La famille Rolf s'installe pour l'été dans une superbe demeure de famille, louée pour une bouchée de pain. Une seule condition leur est imposée : apporter quotidiennement son repas à Madame Allardyce, vénérable vieille dame vivant recluse, parmi ses souvenirs, sous les combles. Marian Rolf accepte de se charger de cette tâche journalière, et tout semble s'annoncer pour le mieux. Sauf que cette maison a une influence néfaste sur le comportement de ces vacanciers...
Le réalisateur Dan Curtis émergea grâce au succès de la série télévisée DARK SHADOWS, qu'il déclina au cinéma avec LA FIANCEE DU VAMPIRE et LA MALÉDICTION DES VAMPIRES. Puis, il retourna à la télévision, notamment pour y illustrer des classiques du fantastique (DRACULA ET SES FEMMES-VAMPIRES, distribué en salles en France ; THE TURN OF THE SCREW d'après Henry James...). TRAUMA lui donnera l'occasion de revenir travailler pour le grand écran. Il s'agit de l'adaptation du roman "Notre Vénérée Chérie" de Robert Marasco, un classique de la littérature fantastique anglo-saxonne. Curtis avait déjà travaillé dessus plusieurs années auparavant, lorsque la 20th Century Fox l'avait contacté afin de le lui faire réaliser. Mais le projet s'embourba, et le scénario fut rangé au placard.
Pourtant, Curtis aura l'occasion d'y revenir quand Sergio Leone le contactera pour acquérir les droits d'un roman qu'il détenait. Curtis accepte de les lui céder, à condition qu'on lui laisse réaliser un film de son choix. Le marché est conclu et le réalisateur bénéficie de moyens confortables pour faire son retour au cinéma. Il choisit alors de ressortir des tiroirs son adaptation du roman de Marasco. Il bénéficie d'un casting de stars, parmi lesquelles Oliver Reed (LES DIABLES de Ken Russell...), Bette Davis (QU'EST-IL ARRIVE A BABY JANE ? de Robert Aldrich...) et Karen Black (qui retrouva Dan Curtis ensuite, pour un quadruple rôle, dans le téléfilm LA POUPÉE DE LA TERREUR).
Ben Rolf et son épouse Marian n'en croient pas leurs oreilles quand Roz Allardyce propose de leur louer sa superbe demeure familiale tout l'été, pour seulement 900 dollars ! Une seule condition particulière leur est imposée : ils devront apporter chaque jour ses repas à Madame Allardyce, vétéran du clan, qui vit recluse au dernier étage. A ce prix, Ben flaire l'arnaque. Mais, sous la pression de son épouse, fascinée par la superbe bâtisse, il finit par accepter. Ils s'installent donc pour l'été dans la maison avec leur fils David, et Elizabeth, tante de Ben, une vieille dame pleine de dynamisme. Les vacances s'annoncent idylliques.
Pourtant, quelque chose cloche. Marian se charge de porter ses repas à Madame Allardyce, mais celle-ci reste enfermée dans sa chambre et ne répond pas quand on lui adresse la parole à travers la porte. La jeune femme est contrariée par ce comportement insolite, mais elle est aussi fascinée par les souvenirs entreposés dans le vestibule attenant au repère de l'énigmatique matriarche. Des incidents inquiétants s'accumulent, alourdissant l'ambiance. Alors que la piscine est rouverte pour la belle saison, un jeu violent entre Ben et son fils y dégénère : le garçon manque d'être noyé par son propre père ! La nuit même de cet incident, le sommeil de Ben est troublé par un horrible cauchemar lié à un traumatisme d'enfance. Quant à tante Elisabeth, la vieille dame énergique semble se faner à vue d'œil...
