Header Critique : BURNT OFFERINGS (TRAUMA )

Critique du film et du Blu-ray Zone A
BURNT OFFERINGS 1976

TRAUMA 

Cherchant à louer une maison pour l'été, la famille Rolfe arrive dans une magnifique demeure quelque peu à l'abandon. Pour un prix modique, deux frère et soeur (Burgess Meredith et Eileen Eckhart) donnent accès à l'ensemble de la propriété, en échange de s'occuper quelque peu de la maison et de leur mère malade, Mrs Allardyce. Le comportement rationnel de chacun va cependant dévisser au gré de l'emprise maléfique de l'endroit. Marion Rolf (Karen Black) devient obsédée par Mrs Allardyce. Son mari Ben (Oliver Reed) en vient à vouloir tuer son fils. tandis que leur Tante Elizabeth (Bette Davis) voit sa santé se dégrader à vitesse grand V.

Inédit au cinéma en France, cette production/réalisation de Dan Curtis fait suite à ses créations télévisuelles de DARK SHADOWS ainsi que de ses téléfilms NIGHT WALKER/NIGHT STRANGLER. Armé de deux têtes d'affiche alors au pinacle de leur carrière : Karen Black venait d'enchainer CINQ PIECES FACILES, 747 EN PERIL, FAMILY PLOT. Oliver Reed bien à son aise dans les rôles borderline, voir LA MALEDICTION DES WHATELEY, LES DIABLES ou le méconnu LA CIBLE HURLANTE... Sans mentionner l'immense Bette Davis, multi-récompensée, à la carrière étincelante depuis 1933 et ravivée en 1961 avec QU'EST-IL ARRIVE A BABY JANE?, CHUT…CHUT CHERE CHARLOTTE et autres CONFESSIONS A UN CADAVRE. Ou encore Burgess Meredith, trouvant la gloire tardive avec ROCKY et faisant rebelote dans l'effroi avec LA SENTINELLE DES MAUDITS. Il y a également un nom au générique qui fera s'illuminer les yeux des amateurs de fantastique : Eugène Lourié. le réalisateur de GORGO et du MONSTRE DES TEMPS PERDUS retourne à ses premières amours dans l'élaboration de décors. Et ce fut lui derrière ce BURNT OFFERINGS, notamment sur la spectaculaire scène de « changement de peau » de la maison!

Dan Curtis a effectué la très grande majorité de sa carrière à la télévision. BURNT OFFERINGS sera ainsi sa troisième incursion au cinéma après LA FIANCEE DU VAMPIRE et NIGHT OF THE DARK SHADOWS -dont d'ailleurs le contenu et la fin ressemblent quelque peu à celle de BURNT OFFERINGS ! Fraichement sorti de TRILOGY OF TERROR dont le 3e segment avec Karen Black s'est avéré tout bonnement terrifiant pour les spectateurs. Et qui demeure encore aujourd'hui un petit modèle d'épouvante qui tient le choc des années. Le film se construit de manière relativement lente - ce qui n'est pas un reproche, compte tenu de l'orgie de films actuels confondant rythme et rapidité d'exécution. Il tient plus de prime abord du suspense psychologique que du fantastique pur. Un double discours filmique qui entretient une paroi ténue entre chaque genre auquel le film peut se rattacher. On pourra ainsi déceler les influences d'Henry James entremêlées d'Edgar Wallace, Shirley Jackson ou d'Edgar Allan Poe. A noter d'ailleurs que Curtis et Nolan changeront la fin du livre pour l'adaptation cinématographique - ce qu'ils expliqueront dans le commentaire audio.

Ce qui n'est pas sans rappeler la structure du récit des NIGHT WALKER/NIGHT STRANGLER, élaborant consciencieusement une voie jusqu'à un climax attendu. Un style dépouillé, peut être trop prudent pour un film de cinéma, aurait-on envie de dire. Curtis excelle à la direction d'acteurs qui démontre la progression maladive de la destruction du cocon familial. Le problème aujourd'hui étant qu'avec le recul, les innombrables films et écrits qui sont arrivés après, le final-surprise s'avère quelque peu émoussé. On le voit venir d'assez loin… ce qui n'enlève en rien la qualité de la construction dramatique et le crescendo de la folie qui semble s'emparer du couple Black/Reed, toujours exemplaire.

