Au 21e siècle, le Japon est dans un tel marasme économique
et social que la propre jeunesse du pays se rebelle contre l'institution.
Afin de tasser les ardeurs révolutionnaires d'une génération
en crise, le gouvernement installe la loi Battle Royale : une classe
de lycéens tirée au sort dans l'archipel sera séquestrée
sur une île déserte et forcée à s'entretuer
jusqu'au dernier, et ce pour l'exemple !
Peut-être ne connaissez-vous pas Kinji Fukasaku, le réalisateur fou de ce brûlot ultra violent ? Né en 1930, le monsieur est surtout connu pour avoir mis sur pied le film de yakusa (sous genre du polar à la sauce locale) le long d'une carrière débutée dans les années 60. Quelques chefs-d'uvre plus tard, on aurait plutôt imaginé qu'arrivé à l'âge respectable de 70 ans, le monsieur serait en train de couler une retraite paisible dans une petite maison au bord de mer. Que nenni ! Artiste increvable transmué par un amour du cinéma sans borne, le papy se met en tête de réaliser une orgie violente et scandaleuse autour de l'épineuse question du futur des jeunes nippons.
Comme le fait remarquer Taki dans sa critique du DVD chinois, BATTLE ROYALE est l'adaptation d'un best seller japonais (et inédit chez nous) de Koshun Takami. A l'origine du projet, c'était Kenta Fukasaku (le propre fils de Kinji) qui devait mettre en scène le film. C'était sans compter sur la ténacité de son vieux briscard de paternel qui y voit l'occasion rêvée d'ajouter un nouvel et brutal opus à sa déjà longue filmographie. Relégué au rang de co-scénariste et de co-producteur, Fukasaku fils ne cessera tout au long de la création du film de s'engueuler avec Fukasaku père, créant ainsi un véritable conflit de génération qui, passée l'anecdote, servira à merveille le cynisme affiché du métrage final.
On s'est beaucoup interrogé sur le message véritable véhiculé par BATTLE ROYALE. Le contexte singulier de sa mise en chantier associé à la franche rupture entre l'âge du capitaine et de son très jeune casting, ont taxé un peu trop rapidement l'uvre de Fukasaku comme un film anti-jeune (voir un beau bras d'honneur à son bon à rien de fils). Bien que le réalisateur se montre des plus allusifs sur ce point (et non sans humour), il faut bien avouer que cette hypothèse ne tient pas beaucoup debout. Pourquoi ? Et bien tout simplement parce ce que le film nous semble être justement tout le contraire.
BATTLE ROYALE est plus une charge contre le Japon actuel et contre les générations qui ont mené le pays dans cette triste situation. Est-il utile de préciser que la jeunesse du pays se retrouve balancée dans un véritable merdier social suite à une succession de crises économiques. Le contexte social du film n'est donc rien d'autre qu'une exacerbation de la situation actuelle du Japon, le tout saupoudré d'une note politique futuro-fascisante. Fukasaku caricature à travers ce film l'entrée dans la vie active de la jeunesse nippone, et organise une nouvelle sélection naturelle où chacun devra se montrer ultra déterminé et prêt à renoncer à toute attache personnelle ou morale afin de mériter sa place dans le Japon moderne. Outre les débordements sadiques et gores du film, BATTLE ROYALE fait mal parce qu'il ose peindre l'image caricaturée d'un pays tellement malade qu'il se met à tuer ses propres enfants.
Bien entendu, le film est aussi un monstre d'efficacité. Comme le fait si bien remarquer Taki dans sa critique du DVD chinois, les vingt premières minutes d'exposition sont absolument remarquables. Outre nous présenter une quarantaine de personnages, un contexte politique inédit et les lois du jeu BR, ces premières minutes nous plongent dans le ton mi-figue mi-raisin du film où se côtoient sans cesse humour (très) noir et violence (gratuite). En gros, si ces minutes vous rebutent, ce n'est pas la peine d'aller plus loin. Ce sera malgré tout dommage car, outre les exécutions sommaires, Fukasaku se montre très inspiré dans sa mise en scène, nous réservant ainsi des moments absolument superbes. Entre la quête intérieure d'un personnage cherchant à comprendre le sourire de sa petite amie alors qu'il venait de lui tirer dessus, différents cartons écrits s'adressant directement au spectateur ("Et toi, tu as compris ?" nous adresse Fukasaku après un massacre éclatant sans raison), ou encore à travers une mise à mort tristement sublime sur fond de Jean Sébastien Bach, BATTLE ROYALE regorge jusqu'à la gueule de moments forts, rendant la vision de ce film INDISPENSABLE !