TRAUMA s'inscrit dans la tradition des films de maisons hantées classiques, genre s'était cristallisé au début des années 1960 avec LA MAISON DU DIABLE et LES INNOCENTS. Pourtant, la demeure des Allardyce se distingue par certaines originalités. Certes, comme il se doit, son influence démoniaque déstabilise les habitants, en les confrontant à leurs terreurs les plus intimes. Néanmoins, le récit renonce au canevas classique du genre, mis en place, par exemple, par LA FALAISE MYSTERIEUSE, qui veut que la hantise du lieu soit la conséquence d'un drame humain terrible et injuste, demandant à être réparé.
En fait, la maison de TRAUMA est le personnage fantastique du film, tout comme la demeure de LA CHUTE DE LA MAISON USHER de Corman était le "monstre" du métrage. Elle évolue "physiquement" tout au long du récit, devenant de plus en plus belle (meubles, fleurs, jardins, façades...) au fur et à mesure des crimes commis. Cette singularité est illustrée par une étonnante séquence dans laquelle la maison "mue" littéralement, des tuiles et des planches neuves chassant les anciennes. Cette originalité n'est peut-être pas suffisamment exploitée, mais elle a le mérite d'apporter un piment nouveau à un genre assez codifié. Comme toujours dans ce style d'œuvre, le décor rétro et inquiétant tient une place primordiale. Pratiquement tout a été tourné dans une vraie demeure californienne, décorée par le directeur artistique, qui n'est autre qu'un certain Eugene Lourie (réalisateur de films fantastiques, dont LE MONSTRE DES TEMPS PERDUS...).
TRAUMA est aussi assez typique du cinéma fantastique américain des années 1970, tel qu'il s'est constitué suite aux succès de films comme ROSEMARY'S BABY ou L'EXORCISTE. Tournant le dos à l'épouvante gothique des années 1960, il confronte des évènements surnaturels avec des personnages contemporains, banals, décrits avec réalisme et vraisemblance. Toujours avec le même souci de réalisme, les éclairages refusent les effets expressionnistes d'ombres ou de couleurs.
Dans la tradition des films de Polanski ou d'œuvres encore antérieures, comme LA FÉLINE ou LES INNOCENTS, la psychologie des personnages est mise très en avant. Ainsi, toute la première moitié du métrage nous montre comment l'influence de la maison va affaiblir chaque personnage, en s'attaquant à ses points les plus faibles (le traumatisme de Ben par exemple). Qui plus est, les incidents vont démolir l'unité de la famille et la confiance réciproque qui lie ses membres. C'est sans doute dans la description très subtile et progressive de l'évolution désastreuse des rapports entre les personnages que TRAUMA est le plus frappant.
Les moments-chocs sont plutôt rares, voire quasiment absents de toute la première heure du métrage. Quand ils commencent à s'accumuler, ils sont pourtant d'une grande efficacité horrifique, notamment grâce au savoir-faire évident de Dan Curtis en la matière (la piscine, la maladie de tante Elisabeth...). Les visions du croque-mort souriant, liées à la mort de la mère de Ben quand il était enfant, font partie des clous du film. Le commentaire audio nous apprend qu'elles ont été inspirées à Curtis par les circonstances entourant les funérailles de sa propre mère !
TRAUMA n'est pas totalement dénué de défauts. Tante Elisabeth manque un peu de profondeur par rapport aux autres personnages. Bette Davis ira d'ailleurs jusqu'à affirmer que ce film est un des pires souvenirs de sa carrière. Karen Black manque un peu de l'autorité nécessaire pour vraiment convaincre de sa transformation progressive. Oliver Reed cabotine un peu. Surtout, cette histoire de maison-vampire est parfois prévisible, un peu trop classique, et peut sembler manquer de personnalité. Pourtant, il faut être juste : aujourd'hui, le spectateur connaît sur le bout des doigts les films ayant entouré la sortie de SHINING (AMITYVILLE, LA MAISON DU DIABLE, LA MAISON PRÈS DU CIMETIÈRE, POLTERGEIST...). Sans doute TRAUMA devait-il sembler plus innovant aux spectateurs qui n'avaient pas encore vu tous ces titres, postérieurs de plusieurs années à sa sortie.
