L'agent Robert Thorn est chargé d'enquêter sur le meurtre de Simonson, un dirigeant de la compagnie "Soylent", spécialisée dans la confection de produits alimentaires. Cette firme s'illustre ainsi par la distribution régulière de "Soleils verts", des plaquettes nutritives conçues à partir de plancton. Tout semble indiquer que Simonson a été tué au cours du simple cambriolage crapuleux de son appartement. Mais, Thorn va rapidement découvrir que ce crime a des motivations bien plus profondes. Il va lui falloir découvrir le secret de "Soleil Vert"...
Warner vient enfin de sortir une édition DVD de SOLEIL VERT, classique de la science-fiction des années 1970. Cette oeuvre est très représentative du courant dominant de la science-fiction de l'époque, qui abordait des thèmes sociaux et écologiques brûlants sur un mode fort pessimiste. SOLEIL VERT est aussi le fruit de la collaboration de deux figures marquantes ayant oeuvré au service du cinéma fantastique : l'acteur Charlton Heston et le réalisateur Richard Fleischer.
Heston joua d'abord dans des productions plutôt modestes, avec, notamment, des titres tels que QUAND LA MARABUNTA GRONDE (dans lequel il affronte des fourmis carnivores) ou LE SECRET DES INCAS (une des inspirations de Spielberg pour LES AVENTURIERS DE L'ARCHE PERDUE). Puis, dans les années 1950, il devient une star des "Epics" hollywoodiens (films d'aventures historiques à grands spectacles) : il est Moïse dans LES DIX COMMANDEMENTS de Cecil B. DeMille, BEN-HUR pour William Wyler, LE CID pour Anthony Mann... A la fin des années 1960, le succès de LA PLANETE DES SINGES oriente sa carrière vers les grosses productions de science-fiction, qui fleurissaient alors à Hollywood. Au grand déplaisir de ses producteurs, il n'accepte d'apparaître dans LE SECRET DE LA PLANETE DES SINGES, second volet de cette série, que pour un petit rôle. Par contre, il est LE SURVIVANT dans le film de Boris Sagal, inspiré par le roman "Je suis une légende" de Richard Matheson. Enfin, SOLEIL VERT est son dernier grand rôle dans le domaine de la S.F.
SOLEIL VERT est aussi une réalisation de Richard Fleischer, à qui l'on devait déjà un chef-d'œuvre du genre : 20.000 LIEUES SOUS LES MERS, produit par Walt Disney en 1954, d'après le célèbre roman de Jules Verne. Puis, il signa, en 1966, LE VOYAGE FANTASTIQUE, dans lequel une équipe d'humains miniaturisés se rendait à l'intérieur du corps d'un homme pour tenter d'y soigner une hémorragie cérébrale. Fleischer posa un regard plus léger sur le fantastique avec la comédie musicale DOCTEUR DOOLITLE, de 1967, dans lequel Rex Harrison incarne un médecin capable de communiquer avec les animaux. Il réalisa encore des suspens criminels flirtant avec l'horreur : il s'intéresse ainsi aux cas de deux serial killers authentiques dans L'ÉTRANGLEUR DE BOSTON en 1968 et L'ÉTRANGLEUR DE RILLINGTON PLACE en 1969. Dans son TERREUR AVEUGLE de 1971, Mia Farrow interprète un rôle proche de celui tenu par Audrey Hepburn dans SEULE DANS LA NUIT : une jeune aveugle traquée par un tueur détraqué. Enfin, Fleischer réalisera trois productions De Laurentiis dans les années 1980 : AMITYVILLE 3-D, très passable film d'épouvante ; CONAN LE DESTRUCTEUR, suite peu convaincante de CONAN LE BARBARE ; puis KALIDOR, une oeuvre d'heroic fantasy supposée lancer la carrière cinématographique du mannequin Brigitte Nielsen.