A y regarder de plus près, BURNT OFFERINGS et le style de Dan Curtis semblent avoir pavé la route de nombre de récits paranoïaques qui suivirent. Ne serait-ce que la dégradation graduelle psychologique des héros. L'exemple le plus flagrant demeurant SHINING, ou encore L'ENFANT DU DIABLE de Peter Medak, entre autres. Pas vraiment film de maison hantée, ni film d'horreur ou d'épouvante, le récit s'articule autour de la naissance d'un cauchemar éveillé, comme si la maison puisait son énergie dans celle, défaillante, de ses nouveaux locataires. Une maison vivante? ou morte-vivante? Régénération ou incarnation de la mort? Au gré du film, une certaine ambition pointe le bout de son nez. On nage plus en terrain surnaturel qu'autre chose. Un regret : que l'interprétation de Karen Black ne soit pas aussi intense que dans TRILOGY OF TERROR. Son authentique capacité à provoquer le frisson ne parvient pas au niveau généré par la maléfique poupée Zuni! D'ailleurs, on pourra pointer certaines similitudes/traits stylistiques chez Curtis, amateur de transformations physiques finales… de TRILOGY OF TERROR en passant par BURNT OFFERINGS, NIGHT STRANGLER ou encore .. LA MALEDICTION DE LA VEUVE NOIRE !

Le Blu Ray proposé par Kino Lober offre une HD en 1080p encodé en AVC MPEG-4 et d'une durée complète de 116mn 11 (115mn 50 hors générique MGM), avec un menu fixe d'une originalité assez pauvre (ou sobre, c'est selon) - surtout si on compare aux efforts fournis par Scream Factory, entre autres. On retrouve le format original de 1.85:1 et les nostalgiques auront de coeur de revoir l'ancien logo United Artists de conservé au générique. Le rendu HD aura de quoi surprendre. Si l'aspect grain initial demeure, les choix de photographie laissent perplexe. Ce qui donne parfois cette sensation bizarre de luminescence trop importante. Les plans en extérieur jour paraissent parfois surexposés. En fait, un trop plein d lumière arrose une bonne partie du métrage, ceci même dans les scènes d'action - comme la tempête avec l'incident avec la voiture. Cette volonté d'une perception quasi floue par instants reste curieuse de la part de Curtis et son directeur Photo. On pourra également pointer des couleurs de peaux trop roses pour être honnêtes. Maintenant, cela reste une amélioration sans conteste du DVD Z1 pour la définition, la précision des traits et des contours - qui apparaissent ici superbes!

La piste audio anglaise en DTS HD MA 2.0 fait le job. L'ensemble des dialogues demeurent audibles, tout comme l'accompagnement musical qui sait rester en retrait aux moments opportuns - tout en étant remarquablement limpide lors de sa mise en avant. Pas de distorsions ni de parasites à noter. Et certains effets (comme le craquement de la colonne vertébrale de Bette Davis à 73mn52) apparaissent redoutablement efficaces!

Kino Lorber a désormais compris ce qui fait l'intérêt de ces éditons Blu Ray. Déjà l'aspect « niche » pour les films de genre, mais également la production de suppléments originaux directement reliés au film. Avoir l'avis éclairé de spécialistes, c'est bien. De chercher et bénéficier de témoignages d'acteurs et/ou techniciens directement lié au film, c'est encore mieux. Exactement ce qu'offrent les bonus de cette galette. L'interview avec Lee Montgomery reste intéressante à plus d'un titre. La vision adulte du tournage alors qu'il n'était qu'un enfant, avec les souvenirs précis de ses relations pendant le travail, mais également hors milieu. Un éclairage assez rare, direct, visiblement ému et empli de respect pour les acteurs avec lesquels il a pu échanger, notamment sur Bette Davis. Sans compter Oliver Reed qui lui fit prendre sa première cuIte (!), à la grande colère de la mère du jeune acteur...

Autre particularité, et une très bonne idée, concerne l'interview du conducteur du corbillard; Une figure ricanante, presque cauchemardesque - dont l'acteur Antony James fut quelque part victime. A savoir un casting quasi systématique sur son apparence physique, mais pas sur ses capacités d'acteur à transcender l'aspect extérieur. Une gros regret et un excellent regard sur Hollywood qui, à travers ces 40 dernières années, n'a décidément guère changé.