Ce film de Dan Curtis reste indéniablement efficace. Non seulement parvient-il à provoquer quelques moments de très grosse frousse chez le spectateur, mais, en plus, il captive son attention et maintient une pression constante durant ses presque deux heures de métrage. Bien accueilli au sixième Festival du Film Fantastique de Paris (Karen Black y reçoit le prix de la meilleure interprétation féminine), TRAUMA ne sera pourtant pas distribué en salles en France. Par contre, il y sera proposé en vidéo, et maintes fois réédité dans ce format. Le voici qui arrive en DVD, dans deux éditions distinctes : le Zone 1 américain (cadrage 1.85 compatible 16/9, avec sous-titres français et bonus) et le Zone 2 anglais (format 1.33, sans option 16/9, ni sous-titre ou bonus). Ce dernier étant disponible depuis bien plus longtemps.
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En ce qui concerne le format de l'image, Dan Curtis explique clairement dans le commentaire audio qu'il a tourné son film en 1.85 (bien qu'il ait, un moment, envisagé le Scope). Les intentions artistiques initiales de l'auteur sont donc mieux respectées par le DVD américain. Celui-ci propose une copie très propre, ne laissant apparaître que très rarement des taches. Le rendu du grain, des contrastes et des couleurs se fait tout en finesse. La définition est en retrait, mais cela correspond à la photographie d'origine, qui use et abuse de filtres diffuseurs. La compression se comporte très bien, et ne faiblit que sur des plans vraiment "durs" (le bain de minuit, par exemple).
Seule la bande-son anglaise, proposée en mono d'origine, est présente. Elle est très réussie (la finesse du rendu du carillon est, par exemple, stupéfiante). Qui plus est, on apprécie d'y trouver des sous-titres anglais, espagnols et... français !
Les bonus sont assez peu nombreux, ce qui n'est pas anormal au vu du prix raisonnable de ce DVD. A part une bande-annonce (qu'on évitera de visionner avant le film, car elle me semble en révéler un peu trop), on ne trouve qu'un commentaire audio récent, assuré par Dan Curtis, le scénariste-écrivain William F. Nolan et l'actrice Karen Black. Cette piste est très intéressante, même si elle contient pas mal de blancs. On regrette un peu qu'on n'y parle presque pas de Bette Davis ou d'Oliver Reed.
Le DVD anglais, dénué de bonus et de sous-titres, est tout de suite moins séduisant ! Pourtant, contrairement à ce qu'on pourrait penser, il ne s'agit pas d'un Pan & Scan, mais tout simplement d'un transfert du film sans les caches 1.85. On gagne donc en informations en bas et en haut de l'image, mais ce cadrage ne correspond plus à celui initialement prévu par le réalisateur. Enfin, la définition semble un peu plus précise sur ce DVD anglais, mais les traces de compression dans les scènes sombres sont beaucoup plus flagrantes. La seule bande-son, anglaise en mono d'origine (contrairement à ce qu'annonce la jaquette, qui parle d'une piste stéréo), est un peu inférieure au DVD américain, mais tient quand même très correctement la distance. Enfin, comme précisé plus haut, ce DVD est totalement dénué de bonus.
TRAUMA est un très honorable représentant de la famille raffinée du cinéma fantastique qui mêle horreur, psychologie et maison angoissante. Il mérite donc une place de choix dans les DVD-thèques des amateurs de terreur, entre LA MAISON DU DIABLE et LES AUTRES. Cette nouvelle édition américaine est plus satisfaisante que le DVD anglais, mais ce dernier, proposé à un prix assez dérisoire, reste une solution de repli acceptable pour les DVD-vores anglophones n'ayant pas l'équipement nécessaire à la consultation d'un DVD Zone 1 NTSC.