Header Critique : HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS (SINNUI YAUMAN)

Critique du film
HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS 1987

SINNUI YAUMAN 

HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS se rattache au genre de cinéma chinois dit "Film de Sabre".

Ce genre mélange aventures et histoire et il éclot avec le succès de L'INCENDIE DU MONASTÈRE DU LOTUS ROUGE de 1928, par Zhang Shichuan. Ce film s'inspire d'un roman puisant lui-même dans une tradition chinoise de littérature chevaleresque. Tradition dont les plus anciens ouvrages remontent au quatrième siècle avant Jésus Christ.

L'INCENDIE DU MONASTÈRE DU LOTUS ROUGE est un succès et lance une vogue de métrages chinois mettant en scène des chevaliers se livrant à des combats épiques, au cours desquels la magie et le fantastique tiennent un rôle prépondérant. Déjà les épées volent et les héros bondissent de mur en mur.

En 1949, la République Populaire de Chine est déclarée par Mao Zedong. Pour des raisons idéologiques, la Chine continentale abandonne la production et la diffusion de films fantastiques et chevaleresques. Hong Kong reprend le flambeau, notamment avec la compagnie Shaw Brothers qui devient un véritable empire cinématographique au cours des années soixante. Le Film de Sabre reste populaire et a ses réalisateurs-vedettes, avec King Hu (L'HIRONDELLE D'OR tourné à Hong Kong, A TOUCH OF ZEN tourné à Taïwan) et Chang Cheh (UN SEUL BRAS LES TUA TOUS, LA RAGE DU TIGRE).

Ce dernier modifie le genre en le rendant plus violent et moins romantique, ce qui ouvre la voix au cinéma de Kung Fu des années soixante-dix, popularisé dans le monde entier par les triomphes de l'acteur martial Bruce Lee puis par les prouesses physiques et comiques de Jackie Chan. A la fin des années soixante-dix, le Film de Sabre traditionnel et chevaleresque fait son retour, notamment avec le réalisateur Chu Yuan (LE SABRE INFERNAL).

Au début des années quatre-vingts, Tsui Hark, jeune cinéaste d'à peine une trentaine d'années, fait le pari de fusionner ce genre vénérable avec les innovations techniques et cinématographiques d’œuvres hollywoodiennes comme LA GUERRE DES ÉTOILES. Il réalise ainsi ZU, LES GUERRIERS DE LA MONTAGNE MAGIQUE de 1983, aventure bondissante et truffée de trucages, si riche en péripéties et en combats hyper-nerveux qu'il en est par moment indigeste. Le film coûte très cher et n'est pas un succès. Mais il est remarqué à l'étranger, notamment au Festival du Film Fantastique de Paris en 1985, bien qu'il ne connaisse pas une sortie en salle française digne de ce nom.

Puis Tsui Hark produit HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS, réalisé par Ching Siu Tung, spécialiste des arts martiaux qui n'a réalisé que deux films auparavant. Cette œuvre plus mesurée met mieux en valeur les personnages et l'intrigue.

Il s'agit de l'adaptation d'un roman de Pu Songling, écrivain du XVIIème siècle, rédacteur de contes fantastiques chinois. Le rôle du jeune percepteur est tenu par Leslie Cheung, déjà apparu dans LE SYNDICAT DU CRIME et LE SYNDICAT DU CRIME 2 de John Woo, voué à devenir un acteur populaire même en occident : nous le retrouverons dans NOS ANNÉES SAUVAGES de Wong Kar Wai, ADIEU MA CONCUBINE de Chen Kaige, THE BRIDE WITH WHITE HAIR de Ronny Yu ou LE FESTIN CHINOIS de Tsui Hark. Nous rencontrons aussi Joey Wong (revue dans GREEN SNAKE de Tsui Hark) et Wu Ma (à la fois acteur et réalisateur à Hong Kong).

Dans la Chine médiévale, Ling Choi Sin, jeune percepteur naïf et désargenté, passe une nuit aux environs d'un temple hanté. Il rencontre le fantôme d'une jeune fille, qui séduit les voyageurs afin de livrer leurs âmes en pâture à sa cruelle maîtresse. Mais ce spectre s'éprend du garçon maladroit qui la prend pour une innocente jeune femme. Dans la forêt alentour, un vieux guerrier traque les fantômes et consacre son existence à l'extermination des forces démoniaques. Ling Choi Sin se méprend et le prend pour un dangereux criminel.

Le récit mêle donc fantastique, romance et humour, tous traités au premier degré. L'ensemble est ponctué, notamment dans la dernière demi-heure, de spectaculaires séquences d'action, mêlant les acrobaties traditionnelles aux nouveautés techniques de ZU, LES GUERRIERS DE LA MONTAGNE MAGIQUE. Le spectateur occidental se trouve face à un spectacle exotique et dépaysant. Les décors, les personnages, le sentimentalisme exacerbé et émouvant de la romance, ainsi que le traitement des sujets fantastiques, parfaitement chinois dans leur vision des fantômes et des enfers.

Par ses effets spéciaux et sa réalisation, HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS évoque aussi le cinéma occidental du début des années quatre-vingts. Certaines séquences (caméra subjective fonçant à travers une forêt mystérieuse, traitement burlesque des zombies, arbres vivants) rappellent les délires nerveux d'EVIL DEAD de Sam Raimi. Tandis que les effets spéciaux optiques sont dans la tradition des films de Steven Spielberg ou George Lucas.

Certains traits photographiques, avec projecteurs bleus, fumigènes à gogo, filtres diffuseurs et silhouettes en contre-jour, font penser à une imagerie à la mode héritée des vidéo-clips d'alors, qu'on retrouvait dans des œuvres d'Alan Parker ou de Russell Mulcahy.

Pourtant, à force de prendre le contre-pied de la frénésie de ZU, LES GUERRIERS DE LA MONTAGNE MAGIQUE, HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS est parfois laborieux et lent. Certes, les moments romantiques sont authentiquement émouvants (les deux amants se retrouvant à l'auberge hantée), mais quelques séquences comiques s'avèrent de trop (l'entrevue avec le juge corrompu) et le milieu du film peut ennuyer.

Cependant, la virtuosité et la vivacité des combats et des séquences fantastiques restent impressionnantes, particulièrement la confrontation avec la matrone à la langue géante et l'expédition aux enfers. Nous apprécions aussi l'étonnant et hilarant numéro musical de l'entraînement du procureur !

HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS est présenté au festival d'Avoriaz, où il est très remarqué par la presse cinématographique spécialisée dans le fantastique et décroche un prix. Il bénéficie d'une vraie sortie dans les salles françaises, mais elle n'est pas couronnée du succès public espéré. Une édition vidéo largement diffusée renforce sa notoriété dans l'Hexagone. Le film devient ainsi porteur des espoirs de ceux qui souhaitent une meilleure reconnaissance du nouveau cinéma de Hong Kong.

La renommée internationale d'HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS entraîne la réalisation d'un très divertissant HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS II par le même réalisateur, avec les mêmes vedettes. Son exploitation en salle en France, ainsi que celle de GUN MEN de Kirk Wong, autre production Tsui Hark distribuée peu après, ne sont pas des succès. La reconnaissance par le grand public mondial du Film de Sabre arrivera bien, mais une dizaine d'années plus tard, avec TIGRE ET DRAGON du Taïwanais Ang Lee.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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