Header Critique : LA NUIT DES MORTS-VIVANTS (NIGHT OF THE LIVING DEAD)

Critique du film
LA NUIT DES MORTS-VIVANTS 1990

NIGHT OF THE LIVING DEAD 

Le classique LA NUIT DES MORTS-VIVANTS de George A. Romero de 1968 connaît à sa sortie un énorme succès commercial. Modeste production destinée à un circuit de distribution régionale, il est largement diffusé à sa sortie, bien plus que prévu.

En effet, les concepteurs du générique ont oublié de placer les mentions légales relatives à la propriété intellectuelle. Des distributeurs ont cru l'œuvre libre de droits et en ont tiré de nombreuses copies, exploitées sans rémunérer les auteurs !

Notamment pour rattraper ce manque à gagner, George A. Romero réalise en 1978 ZOMBIE, œuvre à mi-chemin du remake et de la suite pour LA NUIT DES MORTS-VIVANTS. Après le succès de ZOMBIE, Romero propose un troisième volet à son cycle avec LE JOUR DES MORTS-VIVANTS de 1985. Lequel s'avère une relative déception commerciale et critique.

De son côté, John A. Russo, co-scénariste de LA NUIT DES MORTS-VIVANTS, rédige le script d'une autre suite de ce film, qui devient LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS de Dan O'Bannon, opportunément sorti en 1985 dans la foulée du JOUR DES MORTS-VIVANTS.

A la fin des années quatre-vingts, Russo et Romero produisent un remake en couleurs de LA NUIT DES MORTS-VIVANTS, arguant notamment que cela leur permet de récupérer un peu de l'argent "volé" lors de sa première exploitation chaotique. La réalisation est confiée à Tom Savini, cascadeur et spécialiste mythique des effets spéciaux "Gore", notamment célèbre pour son travail sur les films de Romero (ZOMBIE, CREEPSHOW).

Tom Savini a déjà travaillé comme metteur en scène sur la série télévisée « HISTOIRES DE L'AUTRE MONDE », mais il s'agit de sa première réalisation pour le cinéma. Si le film de 1968 a été tourné dans des conditions précaires, ce remake bénéficie d'un budget honnête de 5 millions de dollars et du soutien de la Major Columbia.

Le rôle de Ben est ici tenu par Tony Todd, appelé à devenir une figure du cinéma fantastique avec son interprétation du CANDYMAN. Barbara est incarnée par Patricia Tallman, cascadeuse et actrice, remarquée dans les années quatre-vingt-dix pour son rôle récurrent dans la série de science-fiction « BABYLON 5 ».

Barbara et son frère Johnny se rendent sur la tombe de leur mère, dans un petit cimetière campagnard. Ils sont agressés par un homme étrange qui tue Johnny. Traumatisée, Barbara s'enfuit et se réfugie dans une maison isolée. Elle est rejointe par Ben, un homme qui lui apprend que la région est infestée de morts-vivants...

Barbara et Ben découvrent quatre autres survivants cachés dans la cave de la demeure. Ils barricadent les fenêtres et attendent des secours. Les morts-vivants, de plus en plus nombreux, errent autour de la maison. Des disputes éclatent entre les assiégés.

Ce remake reprend les grandes lignes du film original. Pourtant, le nouveau scénario, rédigé par George A. Romero lui-même, ménage de petites surprises. Ce qui permet aux amateurs de l'original de ne pas s'ennuyer. Ainsi, après un premier moment de panique, le personnage de Barbara s'inscrit dans la tradition des "femmes fortes" apparues dans le cinéma d'épouvante après ALIEN.

Les maquillages sont de très haute qualité, même si ce n'est pas Tom Savini lui-même qui se charge des effets spéciaux. Il délègue cette tâche à deux de ses assistants : Everett Burrell et John Vulich. Les amateurs de Gore sont pourtant déçus tant ce film paraît prudent en la matière. D'une part, Savini veut éviter de tomber dans la surenchère et ménage son suspense plutôt que de partir dans des excès de violence graphique.

Surtout, la commission de classification américaine, de plus en plus inflexible avec le cinéma d'horreur depuis le milieu des années quatre-vingts, exige le retrait des passages les plus explicites, essentiellement des plans de zombies abattus d'une balle dans la tête. Romero avait délibérément distribué ZOMBIE et LE JOUR DES MORTS-VIVANTS sans les soumettre à cette commission (ce qui permet d'éviter toute censure, mais rend difficile la diffusion et la promotion des œuvres). Mais les créateurs de cette nouvelle NUIT DES MORTS-VIVANTS se plient aux coupures imposées. LA NUIT DES MORTS-VIVANTS version Savini fait donc preuve d'une violence sèche et retenue.

Ce remake tourne aussi le dos à la tentation d'un humour référentiel. Seul le prologue dans le cimetière adresse des clins d'œil complices aux spectateurs. Le reste du métrage se veut rigoureux et sombre. Dans ce sens, le final prolonge le constat cauchemardesque du dénouement de l'original.

Les survivants, organisés en milices anti-zombies, se comportent comme des brutes insensibles, tandis qu'un avenir sombre se dessine pour l'humanité. Les interprétations excellentes de Tony Todd et Patricia Tallman vont aussi dans ce sens tragique.

Pourtant, malgré de bonnes intentions, ce remake laisse les spectateurs sur leur faim. La mise en scène de Romero mêlait cadrages et éclairages expressionnistes à des séquences évoquant un angoissant documentaire. Elle créait ainsi une ambiance claustrophobe et dépressive, à la fois puissante et originale. Ici, la réalisation paraît banale, évoquant même un simple téléfilm et n'installant pas de façon durable une tension palpable.

Qui plus est, cette version de LA NUIT DES MORTS-VIVANTS souffre d'une musique électronique omniprésente et ratée, qui casse l'atmosphère et donne au film une ambiance cheap.

LA NUIT DES MORTS-VIVANTS revu par Savini est un honnête film de zombies. Toutefois, il lui manque un ton fort et singulier pour s'affirmer face à son illustre modèle. De plus, son récit, malgré ses petites trouvailles, reste trop proche du scénario de 1968.

A sa sortie aux USA, ce remake de LA NUIT DES MORTS-VIVANTS recueille des recettes considérées comme décevantes. A cette période, le zombie est passé de mode. En France, sa distribution en salles est envisagée, mais le film sort finalement directement en vidéo.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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