Une suite du NEW YORK 1997 de John Carpenter, sorti en 1981, est évoquée dès 1986, après l'échec commercial des AVENTURES DE JACK BURTON DANS LES GRIFFES DU MANDARIN. Les complices Kurt Russell et John Carpenter envisagent ainsi un rebond commun. Mais faute d'un scénario convaincant, le projet sombre dans les limbes.
Au début des années quatre-vingt-dix, la carrière de John Carpenter ralentit, avec des échecs à divers degrés comme LES AVENTURES D'UN HOMME INVISIBLE ou LE VILLAGE DES DAMNÉS. Mais celle de Kurt Russell connaît une embellie avec des succès comme TANGO & CASH aux côtés de Sylvester Stallone, BACKDRAFT et ses héros pompiers, ou surtout en 1994 le succès mondial du film de science-fiction de Roland Emmerich STARGATE.
À cette époque, la ville de Los Angeles fait les gros titres des actualités. L'ultra-violence des gangs rivaux qui y sévissent, les émeutes consécutives au passage à tabac par la police de Rodney King, les incendies récurrents et un violent tremblement de terre sont autant de symptômes d'une ville sous tension.
Marqué par ses événements s'étant déroulés dans cette capitale américaine, si ce n'est mondiale, du cinéma, Kurt Russell contacte John Carpenter ainsi que Debra Hill, productrice complice du metteur en scène de 1978 à 1982. Il leur propose de lancer une suite tardive de NEW YORK 1997 se déroulant à Los Angeles : LOS ANGELES 2013.
NEW YORK 1997 a été un gros succès en son temps, et son personnage principal, Snake Plissken, est devenu une icône mémorable du cinéma populaire. Notamment au gré de ses rediffusions à la télévision ainsi que de sa distribution en vidéo.
La Major Paramount accepte d'emblée le projet, lui allouant un budget généreux. John Carpenter, Debra Hill et Kurt Russell se réunissent et écrivent ensemble cette suite. Le premier se charge du début du métrage, la seconde du milieu et le troisième de sa fin. Kurt Russell a ainsi l'idée du plan final fameux de LOS ANGELES 2013, dans la complète logique nihiliste du dénouement de NEW YORK 1997.
John Carpenter revient à la réalisation et, bien sûr, Kurt Russell reprend le rôle du mercenaire borgne Snake Plissken. De nombreuses Guest Stars sont de la fête : Pam Grier (COFFY, LA PANTHÈRE NOIRE DE HARLEM), Steve Buscemi (RESERVOIR DOGS), Bruce Campbell (EVIL DEAD), Stacy Keach (BODY BAGS) ou Peter Fonda (EASY RIDER).
En 1998, les USA sont une dictature soumise à un ordre moral inflexible. Les marginaux sont envoyés à Los Angeles, devenue une île après un tremblement de terre. En 2013, le gouvernement force Snake Plissken à aller y chercher une boîte noire vitale pour la sécurité du pays...
Au travers de LOS ANGELES 2013, John Carpenter dresse avec humour un portrait critique de l'Amérique des années quatre-vingt-dix. Du côté du gouvernement, nous trouvons la bigoterie, le puritanisme et le "politiquement correct". Tandis qu'à L.A., nous reconnaissons les excès des USA.
Parmi eux, le réalisateur souligne la place excessive donnée aux sports (un "match" de basket devient une question de vie ou de mort), aux célébrités (le personnage du guide-imprésario, les inconnus qui reconnaissent Snake parce qu'ils l'ont vu à la télévision) et aux armes à feu (les enfants qui abattent sans raison les nouveaux arrivants).
La grande force de LOS ANGELES 2013 est de ne pas se prendre trop au sérieux. Nous rigolons beaucoup en suivant les mésaventures de Plissken au milieu des paumés du vingt et unième siècle. Nous avons ainsi des scènes très drôles où Snake se révèle un as du basket et un surfeur hors pair (Californie oblige). Nous retrouvons un Kurt Russell génial dans son rôle emblématique. Sa seule présence rend le film jouissif. Les seconds rôles sont tous excellents.
Par contre, la structure du scénario laisse à désirer. Nous assistons à un film à sketchs inégal, certains passages paraissant creux (la clinique de chirurgie esthétique), d'autres n'étant pas très bien réalisés (la fuite de Disneyland en hélicoptère). Et LOS ANGELES 2013 s'essouffle sur sa fin.
Mais dans l'ensemble, nous passons un bon moment devant LOS ANGELES 2013. Certes, nous ne retrouvons pas la rigueur des meilleurs films de Carpenter, mais nous nous amusons bien. Renouer avec un Snake Plissken égal à lui-même est un plaisir que nous ne boudons pas.
LOS ANGELES 2013 sort pourtant au cinéma dans une certaine indifférence, tuant dans l’œuf le projet d'une éventuelle suite. Son héros cynique et le regard rigolard, mais néanmoins critique, de John Carpenter ne trouvent pas leurs places parmi les Blockbusters d'alors. Le public se bouscule dans les salles pour faire triompher un autre film de science-fiction, plus normatif et patriotique : INDEPENDENCE DAY.