Alors qu'elle vient de s'installer avec son mari dans un château proche du Rhin, Mary découvre, une nuit, le cadavre d'une femme enfermée dans une Vierge de Nuremberg, un sinistre outil de torture médiévale. Le matin, son époux lui affirme qu'elle a fait un mauvais rêve. Pourtant, les évènements mystérieux vont se multiplier et confirmer les soupçons de Mary...
L'épouvante gothique italienne, marchant sur les traces des productions britanniques Hammer, s'imposa en 1960, avec les sorties du MASQUE DU DEMON de Mario Bava et LE MOULIN DES SUPPLICES de Giorgio Ferroni. Dès lors, de nombreux réalisateurs vont suivre le mouvement au cours de la première moitié des années 1960, parmi lesquels Riccardo Freda (L'EFFROYABLE SECRET DU DOCTEUR HICHCOCK), Roberto Mauri (LE MASSACRE DES VAMPIRES), Alberto De Martino (LE MANOIR DE LA TERREUR), Mario Caiano (LES AMANTS D'OUTRE-TOMBE)... Antonio Margheriti est de ceux-ci. Dans ce style, il tourne successivement DANSE MACABRE, avec Barbara Steele, puis LA VIERGE DE NUREMBERG et, enfin, LA SORCIÈRE SANGLANTE. LA VIERGE DE NUREMBERG est en fait l'adaptation d'un roman populaire d'épouvante "La vergine di Norimberga", ouvrage attribué à un certain "Frank Bogart", sans doute le pseudonyme d'un écrivain italien.
Le film est produit par Marco Vicario, justement directeur de la maison d'édition chez laquelle le livre a été publié. Quant à l'actrice principale, il s'agit de son épouse, qui avait déjà une belle carrière d'actrice derrière elle : ULYSSE de Camerini, HÉLÈNE DE TROIE de Robert Wise... A ses côtés, on retrouve Georges Rivière, déjà présent dans DANSE MACABRE ; et, bien sûr, le grand Christopher Lee, qui commençait à travailler en Italie depuis LE CORPS ET LE FOUET de Mario Bava. Le générique revèle toutefois d'autres surprises. Ainsi, le réalisateur français Edmond T. Gréville (qui avait signé peu avant une version des MAINS D'ORLAC avec Mel Ferrer et Christopher Lee) est crédité comme scénariste. Bertrand Blier (TROP BELLE POUR TOI) y est assistant réalisateur. Enfin, Margheriti, fidèle à une tradition lancée en Italie par Freda avec CALTIKI, LE MONSTRE IMMORTEL, signe son film sous le pseudonyme anglicisé d'Anthony Dawson, et les effets spéciaux sous celui d'Anthony Matthews ! Le tournage dure très peu de temps (deux ou trois semaines, selon les interviews...), et on emploie, comme à la télévision, plusieurs caméras pour filmer une même scène sous plusieurs angles, ce qui raccourcit drastiquement le planning des prises de vue.
Mary est la jeune épouse de Max Hunter, héritier d'une grande famille allemande. Le jeune couple s'installe dans le château familial, situé près du Rhin, et dans lequel se trouve un musée contenant de nombreux engins de torture médiévaux. Au cours de sa première nuit dans la demeure, Mary est réveillée par l'orage. Elle ère alors dans les couloirs et découvre que la Vierge de Nuremberg du musée contient le cadavre frais d'une jeune femme... Le matin, le corps a disparu, et Max affirme que Mary a du faire un mauvais rêve. Pourtant, de nombreux évènements inquiétants se succèdent, qui vont la conforter dans ses soupçons. Elle apprend ainsi qu'un lointain ancêtre de son mari se faisait appeler le "Justicier" et utilisait des instruments de torture pour punir les femmes infidèles. Qui plus est, le personnel de maison est inquiétant. Entre la vieille domestique dont les déclarations grouillent d'obscurs sous-entendus et l'intrigant gardien du musée Erich, au visage balafré, Mary se sent menacée...
LA VIERGE DE NUREMBERG met en jeu peu d'éléments fantastiques. Le récit s'inscrit en fait dans la tradition du thriller gothique, se déroulant dans un cadre contemporain plutôt que dans le classique XIXème siècle. Le film va même jusqu'à calquer certains des prémices du REBECCA de Hitchcock. Une jeune femme, nouvellement mariée avec l'héritier d'une longue et importante lignée, s'installe dans sa demeure plusieurs fois centenaire. Cette atmosphère particulière va peser lourdement sur la jeune femme, encore oppressée par la présence menaçante d'une domesticité peu amène. Là-dessus se greffe un argument policier traditionnel, qui renvoie à de nombreux classiques se déroulant dans des demeures inquiétantes : LA VOLONTÉ DU MORT de Paul Leni, UNE SOIREE ÉTRANGE de James Whale, DEUX MAINS LA NUIT de Robert Siodmak...
Pourtant, Margheriti se démarque de ses prestigieux prédécesseurs d'une part en utilisant la couleur, d'autre part en ayant recours à un sadisme appuyé. L'usage de l'outil de torture dit "Vierge de Nuremberg", cercueil de fer dont l'intérieur du couvercle est ici serti de deux pointes au niveau des yeux, ajoute un piment sanglant bienvenu, tout comme le fameux supplice du rat, aussi impressionnant que gratuit. Pourtant, la force de cette dernière scène ne se manifeste pas tant dans son recours à des trucages sanglants que grâce à une mise en scène serrée, cruelle et inventive (la vue subjective de la cage à rats...). Cet emploi d'engins de torture délirants rappelle, bien sûr, des titres antérieurs, comme LE MASQUE DU DEMON, ou LA CHAMBRE DES TORTURES de Roger Corman, dans lequel on avait aussi affaire à une lignée de bourreaux.
