Critique du film
et du DVD Zone 2
INDIANA JONES ET LE TEMPLE MAUDIT
1984
1935... Indiana Jones parvient de justesse à échapper à d'impitoyables criminels orientaux. Mais, sa fuite en avion se solde rapidement par un fiasco, et il se retrouve en plein cœur de la jungle indienne. Il trouve refuge dans un village très pauvre, dont les habitants le supplient de retrouver leur pierre sacrée, le "Shiva linga", volée, selon eux, par le maharadjah du palais de Pankot...
LES AVENTURIERS DE L'ARCHE PERDUE a été un triomphe et, très rapidement, Lucas et Spielberg envisagent la mise en chantier d'une suite. Le réalisateur de LA GUERRE DES ÉTOILES avait toujours envisagé trois épisodes des aventures de l'archéologue américain, mais il n'a pas d'idée bien précise en tête pour ce nouveau film. Le scénariste du premier volet, Lawrence Kasdan, se consacre alors essentiellement à sa carrière de réalisateur (amorcée en 1983, avec la sortie du thriller LA FIÈVRE AU CORPS). Lucas se replie sur le couple Willard Huyck - Gloria Katz, qui avaient déjà rédigé son AMERICAN GRAFFITI. Il leur soumet une histoire extrêmement basique, se limitant, en fait, à la petite introduction rédigée ci-dessus. Toutefois, il apporte aussi quelques éléments plus précis, comme l'usage du culte de la déesse guerrière Kali, la présence d'un enfant (il souhaitait une fillette, mais Spielberg préfèrera un garçon) et l'abandon de Marion Ravenwood comme personnage féminin principal. Harrison Ford, que le personnage d'Indiana Jones a définitivement propulsé au rang de star internationale, reprend bien sûr son rôle. Toutefois, on ne retrouve aucun des autres acteurs du volet antérieur, même parmi les personnages secondaires. Kate Capshaw, alors peu connue, décroche le rôle de Willie Scott. Elle allait apparaître la même année dans le film fantastique DREAMSCAPE, sans pour autant que cela ne lance réellement sa carrière. Le jeune Ke Huy-Quan, âgé de 12 ans, n'avait aucune expérience de comédien auparavant ; il décida de poursuivre dans le domaine du cinéma (GOONIES...) et a récemment coopéré aux cascades de THE ONE et X-MEN sous le nom de Jonathan Ke Quan.
Après LES AVENTURIERS DE L'ARCHE PERDUE et E.T., Spielberg est désormais LE réalisateur le plus respecté d'Hollywood. L'heure n'est donc plus vraiment aux économies de bouts de chandelle, et INDIANA JONES ET LE TEMPLE MAUDIT sera filmé pour 28 millions de dollars. Le tournage démarre sur des sites naturels exotiques. La seconde équipe, toujours dirigée par Michael Moore (responsable de la poursuite en camion du premier film), commence à mettre en boîte la fuite en voiture dans les rues de Macao. Les extérieurs des scènes indiennes sont filmés au Sri Lanka (expéditions en éléphant, le village, le pont...). Puis, tout ce petit monde retourne au studio anglais d'Elstree pour y filmer la plus grande part du métrage, Spielberg avouant alors une nette préférence pour le travail en intérieur. Y sont notamment tournées toutes les séquences du temple et des sous-terrains, certaines scènes d'extérieurs nocturnes, le night-club chinois, ainsi que certains plans sur le flanc du ravin. Finalement, l'équipe se rend en Californie, dans des parcs naturels, pour y filmer la folle course du canot. Les techniciens de l'ILM prennent le relais pour les effets spéciaux, nettement plus nombreux que dans le premier film, dans lequel la seule grosse séquence en la matière était l'ouverture de l'Arche. Le tournage finira en retard, notamment à cause des difficultés causées par les problèmes de santé qui clouèrent Harrison Ford trois semaines sur un lit d'hôpital...
Shanghai, 1935... L'archéologue Indiana Jones se rend à la boîte louche Obi Wan afin d'y rencontrer le caïd Lao Che. Ils doivent y conclure une transaction : les cendres de Nurhachi, qu'apportent l'américain, contre une énorme pierre précieuse, en la possession de l'asiatique. L'échange tourne mal, mais Jones réussit à s'enfuir en compagnie de Willie Scott, une chanteuse américaine travaillant dans le night-club. Avec l'aide du très jeune Demi-Lune, ils parviennent à l'aérogare, d'où ils fuient en avion. Mais ils sont trahis par les pilotes, qui les abandonnent en plein vol ! Indiana, Demi-Lune et Willie échappent de justesse à une mort certaine, mais se retrouvent perdus en plein cœur de l'Inde. Ils sont accueillis par les habitants d'un village misérable, soumis au joug cruel du maharadjah du palais de Pankot. Celui-ci leur a subtilisé leur pierre sacrée, le "Shiva linga", qui assurait la prospérité de leur communauté, puis a enlevé tous leurs enfants afin de les faire travailler pour son compte. Indiana Jones compte bien récupérer la pierre sacrée pour la ramener en Occident, où cette trouvaille archéologique lui vaudra "fortune et gloire"...