Dans le rôle de Sol Roth, ami et assistant de Thorn, SOLEIL VERT propose le très grand acteur hollywoodien Edward G. Robinson, dont ce devait être le cent-unième et dernier film. En effet, celui-ci, alors rongé par un cancer, mourut en janvier 1973, peu après la fin du tournage, alors que le film n'avait pas encore été présenté au public. La scène où il joue sa mort dans SOLEIL VERT est, bien entendue, bouleversante, et Fleischer nous affirme que les larmes de Heston, qui avait déjà croisé Robinson, par exemple dans LES DIX COMMANDEMENTS, y sont réelles. En guise d'hommage, plutôt que d'énumérer les innombrables classiques interprétés par Robinson, contentons-nous de citer les noms légendaires des principaux réalisateurs par lesquels il a été dirigé. : John Ford, Howard Hawks, John Huston, Orson Welles, Fritz Lang, Michael Curtiz, Cecil B. DeMille !
SOLEIL VERT se veut un film de science-fiction adulte et contestataire, genre qui domina ce domaine du cinéma fantastique après le doublé de 1968 : 2001, L'ODYSSÉE DE L'ESPACE et LA PLANETE DES SINGES. Certains de ses thèmes se retrouvent dans d'autres titres de cette vague, comme la disparition des livres (FAHRENHEIT 451 de Truffaut...), l'écologie (SILENT RUNNING...), et, surtout, la gestion de la surpopulation (POPULATION ZÉRO...). Pourtant, cette vague de films critiques va se voir déborder, en 1977, par les triomphes de l'optimiste RENCONTRES DU TROISIÈME TYPE de Spielberg et de LA GUERRE DES ÉTOILES, space-opera lorgnant vers les serials légers des années 1930 qu'interprétait Buster Crabbe (FLASH GORDON, BUCK ROGERS...).
L'enquête menée par Thorn dans SOLEIL VERT sert avant tout à nous décrire une société futuriste cauchemardesque. New York n'est plus qu'un amas de ruines sinistres, mal éclairé, peuplé par une masse de femmes et d'hommes faméliques, réduits au chômage et à la misère, et s'entassant littéralement dans les cages d'escalier à l'heure du couvre-feu. Seule la classe dominante s'en sort bien, dont les membres forment une "nomenklatura" très fermée et habitent dans de luxueux appartements. Les "privilégiés", détenteurs d'un emploi, sont alors prêts à toutes les compromissions pour ne pas rejoindre la masse des misérables qui meurent de faim, sur les trottoirs, dans l'indifférence.
SOLEIL VERT décrit aussi les conséquences d'une situation écologique catastrophique. La végétation et les animaux ont pratiquement disparu, l'homme ayant, apparemment à cause de son appétit vorace, éliminé pratiquement toutes les ressources que la nature avait mises à sa disposition. New York est constamment noyé dans un nuage de pollution verdâtre. Les aliments frais, comme les légumes, la viande et les fruits, sont devenus des mets de luxe, se négociant à des prix faramineux sur le marché noir. Un simple pot de confiture de fraise est devenu un vrai trésor... Le commun des mortels doit se contenter d'insipides plaquettes alimentaires, dénuées de goût, distribuées gratuitement par le gouvernement tous les mardi : les "soleils verts". Thorn va découvrir que Simonson en savait long sur la conception de cette nourriture artificielle, trop long sans doute. Et c'est vraisemblablement ce qui lui a coûté la vie...
SOLEIL VERT s'attaque à d'autres problèmes, tels la place des femmes dans la société (elles deviennent des meubles-esclaves rattachés à des immeubles locatifs !), la condition des personnes âgées, ainsi que le risque d'arriver à une société sans mémoire... Face à toutes ces situations, tous les personnages se montrent désespérés, résignés, que ce soit Simonson face à son assassin, Sol lorsqu'il comprend la vérité sur "Soleil Vert", ou Shirl quant à son statut peu enviable de "femme-objet". Seul Thorn semble, en fait, habité par un minimum d'esprit de révolte...
