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Critique du film et du DVD Zone 2
CA 1990

STEPHEN KING'S IT 

La petite ville de Derry est hantée par une terrible créature, un clown pervers capable de changer à loisir d'apparence afin de personnifier les peurs les plus intimes de ses victimes. S'attaquant uniquement aux enfants, «ça» est un jour vaincu par un groupe de sept jeunes amis ayant fait la promesse de toujours poursuivre l'odieuse entité. Trente ans plus tard, alors que chacun mène une vie paisible aux quatre coins du pays, «ça» réapparaît à nouveau à Derry. Conformément à leur promesse, le groupe des sept devra se reformer adulte pour affronter ses peurs d'enfants.

Lorsque l'on évoque les écrits de Stephen King au cinéma, c'est à tout un pan du fantastique de la fin 80 / début 90 auquel on s'attaque. C'est à cette période que le genre, alors en pleine crise d'inspiration, se lançait à cœur perdu dans les écrits fleuve de l'écrivain superstar. Outre les adaptations littérales, c'est le moindre fragment de texte du bonhomme qui était porté à l'écran en grande pompe pour des résultats oscillant entre l'incongru (LE COBAYE) et le ringard le plus total (LES ENFANTS DU MAIS). De nos jours, on préfère retenir que le travail des vrais auteurs qui se sont intéressés au travail de King avec les réussites que l'on sait : Brian de Palma (CARRIE), Stanley Kubrick (SHINNING), David Cronenberg (DEAD ZONE), John Carpenter (CHRISTINE), George Romero (LA PART DES TENEBRES).

Et pourtant, si la plupart de ces films sont des classiques du fantastique aujourd'hui, ils ne sont que partiellement satisfaisants car peu représentatifs de l'univers de Stephen King à l'écran. Loin d'être une critique, ce constat met en évidence le paradoxe de l'adaptation des romans de l'écrivain au cinéma. Car ce n'est pas tant les enjeux (sommaires) ou les thèmes (communs) des romans de King qui en font l'intérêt, mais l'habileté de l'écrivain à plonger avec moult détails identificateurs dans les dérèglements fantastiques d'un quotidien représenté à la perfection. En gros, ce n'est pas tant l'histoire qui marque à la lecture de King, mais l'immersion provoquée par la plume de l'écrivain, la "texture" d'écriture que l'homme impose à ses récits.

Sachant cela, la mécanique d'adaptation s'en trouve plus compliquée que prévu car elle sous-entend une harmonisation totale du point de vu que certains, King le premier, confondent avec une adaptation ultra littérale. Voilà pourquoi l'écrivain beugle à tout rompre que SHINNING est un film qu'il exècre. Le film de Kubrick est bien entendu un chef-d'œuvre, mais ce dernier ose plier complètement le récit au regard du cinéaste. Le style d'écriture de King est totalement en retrait au profit du point de vue de Kubrick, d'où ce célèbre clash. Si le cinéma n'est donc pas une terre si bénie que ça pour l'écrivain, la télévision propose en revanche une toute autre donne. Premièrement, le concept de mini-série permet des durées de film extensibles, idéales pour mieux profiter des digressions constantes des bouquins de King. Deuxièmement, et c'est peut-être le point le plus important, la télé impose un regard neutre au réalisateur aux commandes, conférant une totale prépondérance à l'univers de King.

CA ouvre donc la voie des adaptations de Stephen King sous la forme d'une mini-série plusieurs années après LES VAMPIRES DE SALEM mis en scène lorsque l'écrivain n'était pas encore une vedette de la littérature, soit dans ce cas un métrage de trois heures prévu pour être coupé en deux téléfilms de 90 minutes chacun. Un minimum si l'on considère que le livre de King est lui-même un pavé de 1500 pages, césuré en trois romans à suivre. Exit donc le projet de Romero qui pensait pouvoir mettre en images le livre dans un film de cinéma (les contraintes de durée de l'époque empêchant inévitablement les métrages dits commerciaux d'excéder les deux heures). Ce sera finalement le gentillet Tommy Lee Wallace (copain de Carpenter et réalisateur de HALLOWEEN 3 et de VAMPIRES 2) qui héritera d'un bébé paré pour un passage direct sur le petit écran.

Même si CA s'autorise une durée de trois heures, il faut reconnaître que le challenge de compression narratif s'avère malgré tout épineux. Sept personnages principaux plus une foule de personnages secondaires, deux époques distinctes qui ne cessent de se répondre, des rebondissements en veux-tu en voilà… un véritable cauchemar de scénariste qui ne peut, sous aucun prétexte, faire de coupes sombres salutaires dans le matériau «sacré» du maître de l'épouvante. Si CA souffre donc parfois de longueurs, surtout dues à la représentation coûte que coûte de scènes efficaces en littérature mais pauvres en terme cinématographique, il faut avouer que le travail scénaristique est plus qu'honorable. Le travail sur la structure narrative est notamment à remarquer puisqu'en plus des contraintes d'adaptation classique, le scénario se devait de respecter le format télévisuel, à savoir une coupe publicitaire toutes les sept minutes plus un sempiternel cliffhanger pour séparer les deux parties.

