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Critique du film
SCREAM 1996

 

En 1996, le cinéma d'épouvante est mal en point. Un mouvement de restauration des mythes classiques s'est amorcé au début de la décennie, avec les vampiriques BRAM STOKER'S DRACULA et ENTRETIEN AVEC UN VAMPIRE. Mais il ne fait pas long feu et lui succèdent des échecs comme FRANKENSTEIN de Kenneth Branagh ou WOLF de Mike Nichols.

Les séries de Slasher à tueurs récurrents, mises en place dans les décennies précédentes, avec LA NUIT DES MASQUES, VENDREDI 13 ou LES GRIFFES DE LA NUIT, ont de moins en moins de succès. Leurs successions de suites de plus en plus dénuées de qualité et d'imagination renvoient une mauvaise image du genre. Cette mauvaise image se répercute sur le cinéma d'épouvante globalement, confortant le grand public dans sa vision d'un genre bas de gamme, confectionné à coup de clichés répétitifs pour des spectateurs peu exigeants.

Dans ce paysage émerge la série télévisée «AUX FRONTIÈRES DU RÉEL», mieux connue sous son titre anglophone «X-FILES». Mélange de frissons et de science-fiction complotiste, amorcée en 1993, elle devient un véritable phénomène. L'angoisse a déserté les grands écrans pour se rabattre sur les petits.

Parallèlement, Quentin Tarantino réalise RESERVOIR DOGS et PULP FICTION dans lesquels il aborde le genre Noir avec de l'ironie, des citations et de la distance. Dimension, alors filiale de Walt Disney destinée à surfer sur cette vague entre cinéma hollywoodien indépendant et cinéma de genre, réunit un petit budget et demande à Wes Craven de réaliser SCREAM. Ce nouveau film est basé sur un scénario d'un jeune scénariste, Kevin Williamson. Son travail est ici dans la lignée d'un Tarantino, mais appliqué au cinéma d'horreur.

La distribution réunit des acteurs alors peu connus comme Neve Campbell, Matthew Lillard ou Skeet Ulrich, comédiens dont le souvenir reste surtout rattaché à SCREAM et ses suites. Nous trouvons aussi Drew Barrymore, l'ancienne vedette-enfant de E.T. L'EXTRA-TERRESTRE à la carrière alors chaotique. Ou Courteney Cox, devenue une vedette de la télévision grâce à la série «FRIENDS», alors au sommet de sa popularité.

Un tueur masqué sévit dans une petite ville des États-Unis et ne s'en prend qu'à des adolescents...

Une astuce de SCREAM est de rehausser l'intrigue d'un Slasher classique au moyen  de fortes doses d'humour noir et de mise en abyme. Pour contourner l'image désastreuse pesant alors sur le Slasher, SCREAM aspire à une apparence sophistiquée. Ainsi, le déguisement du tueur ne s'inspire pas de la Pop Culture américaine (comme Michael Myers dans LA NUIT DES MASQUES qui porte un masque de William Shatner, acteur-vedette de «STAR TREK») ou du sport (le masque de hockey de VENDREDI 13). Il reproduit en fait le tableau européen classique «Le cri» du peintre expressionniste Edvard Munch, tableau qui donne même son titre au métrage.

Toujours dans le sens de cette sophistication, les meurtriers s'inspirent de crimes commis dans des films antérieurs. Ainsi, le début s'inspire nettement de TERREUR SUR LA LIGNE. De plus, certains protagonistes se prévalent d'une vaste connaissance des Slashers. Un trait d'humour récurent consiste à signaler à travers les dialogues des rapprochements entre les situations vécues par les personnages et celles de films connus comme VENDREDI 13 et PSYCHOSE.  

Le procédé n'échappe hélas pas à la démagogie. Ainsi quand Neve Campbell explique que les films d'horreur sont toujours l'histoire d'"un tueur débile qui court après des filles aux gros seins", Williamson flatte le public qui méprise le cinéma fantastique sans le connaître et le conforte dans ses préjugés. Il s'assure ainsi l'adhésion du plus grand nombre aux dépends de notre genre préféré. Le genre horreur se trouve assimilé à son plus petit dénominateur commun et à ses productions les plus répétitives.

Le tour de passe-passe de SCREAM aura donc été d'être un film d'horreur goupillé pour séduire les spectateurs qui n'aiment pas le cinéma d'horreur. Les règles des films d'épouvante qu'il raille sont celles de films tournés quinze ans avant sa sortie, des règles déjà largement démodées et copiées jusqu'à la nausée avant 1996. SCREAM tourne en effet en dérision un genre déjà mort au moment de sa sortie, que ce soit en terme de succès public ou de production. La subversion et le risque dans sa démarche sont donc nuls. SCREAM ne réinvente rien, il se contente de pasticher avec un sourire ironique.

De plus, l'essentiel du métrage consiste en une comédie adolescente non dénuée de mièvrerie. L'enjeu principal est de savoir si Sidney surmontera son traumatisme sexuel et acceptera de coucher avec Billy. Avec ses jeunes acteurs lisses, SCREAM nous rapproche de sitcoms télévisés comme «DAWSON» (série télévisée scénarisée par Kevin Williamson deux ans après SCREAM).

D'autre part, le meurtrier se prend des coins de porte dans le figure ou glisse sur des carrelages humides. Il ne paraît pas bien redoutable. Si certains interprètes se défendent très bien (Neve Campbell, David Arquette, Courteney Cox), d'autres sont insupportables (comme Skeet Ulrich ou Matthew Lillard – acteur qui fera de son histrionisme crispant son plan de carrière !).

Wes Craven sauve en partie les meubles. Le soin qu'il apporte à sa mise en scène et sa manière de convoquer l'étrange et le mystère dans des contextes banals font émerger des scènes efficaces. Ainsi, le premier meurtre, devenu le moment le plus fameux de la saga, reste réussi. Le final sanglant impressionne, avec notamment cette scène étonnante au cours de laquelle des meurtriers se poignardent mutuellement !

Malheureusement, entre ces deux moments, nous subissons une longue et antipathique comédie adolescente, indigne du réalisateur de classiques du fantastique comme LES GRIFFES DE LA NUIT ou de L'EMPRISE DES TÉNÈBRES.

SCREAM connaît un énorme succès et engendre rapidement deux suites qui sont elles aussi des triomphes. Wes Craven pourra alors s'enorgueillir d'avoir proposé dans sa carrière quatre films très influents et copiés de multiples fois par des cinéastes moins imaginatifs que lui : LA DERNIÈRE MAISON SUR LA GAUCHE, LA COLLINE A DES YEUX, LES GRIFFES DE LA NUIT et SCREAM !

Ce succès engendre une renaissance du Slasher, à savoir la vague des Néo-Slashers, étalages d'acteurs niais et de situations insipides, au gré de titres comme SOUVIENS TOI... L'ETE DERNIER, URBAN LEGEND et autres MORTELLE SAINT-VALENTIN. Le soufflé retombera vite au début des années deux mille. Arriveront en effet des métrages approchant l'horreur de façon moins superficielle (la Ghost Story classique SIXIÈME SENS de M. Night Shyamalan en 1999 ou le film de fantômes japonais RING), voire plus viscérale (LE PROJET BLAIR WITCH).

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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