Header Critique : PSYCHOSE (PSYCHO)

Critique du film
PSYCHOSE 1960

PSYCHO 

A Phœnix, Marion Crane, petite employée de bureau, subtilise 40 000 dollars à son patron. Elle quitte la ville en voiture pour rejoindre son amant, mais un policier la suit. Pour le semer, elle quitte la route principale. La nuit et la tempête la surprennent alors...

En 1960, après avoir réalisé LA MORT AUX TROUSSES, Alfred Hitchcock est une figure majeure du cinéma américain. Avec les plus grandes stars, il a tourné des longs métrages techniquement opulents, recourant souvent au super format VistaVision. Les années cinquante sont aussi la décennie du grand essor de la télévision. Et Hitchcock joue habilement sur les deux tableaux, en produisant ALFRED HITCHCOCK PRESENTE à partir de 1955, série télévisée à succès, anthologie d'histoires à suspense indépendantes les unes des autres. Il réalise lui-même certains épisodes, pratiquant un exercice de mise en scène économique et rapide, bien différent de la réalisation de ses films fastueux.

Cette expérience l'encourage à produire lui-même une œuvre à petit budget, tournée en noir et blanc par une petite équipe, avec des techniques rapides inspirées par le petit écran. Il adapte le roman « Psychose » de Robert Bloch dont il apprécie la surprenante structure. Il rassemble un casting d'acteurs peu connus, à part Janet Leigh, Star des années 50. Norman Bates, le personnage principal du film, est joué par Anthony Perkins, jeune acteur alors cantonné aux seconds rôles.

PSYCHOSE est une date fondamentale, un film qui annonce une grande partie du cinéma d'épouvante à venir. L'horreur n'y est plus obtenue en mêlant des mythes fantastiques (vampire, loup-garou...) à une atmosphère étrange, comme l'ont fait les compagnies Universal et Hammer. Elle est invoquée en plaçant dans un quotidien banal, voire sordide, les exactions d'un serial killer dérangé et très brutal. Le fameux meurtre sous la douche va aussi influencer de nombreux autres réalisateurs en mêlant une violence graphique spectaculaire à un érotisme troublant. Les séquences de meurtres deviennent de vrais films dans le film, des tours de force techniques dans lesquels les metteurs en scène rivalisent d'audace et de créativité. La même année 1960 sort en Angleterre LE VOYEUR de Michael Powell qui mélange lui aussi tueur psychopathe et obsessions malsaines dans un environnement social réaliste et contemporain.

PSYCHOSE commence tel un Hitchcock classique. Janet Leigh, vedette en titre du métrage, y campe une blonde typique de l'univers du réalisateur. Celui-ci élabore le suspense avec intelligence, faisant partager le sentiment de culpabilité de Marion Crane. A un moment donné, le film déraille inopinément dans la direction d'une histoire d'horreur. Hitchcock, grâce à son savoir-faire, sa maîtrise technique époustouflante et son humour noir, dépasse alors les limites du genre.

L'interprétation de Perkins oscille étrangement entre la parodie (la discussion morbide avec Marion Crane, son jeu très appuyé et bourré de tics...) et des attitudes réellement angoissantes, rappelant les acteurs du cinéma expressionniste allemand. La grande silhouette décharnée et torturée de Norman Bates évoque celle de César, le somnambule interprété par Conrad Veidt dans LE CABINET DU DOCTEUR CALIGARI. Les rapprochements avec ce cinéma ne s'arrêtent pas là puisque la moitié du métrage est en fait muette. Les scènes les plus réussies sont celles qui, dénuées de dialogues, reposent sur un découpage redoutablement habile et efficace. Ces séquences sont soutenues par la géniale musique de Bernard Herrmann, inégalée dans le genre encore aujourd'hui.

