Header Critique : EVIL DEAD 2 (EVIL DEAD 2 : DEAD BY DAWN)

Critique du film
EVIL DEAD 2 1987

EVIL DEAD 2 : DEAD BY DAWN 

Ash et sa petite amie passent une nuit en amoureux dans une cabane forestière. Involontairement, ils déclenchent l'apparition d'un démon...

Après le succès d'EVIL DEAD, Sam Raimi réalise MORT SUR LE GRIL (écrit avec les frères Coen, alors inconnus), son premier film professionnel. Produit par le studio indépendant Embassy, cette comédie déçoit son public qui attend une nouvelle œuvre d'épouvante. Surtout, le studio s'immisce dans sa création, imposant des acteurs et modifiant le montage, au grand déplaisir du metteur en scène qui s'avoue insatisfait du résultat.

Désireux de retrouver l'équipe d'EVIL DEAD, notamment l'acteur Bruce Campbell, il envisage alors sa suite, comptant faire voyager Ash au moyen-âge. Mais ce projet est trop coûteux. Sam Raimi et Scott Spiegel, scénaristes d'EVIL DEAD 2, se rabattent sur un prolongement des aventures forestières d'EVIL DEAD.

Sam Raimi discute un temps avec Dario Argento, désireux de produire EVIL DEAD 2. Mais finalement, Dino de Laurentiis produit cette suite. Il a créé aux USA une compagnie de cinéma indépendante intégrée, de son studio de tournage situé en Caroline du Nord jusqu'à la distribution des films. Il collabore alors avec Stephen King, notamment pour le projet de MAXIMUM OVERDRIVE, et l'écrivain, fan enthousiaste d'EVIL DEAD, lui conseille de prendre sous son aile cet EVIL DEAD 2.  

Sam Raimi réalise EVIL DEAD 2 avec un budget assez modeste (3 millions de dollars), néanmoins bien supérieur à celui d'EVIL DEAD (50 000 $). Il bénéficie cette fois d'une infrastructure professionnelle pour porter à l'écran ses inventions. Parmi les acteurs, nous retrouvons évidemment Bruce Campbell dans le rôle de Ash, ainsi que Ted Raimi (qui a participé à la plupart des réalisations de son frère Sam).

Ash se trouvait dans une position périlleuse à la fin d'EVIL DEAD. Pourtant, au commencement d'EVIL DEAD 2, il se trouve dans une situation semblable au début du premier volet (il se rend dans un cabane pour faire la fête avec une amie). Il ne semble donc pas qu'il y ait un lien narratif logique entre les deux épisodes. De même, Ash n'a apparemment pas vécu les événements du premier film puisqu'il commet les mêmes erreurs (il met en marche le magnétophone contenant l'invocation des démons).

En fait, Sam Raimi n'a pas pu utilisé d'extraits d'EVIL DEAD dans EVIL DEAD 2 pour des raisons légales. La première partie de cette suite constitue donc un remake réarrangé et récapitulé du premier métrage.

Outre l'enregistrement démoniaque, de nombreux éléments d'EVIL DEAD reviennent : les branches agitées, le pont détruit, le démon coincé dans la cave, les travellings délirants à travers la forêt, la tronçonneuse... EVIL DEAD 2 paraît plus un remake qu'une véritable suite. Ce qui permet à Sam Raimi de réaliser son film d'une manière plus satisfaisante, sans voir son inventivité bridée par les contraintes d'un tournage semi-amateur comme celui d'EVIL DEAD.

Autre élément commun aux deux films : la présence du Necronomicon, célèbre manuscrit de sorcellerie inventé par Lovecraft. Ici, il permet aux morts d'affronter les démons. Il est donc présenté comme une œuvre relativement bienfaisante. Les sortilèges intervenant dans EVIL DEAD 2 permettent de convoquer le démon Gandar d'une part, et de le chasser à travers un portail dimensionnel d'autre part (l'usage de ce portail donne lieu à un court trip psychédélique rappelant le voyage sur Jupiter de 2001, L'ODYSSÉE DE L'ESPACE !).

Comme pour EVIL DEAD, les influences de Raimi proviennent de deux sources essentielles, ayant peu de rapport avec l'épouvante : les comics et le cinéma burlesque. Il a toujours revendiqué l'influence sur son travail des comédies des "Trois Idiots" (Three Stooges, comiques ayant sévi dans le cinéma américain au cours des années cinquante et soixante).

Ces éléments, complétés par l'inventivité technique sidérante de Sam Raimi, donnent à la réalisation de ses meilleures œuvres un cachet unique. La caractérisation psychologique des personnages d'EVIL DEAD 2 est grossière, ne fait pas de détail. Elle laisse rapidement place aux séquences d'action pure. EVIL DEAD 2 est rythmé par une succession d'événements fantastiques chaotiques. Leur enchaînement frénétique est plus dicté par une recherche d'efficacité que par une logique quelconque.