Simple dans le concept mais très malin dans la pratique, les séquences de film entre les spots publicitaires de la première partie vont s'ingénier à nous présenter chacun des sept personnages principaux. Idéale dans son tempo, cette première partie s'attarde sur l'enfance de chacun sans montrer de marques d'essoufflements. Ce n'est malheureusement pas le cas de la deuxième partie qui souffre d'une matière évidemment moins dense (cette dernière se penche sur le combat des adultes). Heureusement, l'ensemble se suit sans déplaisir grâce à une mise en scène certes sans goût mais néanmoins carrée, et à une interprétation un peu passe partout mais solide.

Ces (plutôt) bons points ne rachètent pourtant pas l'intérêt de la vision de CA. Car cette adaptation perd finalement tout le sel de son modèle littéraire via un polissage intensif des moments intenses du bouquin. Nous sommes à la télévision, donc pas de séquences trop sanguinolentes, ni trop bizarres, et surtout pas malsaines. Un comble puisque les dérapages à répétition étaient bel et bien l'intérêt et l'efficacité première du livre de King. Les séquences choc sont néanmoins là, mais totalement aseptisées par le politiquement correct. Par exemple, nous ne verrons pas dans le film l'un de nos personnages enfant se faire lacérer le ventre par le voyou de service qui décidera d'y graver son nom. Notre héros s'échappera in extremis sans dommage. Idem pour les apparitions de «ça», grandiloquentes et obscènes dans le livre, fugaces et cheap dans le film.

Un bilan très mitigé nous submerge donc à la vision de CA, comme l'impression de visionner un récit vidé de sens et pourtant totalement divertissant… Jusqu'à ce que l'évidence nous saute finalement aux yeux. Et si CA n'avait pas tout simplement très mal vieilli ? Ce n'est pas tant du téléfilm en soi, mais bel et bien de l'histoire que nous parlons. L'horreur champêtre made in King a vraiment du mal à nous provoquer à nouveau le moindre frisson, et ce n'est pas le discours ras les pâquerettes du rapport à l'enfance qui risque de sauver les meubles. La désertion des écrits de King comme matière à adaptations se faisant de nos jours de plus en plus ressentir (si l'on excepte le pétomane DREAMCATCHER), il paraît évident que le maître de l'horreur a du mal à rivaliser avec un genre qui a repris depuis du poil de la bête à l'écran.

Le DVD de CA est de très bonne tenue malgré une interactivité maigrichonne. Techniquement, aucun problème à signaler : l'image est en 1.77 et anamorphosée (format d'ailleurs plutôt étonnant pour un téléfilm vieux de plus de dix ans) et d'excellente qualité malgré quelques taches de pellicule. Même jugement concernant les pistes audio en stéréo, claires et efficaces quelle que soit la langue choisie. A noter que pour une qualité de visionnage optimale, le film est scindé en deux sur chaque face du DVD. Rien d'étonnant à cela dans la mesure où CA était dès le départ conçu pour être vu en deux parties.

Côté bonus, le seul élément présent est un commentaire audio du réalisateur non sous-titré, appuyé de manière ponctuelle par la grande majorité du casting. L'œuvre originale de King et le désir de fidélité est principalement au centre des propos là aussi très policés des intervenants. Seul problème, le sujet a du mal à tenir la longueur et les longs blancs se succèdent tout au long des 180 minutes du métrage. Très peu d'intérêt donc. Bien que non mentionnée sur la jaquette, une fiche technique est disponible en bonus sur la première face.

Stephen King, «le maître de l'épouvante», perd de sa superbe. Alors que l'homme semble avoir définitivement décidé que le format télé était le meilleur médium pour mettre en image ses romans (via les ré-adaptations en mini-séries de DEAD ZONE, CARRIE, le piteux SHINING réalisé par Mick Garris ainsi qu'une nouvelle version de SALEM'S LOT prévue pour 2004), le (re)visionnage de CA met franchement en évidence les carences imposées par le téléfilm. Honorable et divertissant, CA pêche par un manque total de personnalité et d'audace sur un sujet qui n'en manquait pourtant pas. Un DVD qui ne se destine qu'aux fans de l'écrivain, les autres attendront volontiers une énième rediffusion télé pour se refaire un avis.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
48 ans
1 news
287 critiques Film & Vidéo
On aime
C’est carré et plutôt divertissant
On n'aime pas
Adios le gore et l’ambiance parfois malsaine du roman
Un récit qui a franchement vieilli
Pas de sous-titrage sur le commentaire audio
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L'édition vidéo
STEPHEN KING'S IT DVD Zone 2 (France)
Editeur
Support
DVD (Double face - simple couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
3h00
Image
1.85 (16/9)
Audio
English Dolby Digital Stéréo Surround
Francais Dolby Digital Stéréo Surround
Italian Dolby Digital Stéréo Surround
Sous-titrage
  • Anglais
  • Français
  • Supplements
    • Commentaire audio de Tommy Lee Wallace, Dennis Christopher, Tim Reid, John Ritter & Richard Thomas
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