En situant son action en Inde, INDIANA JONES ET LE TEMPLE MAUDIT poursuit toute une tradition de films d'aventures dans lesquels des héros occidentaux affrontaient des indiens d'Asie, généralement assimilés à des adversaires redoutables et cruels. On trouve ainsi, dans les années 1930, d'héroïques colonisateurs britanniques sous les traits de Gary Cooper dans LES TROIS LANCIERS DU BENGALE de Henry Hattaway, ou d'Errol Flynn dans LA CHARGE DE LA BRIGADE LÉGÈRE, signé Michael Curtiz. Surtout, à la même époque, dans GUNGA DIN de George Stevens, trois soldats anglais, aidés par un autochtone appelé Gunga Din, justement, affrontent une secte de Thugs, des assassins fanatiques prêts à toutes les cruautés pour chasser les colons britanniques. Ce film marquera suffisamment les esprits pour que la firme britannique Hammer s'en inspire avec LES ÉTRANGLEURS DE BOMBAY de Terence Fisher "himself", en 1960, longtemps après l'indépendance de l'Inde (1947). Les thugs, très sadiques, y coupent des mains et y crèvent des yeux en l'honneur de la déesse Kali. De tels méchants anticolonialistes et sanguinaires, menés par des gourous illuminés et ennemis jurés de la race blanche, relèvent, comme les méfaits de Fu Manchu, de craintes occidentales pour le moins démodées dans les années 1980 ! Le scénario de INDIANA JONES ET LE TEMPLE MAUDIT choisit donc d'en faire des esclavagistes (adversaires de certains héros de serial, comme dans TARZAN THE TIGER par exemple), histoire de les rendre plus évidemment antipathiques. Quant à la description du fastueux et lumineux palais de Pankot, dont les sous-sols cachent d'étranges cultes, de dangereux pièges et de pathétiques captifs, elle évoque immanquablement le diptyque LE TIGRE DU BENGALE - LE TOMBEAU HINDOU, réalisé par Fritz Lang en Allemagne, à la fin des années 1950.
INDIANA JONES ET LE TEMPLE MAUDIT s'ouvre, comme LES AVENTURIERS DE L'ARCHE PERDUE et les James Bond, sur un prologue, prétexte avant tout à proposer un petit film dans le film, ultra-dynamique et surprenant, mettant d'emblée le spectateur dans l'ambiance. Cette séquence, située à Shanghai, permet notamment d'introduire deux nouveaux personnages dans l'action. D'abord, la chanteuse Willie Scott, qu'Indiana enlève par intérêt (elle détient l'antidote au poison que les gangsters viennent de faire avaler à l'archéologue) et qui va l'accompagner tout au long de cette aventure. Féminine dans un sens caricatural du terme, elle réagit de manière hystérique à la moindre situation risquée, se montre coquette dans les moments les plus déplacés et traque la fortune à épouser... Bref, elle semble le total contraire de l'énergique et indépendante Marion Ravenwood. L'idée, très discutable, de faire changer Indiana Jones de compagne pour cette aventure vient en fait de Lucas. Spielberg a, de son côté, déclaré qu'il aurait mieux aimé conserver le personnage incarné par Karen Allen. Néanmoins, cela s'inscrit assez logiquement dans la psychologie d'Indiana Jones, voyageur sans attache, accordant plus d'importance à ses recherches archéologiques qu'aux attentions de Marion. L'aventurier se trouve encore accompagné par Demi-lune, un orphelin chinois qu'il a recueilli. L'idée de ce personnage vient peut-être de KIM, le petit orphelin indien qui accompagne l'aventurier incarné par Errol Flynn dans le film de Victor Saville...
Hélas, dès le prologue, il semble bien que quelque chose cloche. Les trouvailles sont toujours présentes (le générique en forme de comédie musicale, le diamant tombant parmi les glaçons, la portière de l'avion...), mais tout ne fait pas mouche, et cette ouverture trahit un certain flottement. Willie Scott, stupide et peu sympathique, tape vite sur les nerfs, tout comme le petit garçon, de prime abord assez énervant. La surenchère semble de mise (avec la chute en canot, reprenant une idée initialement prévue pour LES AVENTURIERS DE L'ARCHE PERDUE) et la perfection du premier volet semble d'abord assez lointaine. Pourtant, au fil des séquences, les nouveaux personnages finissent par se ménager des scènes très réussies (Indiana Jones et Willie s'attendant l'un l'autre, chacun dans leur chambre) et, surtout, permettent à l'aventurier de se montrer plus doux.
Ainsi, il regrette son arrogance face à Willie, et, surtout, se trouve un rôle de père quant au petit garçon qui lui sauvera plus d'une fois la mise. Dans un premier temps, Indiana considère que sa mission se limite à récupérer le Shiva linga dans l'antre des thugs et à filer avec ce trésor en Occident, sans se soucier de la destinée des habitants du petit village qu'elle est censée protéger. Mais, dans le temple maudit, il assiste aux mauvais traitements subis par les enfants-esclaves et manque lui-même de devenir un serviteur du culte maléfique. Finalement, son attitude va évoluer vers plus de sagesse, plus d'humanité, et moins de matérialisme. Les humains auront, en fin de compte, plus d'importance à ses yeux que leurs trésors.