Idem pour le scénariste William F. Nolan qui, sur 13mn21 parle de sa collaboration avec Dan Curtis, notamment sur la série avortée THE NORLISS TAPES.

Provenant de la version DVD de chez MGM en 2003 on retrouve le commentaire audio de Dan Curtis, Karen Black et William Nolan. Une série de souvenirs revenant sur les conditions de tournage (Karen Black était alors enceinte d'Hunter Carson, son futur partenaire de L'INVASION VIENT DE MARS!), sur le fait que sans Karen Black (intarissable sur Bette Davis et Eileen Eckhardt), le film n'aurait jamais pu se faire… tout comme Sergio Leone se trouve aussi derrière tout cela! Les interventions se font cahin-caha, au gré de certaines plages de silence. C'est toutefois assez drôle et informatif, avec Nolan étant toutefois très en retrait. On sent la complicité et le plaisir de faire partager l'expérience unique que fut l'histoire derrière le film. Curtis voulant initialement tourner le film en Scope, et mettant au final cinq ans pour voir aboutir le projet! Ou comme l'idée de mettre de la vaseline (!) sur les lentilles pour les effets à la 40e minute - et fourni des souvenirs traumatiques de Dan Curtis enfant à l'enterrement de sa mère… et on apprend par ailleurs que des scènes de TRILOGY OF TERROR ont été coupées du fait de leur caractère trop épouvantable! Je n'ai pu m'empêcher d'avoir au final un sentiment diffus et nostalgique, du fait que Curtis et Black soient morts depuis. Mais d'entendre les anecdotes sur Eileen Eckhardt, Burgess Meredith ou Oliver Reed de manière plutôt enjouée demeure réjouissant tout du long.

La bonne idée est d'avoir confié à l'historien américain Richard Harland Smith un second commentaire audio. Il permet de se replonger dans l'atmosphère particulière du processus de création (assez chaotique finalement), avec anecdotes à la clé. Il offre une très intéressante mise en perspective sociale, sociologique et historique du travail de Dan Curtis, comme prolongement naturel de films comme LA NUIT DE TOUS LES MYSTERES, THE NIGHT DIGGER ou encore LET'S SCARE JESSICA TO DEATH. Avec tout ce que le film aura influencé par la suite, jusqu'à… Lucio Fulci et sa MAISON PRES DU CIMETIERE. Qu'il s'agisse du marketing autour du film ou de la première version du scénario de Marasco que Bob Fosse devait faire en 1970 pour 20h Fox (soit trois ans avant la sortie de son livre!), il est incollable. Ce n'est pas toujours en rapport avec les images qui défilent, mais son intervention pertinente reste passionnante de bout en bout.

Le film annonce original (et sa version de la série web Trailers from Hell, pas vraiment utile) , une galerie de photos de tournage, posters et photos d'exploitation complètent ce panorama somme toute révélateur d'un film aux antipodes du cinéma d'effroi actuel. Mais qui était en phase avec les codes 70's du film d'épouvante

Son aspect posé, quelque part clinique et sa lente progression vers le dénouement rebutera quelque peu les spectateurs aguerris aux codes actuels du cinéma fantastique et horrifique. Pour celles et ceux qui se laisseront bercer par un douce musique macabre, BURNT OFFERINGS saura les rassasier - également via d'adroits suppléments qui rendent cette édition plus que recommandée - si votre connaissance de l'anglais le permet.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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L'édition vidéo
BURNT OFFERINGS Blu-ray Zone A (USA)
Editeur
Kino Lorber
Support
Blu-Ray (Double couche)
Origine
USA (Zone A)
Date de Sortie
Durée
1h55
Image
1.85 (16/9)
Audio
English DTS Master Audio Mono
Sous-titrage
  • Aucun
  • Supplements
    • Commentaire audio de Karen Black, Dan Curtis, William F. Nolan
    • Commentaire audio de l’historien Richard Harland Smith
    • Blood Ties/ Interview de Lee Montgomery (HD- 16mn02)
    • Entretien avec le scénariste William F. Nolan( HD - 13mn21)
    • Acting his face : entretien avec Antony James (HD - 17mn33)
    • Trailers from Hell avec Steve Seski (Présentation en HD mais film annonce en SD 3mn21)
    • Portraits Of Fear : BURNT OFFERINGS family album : galerie de photos et posters (HD 3mn21)
    • Film annonce original (2mn29)
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