SOLEIL VERT souffre parfois de certains défauts, assez communs dans les films de science-fiction de son époque. Les bavardages prennent parfois trop le pas sur l'action, les intentions moralisatrices peuvent se faire sentencieuses, la situation met un peu de temps à se mettre en place et le sérieux imperturbable du ton se heurte au kitsch outrancier de certaines représentations "futuristes" (la petite réunion entre Shirl et ses amies, par exemple). Néanmoins, la très haute qualité de l'interprétation, la rigueur de la réalisation et l'approche réaliste du futur, évoquant parfois le Film Noir, permettent au spectateur de passer outre ces quelques reproches.
Fleischer ménage, de plus, quelques tours de force assez extraordinaires. L'émeute est certainement le clou du film, tant elle illustre de façon marquante, en quelques images d'une brutalité et d'une tension impressionnantes, la situation désespérée et bloquée de cette société du futur. De même, ce réalisateur se surpasse dans tout le dénouement, à partir de l'arrivée au "Foyer".
Warner propose ce DVD dans son format cinémascope 2.35 d'origine, avec option 16/9. La copie est assez propre, ne présentant que quelques saletés par ci par là, tandis que le rendu des couleurs, de la définition et de la luminosité est de très bonne tenue pour un film plutôt ancien. On regrette juste des passages sombres légèrement bruités. Les scènes avec du brouillard ont été réalisées à l'aide de superpositions, ce qui entraîne l'apparition de nombreuses saletés et d'un grain indéniable. Pourtant, ces défauts sont d'origine, et Warner n'avait pas à les corriger. Somme toute, un très bon DVD, même si il n'est pas à cent pour cent parfait.
La bande-son est proposée, en mono d'origine, aussi bien en français qu'en anglais, dans des conditions très semblables. L'ensemble sonne globalement très propre et très clair, même s'il y a ponctuellement des duretés ou des chuintements. On trouve en plus des sous-titrages français, anglais et espagnol.
Enfin, il est à noter que ce DVD est codé pour être lu sur des lecteurs des Zone 1, 2, 3 et 4. Cela sous-entend qu'il peut fonctionner sans problème sur les lecteurs français à condition que votre téléviseur soit capable d'afficher du NTSC.
On trouve enfin quelques bonus (non-sous-titrés), parmi lesquels une fiche technique et la bande-annonce. Deux featurette d'époque nous attendent ensuite : la première ("A Look at the World Of Soylent Green") est un petit documentaire promotionnel de dix minutes, tandis que la seconde propose cinq minutes d'images d'une fête donnée en l'honneur Edward G. Robinson au cours du tournage de SOLEIL VERT. Enfin, quelques pages de texte reviennent, très sommairement, sur la carrière d'acteur de science-fiction de Charlton Heston. En fait, le seul bonus vraiment conséquent qu'on se mettra sous la dent est le commentaire audio, assuré par Richard Fleischer et l'actrice Leigh Taylor-Young. Intéressant, bien que parfois un peu redondant et auto-satisfait, il contient surtout des informations sur les acteurs, les personnages et le travail d'adaptation du roman original, ainsi que quelques anecdotes.
SOLEIL VERT reste un bon film, qui traverse plutôt bien les décennies, notamment grâce aux qualités de son interprétation et de sa réalisation (les scènes d'action sont remarquables). C'est aussi un de ces films de science-fiction qui a le triste privilège de s'être révélé, par bien des points de vue, sinistrement prophétique, tant certains problèmes qu'il soulevait relèvent aujourd'hui d'une actualité toujours plus urgente. Le DVD est honnête, même si l'on aurait pu s'attendre à des bonus encore plus intéressants pour un tel classique. Néanmoins, au prix auquel il est proposé, ne faisons pas la fine bouche...