La réalisation de Sam Raimi se distingue par l'emploi quasi-permanent de cadrages serrés et biscornus, de jeux sur la vitesse de projection (accélérés) et d'objectifs déformants, ainsi que par des travellings et des panoramiques à la fois virtuoses, spectaculaires et bizarroïdes.

La bande-son est traitée avec un soin particulier. Elle participe au dynamisme de l'ensemble (hurlements et déplacements des démons). Le tout est monté avec nervosité et précision. Tout cela donne à EVIL DEAD 2 l'aspect époustouflant d'un impressionnant dessin animé de Tex Avery, peuplé de démons et de zombies, et étiré sur 80 minutes.

L'influence du burlesque et des comics se retrouve ailleurs que dans la structure du récit et la réalisation d'EVIL DEAD 2. Nous apprécions ainsi la superbe direction artistique qui donne à chaque détail de la cabane et à chaque visage démoniaque un aspect graphique proche de la bande-dessinée. Les effets spéciaux donnant vie aux créatures malfaisantes font souvent appel à l'animation image par image, apportant un aspect magique indéniable à ces séquences et rendant hommage aux monstres créés par le maître des effets spéciaux Ray Harryhausen, autre grande influence de Sam Raimi.

De même, l'interprétation très physique de Bruce Campbell, qui n'est pas avare en grimaces et en acrobaties, est proche de celle d'un Buster Keaton (LE MÉCANO DE LA GÉNÉRAL) ou d'un Chaplin (LA RUÉE VERS L'OR). Raimi détourne des séquences typiques du cinéma d'épouvante vers une direction comique. Lorsque Ash affronte sa propre main possédée, nous pensons à des classiques de l'horreur, comme LES MAINS D'ORLAC de Robert Wiene ou LA BÊTE AUX CINQ DOIGTS avec Peter Lorre. Mais cette main s'exprime ici avec une voix de dessin animé. Elle brise violemment des piles d'assiettes sur la tête d'Ash, comme dans un spectacle de clowns !

Ce mélange d'épouvante et d'humour énergique donne à EVIL DEAD 2 toute son étrangeté singulière et démente. Elle nous paraît plus aboutie que dans EVIL DEAD. A ce titre, la première partie du film, durant laquelle Ash est seul dans la maison, est la plus réussie. La succession ininterrompue d'événements étranges possède un caractère surréaliste et onirique étonnant (nous pensons évidemment à la séquence du miroir, ou au moment où la maison est secouée d'un rire démentiel).

La fin assez curieuse d'EVIL DEAD 2 est en décalage avec le cinéma d'épouvante traditionnel et annonce les œuvres à venir de son réalisateur. Suite à un bricolage digne de la série «L'AGENCE TOUT RISQUE», Ash se transforme en un super-héros mi-homme mi-machine. Ce qui annonce d'une certaine manière le DARKMAN de Sam Raimi ainsi que ses SPIDER-MAN ! Le final nous rappelle le goût de Raimi pour le cinéma d'aventures fantastiques, style auquel appartiendra complètement le troisième Evil Dead : L'ARMÉE DES TÉNÈBRES.

Par son ambiance unique et sa réalisation inimitable, EVIL DEAD 2 est une œuvre unique et réussie, plus inventive et techniquement plus satisfaisante qu'EVIL DEAD. Il constitue en quelque sorte ce que ZOMBIE est à LA NUIT DES MORTS-VIVANTS : sans être un remake au sens propre, il permet à son réalisateur de revisiter avec plus de moyens et d'expérience la recette qui a fait le succès de son premier long-métrage tourné dans des conditions bricolées.

Censure américaine oblige, EVIL DEAD 2 connaît une sortie compliquée. Une des raisons de la conception de cette suite est de bénéficier d'une meilleure distribution qu'EVIL DEAD. Sam Raimi souhaitant notamment obtenir une classification « R rated » (interdit au moins de 17 ans non accompagnés) pour avoir accès à tous les cinémas des USA.

Pour ménager la commission de classification américaine, il retire lui-même certaines scènes qu'il juge trop violentes (scènes aujourd'hui perdues). Il tente de négocier pour obtenir le classement «R». Mais rien n'y fait, EVIL DEAD 2 sort finalement sans classification, «Unrated». Ce qui ne l'empêche pas de connaître un beau succès, aussi bien critique que public !

Alors que l'échec de MORT SUR LE GRIL aurait pu compromettre la jeune carrière de Sam Raimi, EVIL DEAD 2 lui permet de rebondir et de réaliser ensuite DARKMAN, mélange de film d'horreur et de film de super-héros, pour la major Universal.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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