INDIANA JONES ET LE TEMPLE MAUDIT verserait donc dans le politiquement correct ? En fait, ce n'est pas vraiment le cas. Sous l'impulsion de Lucas, l'œuvre devient, à partir du premier sacrifice humain, extrêmement sombre, relevant nettement plus du film d'épouvante que du cinéma d'aventures classique. Jusqu'alors un peu hésitant, le métrage finit par trouver ses marques et accumule, dans un foisonnement assez terrible, les détails macabres. C'est à un véritable festival de peaux d'écorchés, de crânes humains, de membres fraîchement coupés et de traitements sadiques que nous convie cette oeuvre claustrophobe, parée d'éclairages expressionnistes à la Mario Bava. L'énorme et lugubre décor du temple est, dans cette optique, un des plateaux les plus hallucinants jamais vus au cinéma ! Nocturne et sinistre, INDIANA JONES ET LE TEMPLE MAUDIT ne recule devant aucune monstruosité, allant même jusqu'à faire commettre des actes de cruauté par un enfant, ou à montrer son héros, possédé par les forces du mal, en train de brutaliser un jeune garçon.
Finalement, l'évasion des souterrains fera se clore le film sur une époustouflante séquence d'action non-stop, dans laquelle Spielberg retrouve la virtuosité et la fluidité de son meilleur cinéma. Cette fuite dans la mine (là encore, une idée prévue initialement pour LES AVENTURIERS DE L'ARCHE PERDUE) grouille de détails amusants, bien que le recours très fréquent a des plans truqués (projections, incrustations, modèles réduits...) semble peut-être un peu voyant.
INDIANA JONES ET LE TEMPLE MAUDIT, après un début mitigé, s'avère donc, en fin de compte, une grande réussite, renouvelant thématiquement LES AVENTURIERS DE L'ARCHE PERDUE et enrichissant réellement son personnage principal. Toutefois, à sa sortie, l'accueil critique est très partagé. D'abord, comme pour tout bon film d'aventures exotiques, INDIANA JONES ET LE TEMPLE MAUDIT n'échappe pas aux reproches de racisme, que quelques bien-pensants ne peuvent s'empêcher de voir partout où cela les arrange. Plus grave, on lui reproche surtout sa violence et son caractère horrifique, que certains adultes trouvent ici "too much" pour le jeune public. Au Royaume-Uni, pour obtenir la mention PG (accès autorisé aux enfants accompagnés d'un adulte), plus d'une minute de métrage sera retirée. Aux USA, le film reçoit, sans coupure, la même classification, jugée trop peu sévère au goût de certains. Spielberg, qui s'avoue lui-même mal à l'aise face à la cruauté de son film, tente de se racheter un peu en étant à l'initiative d'une nouvelle classification : le "PG-13" (déconseillé aux enfants de moins de 13 ans), qui, en pratique, ne change pas grand chose... Quoi qu'il en soit, c'est encore un triomphe commercial planétaire...
Logiquement, il s'agit du second disque inclus dans le coffret "Les aventures d'Indiana Jones". A nouveau, on ne signale aucune véritable interactivité, à part un accès internet au site officiel de la série. L'image est proposée en format scope d'origine et en 16/9. Le résultat est globalement de très bonne tenue. Certes, le nombre de plans truqués étant très élevé, on ne peut pas rater certains défauts de contraste (la conversation nocturne entre Demi-Lune et Indiana Jones sur la colline surplombant le village) ou de perte de définition, somme toute assez inévitables. De même, les très nombreuses scènes sombres causent parfois des petites difficultés pour la profondeur des noirs (le passage secret). Par contre, les séquences dans le sanctuaire lui-même sont magnifiques, avec une définition et des couleurs absolument stupéfiantes. De même, les plans (non truqués) dans la mine, pourtant assez obscurs, passent formidablement bien. Quelles que soient les difficultés posées par certains plans, le DVD ne se départit jamais d'une compression de haute volée et d'une définition extrêmement précise. Somme toute, du très bon travail...
La bande-son anglaise, en Dolby Digital 5.1, est, comme pour LES AVENTURIERS DE L'ARCHE PERDUE, un régal de précision, de netteté et de finesse pour les oreilles. Elle n'appelle donc pas de commentaire particulier. A nouveau, le doublage français n'est proposé qu'en Dolby Surround d'époque, mais ce mixage est tout de même suffisamment puissant et convaincant. On retrouve les mêmes sous-titrages que sur les autres disques du boîtier, parmi lesquels un en français. Les bonus se trouvent en fait sur le quatrième DVD de ce coffret, dédié aux seuls suppléments, décrit dans le test d'INDIANA JONES ET LA DERNIÈRE CROISADE.
INDIANA JONES ET LE TEMPLE MAUDIT est proposé ici dans une édition très réussie, bénéficiant d'excellentes qualités techniques. Cela permet de revisiter, dans les meilleures conditions possibles, cet Indiana Jones aujourd'hui encore assez controversé.