Certes, tout n'est pas parfait dans LA VIERGE DE NUREMBERG. L'emploi de modèles réduits (une marotte de Margheriti) n'est pas toujours très heureux. Le récit met un bon moment à démarrer, se complaisant un peu dans le bavardage. Les extérieurs de la demeure, tournés à la villa Sciarra, près de Rome, n'évoquent en rien un château rhénan, et ce ne sont pas quelques inserts maladroits de plans de maquette qui y changent grand chose. Surtout, les incohérences sont assez criantes, et choqueront même le spectateur le moins regardant.
Pourtant, et malgré des conditions de tournage précaires, le savoir-faire technique et le sens de l'atmosphère de Margheriti sont encore bien là. Si la poésie de DANSE MACABRE n'est plus présente, on en retrouve toutefois l'énergie cinglante, particulièrement dans le dénouement du métrage, riche en révélations assez délirantes ! Enfin, de nombreux éléments faisant le charme du gothique cinématographique sont au rendez-vous : nuit d'orage, passages secrets, cryptes, arpèges menaçants que ne renierait pas un James Bernard... Souffrant d'un scénario chaotique et de moyens techniques apparemment fort limités, LA VIERGE DE NUREMBERG n'en reste pas moins une curiosité intéressante, bénéficiant, en plus, d'un usage des couleurs soigné, d'acteurs plutôt compétents et d'un sens du macabre indéniable.
Avant de s'attaquer au descriptif de ce DVD, quelques précisions s'imposent. LA VIERGE DE NUREMBERG a été distribué en France dans un montage différent de celui proposé en Italie. Ainsi, dans le courrier des lecteurs de "Midi-Minuit Fantastique" numéro 12, M. Bernard Trout se livre à un comparatif détaillé des deux versions. La copie française souffre du retrait de nombreuses scènes horrifiques, mais possède un plan érotique en plus : avant le supplice du rat, le justicier arrache le haut de la robe de sa jeune victime, dévoilant ainsi, je cite, "une bien belle poitrine". Et, en effet, dans la version italienne, d'un plan à l'autre, la robe de la jeune femme se retrouve déchirée sans qu'on sache trop pourquoi. Une mésaventure fort semblable était arrivée à DANSE MACABRE : une scène de nu présente dans la copie française n'était pas dans le montage italien. Ce DVD nous propose une copie italienne (avec générique dans cette langue) de LA VIERGE DE NUREMBERG. Pas de "bien belle poitrine", donc, mais un montage d'origine, bien plus cohérent et effrayant que le français. Signalons au passage, que Margheriti, dangereux récidiviste, devait encore proposer un plan des seins de (la doublure de) Barbara Steele dans LA SORCIÈRE SANGLANTE...
Ce DVD propose, lui aussi, le film en 1.85. Or, dans de nombreux ouvrages "de référence" et revues ("The Aurum Film Encyclopedia of Horror", "La saison cinématographique 1965", "Midi-Minuit fantastique" numéro 10-11...) ainsi que sur l'affiche française d'époque (consultable ici), il est indiqué que le film est en scope, et plus précisément en Totalscope, format italien en 2.35. Par contre, les affiches italiennes d'époque parlent d'un mystérieux format "Ultrapanoramic" dont je n'ai trouvé de trace nulle part. Sur la VHS française distribuée en 1981 par RCA Vidéo le film est proposé au format 1.85, comme ce DVD, alors qu'il s'agit d'un autre télécinéma (générique en français).
Certes, le cadrage est parfois un peu hésitant, mais sans que cela soit outrageusement gênant. N'ayant pas vu le film en salles, et n'en ayant trouvé aucune revue décrivant précisément son format, il est difficile d'affirmer catégoriquement, pour le moment, si le cadrage est ici respecté ou non. Espérons que la sortie très prochaine du DVD américain chez Shriek Show apportera des éléments de comparaison encore plus probants. En attendant, et au vu de la vidéo française, on laissera tout de même le bénéfice du doute à cette édition.
La copie proposée ici, en tout cas, est dans un état correct, malgré quelques petites tâches et légères rayures globalement assez peu dérangeantes. Le défaut le plus embarrassant est une compression ponctuellement assez visible, notamment dans les plans sombres. Mais il n'en reste pas moins que le respect des lumières et des couleurs fait plaisir à voir. Au prix auquel le DVD de ce film rare est proposé, il ne faut pas non plus s'attendre à un résultat épatant !
Les bandes-son française et italienne sont clairement repiquées sur des pistes optiques un peu sales et stridentes, mais néanmoins suffisamment claires pour ne jamais poser aucun problème de compréhension. Le sous-titrage français peut être mis hors service.
Enfin, pour tout bonus, on trouve une bande-annonce en italien non sous-titrée au format 1.85, ainsi que deux bio/filmographies soignées de Margheriti et Lee.
Ce n'est un secret pour personne, les DVD proposés avec la revue "Mad Movies" sont, en grande majorité, des oeuvres réellement intéressantes. Ce titre ne fait pas exception et ses défauts techniques sont assez négligeables si on les rapporte au prix de vente.