Un prêtre découvre que la venue de l'Antéchrist sur Terre est prévue pour dans... vingt-quatre heures! Il cherche à rentrer en contact avec Satan pour déjouer ses plans.
Après la mort du dictateur catholique Francisco Franco, l'Espagne connaît une bouffée d'air frais démocratique. Elle se caractérise au cinéma par l'émergence, au début des années quatre-vingts, du cinéma décapant de Pedro Almodovar, très remarqué à l'étranger et en particulier en France.
Le cinéma d'horreur espagnol était très actif dans les années soixante-dix, avec en particulier la vedette locale Paul Naschy (Jacinto Molina), prolifique incarnation d'un cinéma gothique traditionnel, peuplé de loup-garous et de vampires. Mais la popularité de ce genre marque le pas durant la décennie suivante.
Des jeunes réalisateurs approchent alors l'horreur de façon plus innovante, comme Pedro Almodovar qui réalise le thriller MATADOR, expressément placé sous le signe de Mario Bava et de son Giallo SIX FEMMES POUR L'ASSASSIN. Bigas Luna tourne le remarqué ANGOISSE dans le même style. Mais ils restent des métrages isolés dans les carrières de ces réalisateurs non spécialisés.
L'arrivée d'Alex de la Iglesia change la donne en 1993 avec son premier film ACTION MUTANTE, comédie de science-fiction aussi noire que sanglante. Si sa liberté de ton l'inscrit dans le prolongement de son producteur Pedro Almodovar, ce film recoupe aussi un cinéma Gore et irrespectueux, dans la tradition de titres anglo-saxons des années quatre-vingts : EVIL DEAD de Sam Raimi, RE-ANIMATOR de Stuart Gordon ou BAD TASTE de Peter Jackson.
Si ACTION MUTANTE s'avérait une parodie délibérément bête et méchante du Space Opera, son film suivant, LE JOUR DE LA BÊTE, est une comédie d'horreur. Alex de la Iglesia en signe le scénario avec Jorge Guerricaechevarría, qui restera son fidèle complice d'écriture tout au long de sa carrière. Dans ACTION MUTANTE, nous retrouvons aussi les acteurs Alex Angulo et Santiago Segura (comédien et réalisateur du polar parodique TORRENTE), déjà présents dans ACTION MUTANTE.
LE JOUR DE LA BÊTE suit les aventures d'un petit prêtre, professeur de théologie, décidé à contrer les projets du Malin. Il lui faut pour cela empêcher l'arrivée de l'Antéchrist, prévue pour la nuit de Noël. Ce qui annonce, d'une certaine façon, LA FIN DES TEMPS de 1999, Blockbuster dans lequel Arnold Schwarzenegger se trouvera confronté à une problématique semblable.
Mais ici, nous sommes très loin du cinéma hollywoodien. Le héros est un curé quinquagénaire maladroit, aidé par un fan de Metal simplet et un présentateur d'émissions bidons sur le surnaturel. Cette brochette de vainqueurs cherche par tous les moyens à rentrer en contact avec le Diable, en tentant de l'invoquer ou en fréquentant les lieux de rendez-vous supposés des satanistes espagnols. Nous sommes dans la tradition du film d'horreur chrétien, tel que mise en place par L'EXORCISTE ou LA MALÉDICTION. Mais cette tradition est ici passée à la moulinette d'un cinéma d'action parodique.
Un grand atout du JOUR DE LA BÊTE est son excellent script (en progrès par rapport à l'inégal ACTION MUTANTE). Très bien construit, ponctué de nombreux rebondissements, il immerge avec succès le spectateur dans une atmosphère convaincante. Menée à un train d'enfer, l'histoire ne laisse pas le temps de s'ennuyer.
La réalisation d'Alex de la Iglesia évite la lenteur et la mollesse. L'énergie, la fluidité et la vivacité de son travail font penser aux meilleures œuvres de Peter Jackson ou Sam Raimi.
Pourtant, certains moments s'avèrent confus, par exemple la séquence finale. En privilégiant l'action avant tout, LE JOUR DE LA BÊTE néglige ses personnages, souvent réduits à des caricatures gesticulantes. Ce même sens de la caricature, s'il fait parfois mouche (la mère de Jose Maria), sombre parfois dans la facilité et la puérilité. La tentative d'amorcer un discours social tourne alors court. Les commandos d'extrême-droite "nettoyant" la ville semblent n'être là que pour "faire trash", sans servir aucune thématique.
Pourtant, l'efficacité d'ensemble du JOUR DE LA BÊTE, son rythme trépidant, son humour et sa réalisation nerveuse en font un film distrayant, à feuilleter comme une BD sympathiquement anarchique.
En France, LE JOUR DE LA BÊTE sort tardivement et dans une certaine indifférence. Mais il est très remarqué en Espagne, récoltant 6 récompenses aux Goyas, dont celle de meilleur réalisateur pour Alex de la Iglesia. Ce qui permet à sa carrière de passer à la vitesse supérieure Il va alors tourner aux USA le Film Noir violent PERDITA DURANGO. Il trouvera véritablement son style et son équilibre artistique en 1999 avec MORT DE RIRE, satire mordante de la télévision espagnole.
Il s'éloigne alors de l'horreur pure un bon moment. Bien que ses films adressent régulièrement des clins d’œil à ce genre (comme le film historique BALADA TRISTE), il faut attendre 2013 avec LES SORCIÈRES DE ZUGARRAMURDI pour qu'il revienne à l'épouvante - parodique bien sûr.
Quoi qu'il en soit, avec ACTION MUTANTE, LE JOUR DE LA BÊTE et PERDITA DURANGO, il défriche quand même le terrain pour toute une génération de jeunes réalisateurs espagnols spécialisés dans le suspense et l'horreur, notamment Jaume Balaguero (LA SECTE SANS NOM), Paco Plaza (LES ENFANTS D'ABRAHAM) et surtout Alejandro Amenabar (OUVRE LES YEUX).