La terrible «Mafia en couches-culottes» a pris en otage l'école d'attardés mentaux de Tromaville. Le super héros radioactif Toxie est aussitôt dépêché sur les lieux pour faire le ménage, mais l'explosion d'une bombe en pleine classe provoque un déchirement de l'espace-temps ! Toxie se retrouve ainsi à Amortville, la version «négative» de Tromaville où règne la décadence, tandis que le double maléfique de notre héros prend sa place dans le monde «positif» pour y répandre la terreur.
Chantre de la série Z pas toujours sérieuse, la fameuse firme Troma s'inscrit au fur et à mesure des années dans un esprit de plus en plus parodique et iconoclaste. Avec SGT KABUKIMAN NYPD, TROMEO ET JULIETTE et surtout le chef-d'œuvre (et oui !) TERROR FIRMER (soit LA NUIT AMERICAINE de Truffaut à la sauce maison), Troma délaisse volontairement les sentiers de l'horreur pour s'acoquiner avec la comédie pure, bien entendu généreusement arrosée de gore, de gags scatos et de tout ce qui peut faire figure de politiquement incorrect. Dans ses meilleurs films, Troma (et par voie de conséquence son «auteur» Lloyd Kaufman) vient donc rejoindre ce courant d'inspiration (mis au point par John Waters et popularisé ensuite par la série animée SOUTH PARK) n'ayant pour but que de fustiger les travers les plus absurdes et policés de la société américaine.
Bonne nouvelle, ce quatrième opus des aventures du Toxic Avenger est une totale réussite dans le genre comico-trash si chère aux derniers films made in Troma. Sous titré CITIZEN TOXIE en hommage à CITIZEN KANE (!), le film fait table rase des deux premières séquelles déjà produites par la firme (et dont la qualité laissait franchement à désirer) pour se vautrer de manière éhontée dans le cartoon pour adulte. Et force est de constater que ça marche du tonnerre. Le film délire à pleins tubes, nous servant les séquences et les personnages les plus improbables de manière aussi soutenue que gratuite. En clair, Lloyd Kaufman se permet tout ce qui lui passe par la tête et tire à boulets rouges sur les rednecks, les politiciens véreux, les médias (surtout télé), le politiquement correct (voire les pirouettes linguistiques dès qu'il s'agit de parler d'enfants handicapés), la religion (avec l'intervention de Dieu représenté par un nain bas du front régnant sur un paradis aux allures de camping baba cool), et même lui-même (en se mettant ridiculement en scène en slibard et charlotte dans les rues de New York).
Forcément, un tel océan de provocations, aussi rafraîchissant soit-il, risque de ne pas plaire à tout le monde, surtout que le film verse à tout moment dans le gros gore qui tache et le comique scato du niveau des célèbres histoires de Toto de notre enfance. Evidemment, ce côté crade fait tout l'intérêt de CITIZEN TOXIE car c'est le ressort principal de l'humour du film. Un humour fait de transgressions autour d'un comique classique de tartes à la crème transposé à la sauce caca-vomi-tripes dans la gueule. On rigole donc beaucoup, dans un univers qui doit autant à un BRAINDEAD sous acide qu'à un DUMB AND DUMBER underground.
Le délire a beau être convivial, il faut bien se rendre compte que ce qui fait prendre la mayonnaise se trouve être un excellent sens du tempo allié à un script solide et fourmillant d'idées. Aussi étonnant que cela puisse paraître, un tel film (avec un budget que l'on imagine plus qu'anémique) ne s'improvise pas complètement. L'effervescence ambiante est donc constamment cadrée par une narration très libre mais rythmée qui doit autant à la série Z (le film ne rechigne jamais à se moquer de son budget ridicule) qu'à un éventail parodique faisant le grand écart entre le non-sens des Monty Python (Toxie voyageant entre les dimensions avec les escarpins rouges du MAGICIEN D'OZ) et le gag référentiel à la ZAZ (parodiant allègrement les comics, le cinoche ou encore la télévision).
Si l'humour tous azimuts de CITIZEN TOXIE permettra aux néophytes de rentrer sans problèmes dans le style Troma, les fans purs et durs retrouveront aussi l'auto-citation décomplexée de la boîte. En plus des éternels caméos (Ron Jérémy en maire véreux, Lemmy de Motorhead, le Corey Feldman des GOONIES en gynécologue hystérique), le film propose un crossover avec un autre héros maison, le sergent Kabukiman, tombé dans l'alcoolisme parce que sa carrière cinématographique ne s'est pas enrichie de séquelles à ses aventures. Le bougre tentera ici de monter un «team» de super héros avec les très idiots «homme-vache» et «homme-dauphin» déjà vus dans TERROR FIRMER (qui racontait le tournage mouvementé d'un Toxic Avenger d'où de nombreuses passerelles).
Au final, CITIZEN TOXIE se trouve être un génial coup de pied dans la fourmilière. Si l'on veut bien passer avec indulgence sur les innombrables défauts techniques du titre, faisant flirter certaines images avec l'amateurisme, il faut reconnaître que l'esprit Troma n'aura jamais aussi bien fonctionné. Remède fou furieux au conservatisme et à la régression, la boîte de Kaufman détonne encore trente ans après sa création (faisant de Troma le plus vieux studio indépendant des Etats-Unis) dans un paysage cinématographique toujours aussi fade. Pourvu que les prochains titres de la maison possèdent la même fougue anarcho-branque que cette nouvelle aventure de la star maison.
CITIZEN TOXIE fait parti d'une deuxième vague de sorties françaises sur DVD de films Troma. Si les jaquettes ont été salutairement revues à la hausse, le contenu technique reste à peu de chose près le même que celui des éditions précédentes. Le film est en format 4/3 d'origine et proposé en stéréo en version originale seulement (un doublage français n'existant pas). La qualité de l'ensemble est tout juste correcte, ce qui n'est pas plus gênant que ça pour ce genre de film.
La section bonus est quant à elle très décevante : un court historique de Troma puisé dans l'Ecran Fantastique (et reprenant des parties de texte déjà vues dans les bonus des autres disques dédiés à la firme) et une très légère archive photo des Tromettes, les pin-ups locales. Pas de trace de la bande-annonce promise sur la jaquette, ni des bonus présents sur le Zone 1. Bien qu'étant un titre phare, CITIZEN TOXIE se trouve être le disque le plus pauvre de la collection question suppléments ! Heureusement, le petit prix de l'ensemble vient servir de compensation.
Véritable maelström trash et parodique, CITIZEN TOXIE balance son univers hilarant de main de maître. A moins d'être particulièrement réfractaire à ce genre d'humour iconoclaste, il paraît difficile de résister aux nouvelles aventures de Toxie. En plus de constituer l'un des meilleurs opus de la firme, le film est un excellent défouloir fustigeant l'hypocrisie et la bêtise de nos sociétés dites modernes. Un indispensable du cinéma «autre».