Hitchcock mélange ici le thriller et la psychanalyse, comme il l'a déjà fait dans certains de ses films les plus fameux (LA MAISON DU DOCTEUR EDWARDSLES ENCHAÎNÉS et surtout SUEURS FROIDES). Mais avec le complexe d'Œdipe délirant de PSYCHOSE, il pousse la démarche jusqu'à un point extrême et absurde, proche de la parodie.

L'esthétique de série B de PSYCHOSE apporte un changement d'atmosphère par rapport aux œuvres précédentes du réalisateur anglais : chambres d'hôtel crasseuses, appartements exigus, garage misérable, motel isolé... Nous sommes loin de l'élégance, du charme et du glamour émanant de LA MORT AUX TROUSSESLA MAIN AU COLLET ou FENÊTRE SUR COUR, tous tournés dans la décennie précédente. PSYCHOSE diffuse un parfum rance de vie quotidienne pesante et triste. De même, les motivations du meurtrier sont sordides. Ce réalisme noir ne surprend guère quand on sait que Hitchcock s'est inspiré du fameux serial killer Ed Gein, qui a sévi aux USA entre 1954 et 1957. Ce cannibale nécrophile a inspiré d'autres classiques par la suite comme MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE de Tobe Hooper et LE SILENCE DES AGNEAUX de Jonathan Demme.

Voir PSYCHOSE pour la première fois est une expérience absolument extraordinaire. Forcément, les scènes chocs font moins peur à la revoyure, mais l'habileté démoniaque d'Hitchcock, son humour noir et la beauté morbide des images conservent leur force inaltérable au fil des visions. PSYCHOSE connaît un succès international et devient le film le plus populaire de son réalisateur. Son œuvre suivante, LES OISEAUX de 1963, sera très dure et appartiendra elle aussi au domaine du cinéma d'épouvante.

Le succès de PSYCHOSE est tel qu'il crée vite des imitations. La Hammer par exemple produit PARANOIAC qui marche sur les traces de ce dernier. Aux USA, le malin William Castle tourne un réjouissant HOMICIDE clairement dans la tradition des aventures de Norman Bates.

PSYCHOSE et LE VOYEUR trouvent un écho singulier en Italie, avec l'apparition des Giallos que Mario Bava commence à égrainer à partir de LA FILLE QUI EN SAVAIT TROP en 1963, suivis par la seconde vague du genre menée plus tard par Dario Argento et dans lesquels des sadiques fétichistes trucident quantités de victimes au gré de meurtres théâtraux et stylisés.

Aussi bien influencés par ces œuvres latines que par PSYCHOSE, les slashers américains envahissent les écrans après le succès de LA NUIT DES MASQUES de John Carpenter en 1978, lâchant une nouvelle génération de tueurs en série dans les salles de cinéma.

C'est à ce moment qu'Universal décide opportunément de redonner vie à PSYCHOSE avec trois suites tardives, à partir de 1983, toutes avec Anthony Perkins : l'agréable PSYCHOSE 2 de Richard Franklin, le moins convaincant PSYCHOSE III réalisé par Anthony Perkins, et le mineur PSYCHOSE IV de Mick Garris pour la télévision. Universal a aussi l'idée d'une série télévisée se déroulant dans le motel de Norman Bates et tourne le téléfilm BATES MOTEL, mettant en scène un autre psychopathe. Mais cet épisode pilote reste sans suite...

En 1998, Gus Van Sant, alors dans sa période la plus commerciale et hollywoodienne, tente un remake avec son PSYCHO, très fidèle à PSYCHOSE, parfois au plan près. L'histoire pourrait s'arrêter là, mais non, Universal redonne vie à la saga avec la série télévisée BATES MOTEL qui commence en 2013 et met en scène Freddie Highmore dans le rôle de Norman Bates ainsi que Vera Farmiga, la vedette de THE CONJURING, dans celui de la mère du jeune homme. Ce n'est sans doute pas la dernière fois que nous entendrons parler de Norman Bates et de son petit motel...

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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