Deux sœurs, Su-Mi et Su-Yeon, reviennent à la maison de leurs parents. Elles sont heureuses de retrouver l'endroit où elles ont grandi mais se montrent très méfiantes à l'égard de leur belle-mère, Eun-Joon. Celle-ci a un comportement particulièrement emprunté et étrange à l'égard de ses belles filles. La première nuit, persuadée d'une présence surnaturelle dans sa chambre, Su-Yeon se réfugie dans la chambre de Su-Mi. Rapidement, d'autres événements étranges se produisent : les oiseaux de Eun-Joon sont retrouvés empoisonnés, une invitée prise d'une crise d'épilepsie voit un fantôme… Peu à peu le rapport entre les deux soeurs et leur belle-mère devient de plus en plus cruel et hystérique.
Difficile de résumer A TALE OF TWO SISTERS sans trop en dire. Le point culminant de la première vision repose sur un effet de surprise qui est la clé de tout le récit. Ce film n'est pas une simple histoire de fantôme classique. Son objectif est nettement plus ambitieux : sur la base d'un dérivé de RING très stylisé, il s'agit d'emmener le spectateur sur le terrain des maladies psychiatriques, d'une manière pour le moins inhabituelle impossible d'en dire plus.
Le titre original reprend les noms de deux héroïnes d'une histoire populaire coréenne déjà adaptée cinq fois au cinéma : Janghwa et Hongryun littéralement Rose et Lotus Rouge. Cette histoire prend place il y a environ cinq cent ans et raconte comment deux sœurs trouvent la mort par la faute de leur belle-mère. Certains éléments du scénario de Kim Jee-Woon prennent leur signification exacte à la lumière de cette histoire. Les spectateurs coréens n'ont sûrement pas eu trop de mal à y voir clair mais c'est une tout autre affaire pour nous. Dans la mesure où ce film bénéficiera d'une sortie en salle en France courant 2004, sous le titre DEUX SŒURS, on peut donc espérer une future édition DVD qui expliquera tout cela aux non-initiés.
C'est le troisième long métrage de Kim Jee-Woon, déjà scénariste et réalisateur de THE QUIET FAMILY. Cette comédie d'humour noir parlait déjà d'une famille qui ne va pas exactement bien dans une grande maison à la campagne. Le cadre est similaire mais A TALE OF TWO SISTERS privilégie l'élément fantastique et le traitement des personnages. Sorti en même temps que WISHING STAIRS, la décevante suite de MEMENTO MORI, les deux films sont souvent mis en parallèle. Ils surfent tout deux sur la vague provoquée par RING et partagent une trame comparable : un drame dans la vie de deux jeunes filles très liées, avec une certaine dose de fantastique. La comparaison s'arrête là. WISHING STAIRS est un film de fantômes trop classique tandis que A TALE OF TWO SISTERS est une œuvre nettement plus originale qui arrive à renouveler le genre.
A TALE OF TWO SISTERS commence dans une atmosphère calme, presque contemplative. Kim Jee-Woon multiplie les plans d'une nature épanouie, apaisante, sur une musique qui berce le spectateur. Le film est presque muet. L'émergence des premières scènes d'épouvante n'en est que plus glaçante. Le comportement étrange des personnages imprègne peu à peu tout le film. Un père au comportement absent, une belle-mère à la fois cruelle et attentionnée, l'une des sœurs qui se renferme complètement sur elle-même, des amis qui semblent passer une épreuve quand ils viennent rendre visite… la maison elle-même, avec son style victorien et ses couleurs passées, est étrange, quelque chose ne va vraiment pas. Les scènes d'épouvante sont assez rares, Kim Jee-Woon compte davantage sur l'histoire pour maintenir l'intérêt du spectateur. Le récit est très prenant, parsemé d'éléments déroutants et de retours en arrière, qui obligent le spectateur à reconstruire lui même le fil de l'histoire.
Plus qu'un simple film de fantômes, A TALE OF TWO SISTERS se concentre sur la douleur des deux soeurs qui ne cessent de penser à leur mère naturelle décédée. Le film montre les conséquences d'une telle perte et les plaies qui ne peuvent se refermer. Ce faisant Kim Jee-Woon fait dans le fantastique social et réitère à sa manière l'exploit de MEMENTO MORI, sans pour autant obtenir un résultat aussi original. Kim Jee-Woon sacrifie encore un peu aux codes classiques des film de fantômes asiatiques : on retrouve la figure de la femme en blanc, livide, la tête baissée, portant de long cheveux noirs et une robe blanche, Ca ne vous rappelle rien ?
Ce petit manque d'originalité n'empêche pas A TALE OF TWO SISTERS d'être une vraie réussite. La prestation des acteurs est impeccable, en particulier Yeom Jeong-A, vue également dans LA SIXIEME VICTIME, fascinante en belle mère empruntée et cruelle. Kim Jee-Woon avait déjà réalisé de manière virtuose un dérivé de RING avec le moyen métrage MEMORIES, qui ouvrait le projet 3, HISTOIRES DE L'AU-DELA. Il nous livre ici une mise en scène très rigoureuse qui sert directement le récit. Le point de rupture entre Eun-Joon et les deux soeurs est l'occasion d'un plan séquence vertigineux. Tout s'enchaîne parfaitement et le montage entretient une tension constante. L'intérêt provoqué par A TALE OF TWO SISTERS repose en grande partie sur une révélation, ce qui n'empêche pas le film de résister au re-visionnage : difficile de ne pas être bluffé par la mécanique mise en place par Kim Jee-Woon.
A TALE OF TWO SISTERS bénéficie d'une édition Zone 3 coréenne limitée sous forme d'un digipack double DVD, présenté dans un fourreau. On a droit à un petit cadeau : une carte numérotée avec un morceau de pellicule et un petit mot du réalisateur. Tout cela est bien joli mais comme d'habitude avec les éditions coréennes, aucun supplément n'est sous titré ce qui nous empêche d'en parler honnêtement plus en détail si ce n'est de dresser une liste exhaustive de ces bonus (voir plus loin) ! Dommage, car certains suppléments semblent très intéressants, comme cette interview où un psychiatre donne son avis sur le film. A noter qu'une édition hong-kongaise simple DVD existe également chez Panorama Entertainment.
L'image est splendide sur les scènes en extérieur, mais présente quelque défauts sur les scènes d'intérieur : les arrière-plans laissent trop souvent apparaître de petits artefacts de compression. Deux pistes sont proposées : Dolby Digital EX et DTS ES. La piste DTS a plus de définition mais le mixage des deux pistes est identique.
Exploration du traumatisme résultant de la mort de la mère, A TALE OF TWO SISTERS est un vrai drame teinté d'épouvante et doublé d'un exercice de style impressionnant.