiler doué d'un sixième sens...), rappelant le récent triomphe du SILENCE DES AGNEAUX. Le tandem dépareillé formé par les enquêteurs nous renvoie à des classiques du polar américain des années 1980 comme 48 HEURES ou L'ARME FATALE. Surtout, le recours à des séquences de fusillades pétaradantes et musclées rappelle ces mélanges de science-fiction et d'action qui triomphaient depuis le milieu des années 1980 (ALIENS, TERMINATOR, PREDATOR, ROBOCOP...).
Et, curieusement, la fusion de toutes ces références prend plutôt bien et aboutit à un ensemble des plus cohérents. Proposant un récit rythmé, une réalisation solide, des décors variés, des maquillages et des effets gore de très bonne qualité, ainsi qu'une interprétation sympathique, KILLER INSTINCT a tout du petit film bien emballé. A la manière d'ALIEN, le tueur monstrueux n'est montré que rarement et partiellement dans l'obscurité. On ne le distinguera nettement (et encore, seulement aux détours de plans très courts) que dans le dénouement. La mise en scène parvient à lui garder son allure mystérieuse tout en l'impliquant dans des scènes d'action cinglantes et spectaculaires, ce qui révèle une excellente maîtrise du montage.
Malheureusement, si KILLER INSTINCT assimile ses influences en un ensemble homogène, il ne réussit pas à bien s'en démarquer. Recyclant des idées ayant déjà abondamment servies dans les années précédant son tournage, il souffre d'un manque de personnalité ennuyeux. Tout paraît doucement prévisible, et, le léger manque de moyens aidant, ce film, dont le manque d'ambition apparaît évident, ne parvient jamais à se hisser au-dessus du statut d'œuvre mineure.
Oeuvre mineure, certes, mais néanmoins sympathique, qui se visionne sans ennui. Toutefois, il ne connaîtra pas vraiment un gros succès. Il faut dire que le cinéma populaire et fantastique anglais était alors en pleine déconfiture. Dans ce paysage grand-breton, où seuls émergeaient les classiques Kenneth Branagh et James Ivory, KILLER INSTINCT faisait, comme HARDWARE peu avant, figure de pari risqué. S'il sort bien en salles dans certains pays, il n'arrive en France que par le biais du marché de la vidéo. Ce titre est néanmoins bien connu des abonnés de la télévision câblée hexagonale pour y être, encore aujourd'hui, abondamment rediffusé !
Déjà sorti en DVD aux USA, par HBO, il a été récemment publié en France par Neo Publishing, dans une édition destinée à être distribuée en kiosque puis dans un circuit plus traditionnel. Le film est proposé dans le cadrage panoramique 1.66 de son exploitation en salles, sans option 16/9. Le télécinéma souffre de teintes et de contrastes un peu pâlichons, ainsi que d'une importante dominante verte dans les noirs et dans les scènes sombres. On remarque aussi un peu de bruit vidéo dans les passages obscurs et quelques problèmes d'état, légers et ponctuels (points blancs, poinçons de fin de bobines). Heureusement, la propreté d'ensemble de la copie, la bonne définition et la compression discrète en font un DVD plutôt convenable, au vu de son prix de lancement.
La bande-son n'est proposée que dans son doublage français (médiocre), dans un mono basique, mais propre et très dynamique (la piste anglophone était, à l'origine, en Dolby Stereo). Donc, on ne trouve, hélas, pas de version originale... Il n'y pas non plus de bonus pour ce titre, ce qui, au vu du prix du DVD, est compréhensible.
Voilà donc une petite édition qui aurait tout pour plaire, si l'on ne devait pas constater amèrement l'absence de la version originale. Celle-ci était pourtant présente sur le DVD HBO (zone 1, NTSC), qui proposait, en plus, un sous-titrage français. Toutefois, ce disque américain ne présentait le film que dans un cadrage plein écran. De plus, il est désormais épuisé, et seul le DVD français est disponible pour le moment. Une édition vraiment satisfaisante de KILLER INSTINCT reste encore à proposer...