Accusé du meurtre de sa petite amie, un adolescent se retrouve affublé de cornes. Des cornes déjà peu banales mais qui ont en plus des facultés très particulières. Grâce à elles, notre héros se décide à faire justice lui-même, et utilise l'influence de ses cornes sur les gens pour les punir de leurs erreurs et de leurs excès.
Après le méconnu FURIA, le home invasion violent et désabusé qui lui a donné son ticket pour les Etats Unis (HAUTE TENSION), l'aride et très premier degré remake d'un classique du cinéma d'horreur (LA COLLINE A DES YEUX), la chasse aux fantômes bancale et oubliable en dehors d'une scène de décrochement de mâchoire magistrale (MIRRORS) et la comédie horrifique estivale (PIRANHA 3D), Alexandre Aja, le prodige français exilé aux Etats Unis continue son chemin dessinant une carrière multiple, se déclinant sous de nombreux visages où chaque film le fait avancer un petit peu plus à chaque fois.
Avec HORNS, sorte de thriller surnaturel bourré d'humour noir, film intimiste, adolescent également, aussi fun que profond, on se dit que le cinéaste a peut-être enfin trouver sa voie. En effet, son nouveau film puise ainsi en partie dans les métrages les plus sérieux de ses débuts. Les scènes chocs et gores sont encore présentes de manière jusqu'au-boutiste, comme enracinées dans l'ADN du cinéma de Aja. La scène de combat au bord de l'eau est ainsi d'une grande intensité mais aussi profondément choquante par l'image violente qu'elle véhicule. Mais HORNS conserve tout de même le ton fun, adolescent, presque Spring Break, de son PIRANHA 3D. Ce nouveau film donne donc l'impression d'être à la croisée de ce que le cinéaste a pu nous donner jusqu'ici.
HORNS est l'adaptation d'un roman de Joe Hill, Cornes. Très influencé par la littérature de son père, Stephen King, l'histoire du roman est au final assez simple. Plutôt enfantine, elle prend la forme d'un conte de fée tordu, très américain dans son essence. Enraciné dans l'histoire du film, il y a cette notion très chrétienne du bien et du mal. Ainsi, les cornes du héros ne sont pas les seuls attributs démoniaques et tout au long du film, la voix-off nous explique qu'un ange déchu devient un démon. Cela s'avère donc très explicite et clairement spécifié. Le héros est un démon qui est capable de percevoir le vice et le pêché chez les individus mais aussi de les pousser au pire, ce qu'il fait avec un visible plaisir, et aussi, soyons honnête, pour le notre. La scène dantesque de combat entre les journalistes est d'autant plus croustillantes si on a vu le récent GONE GIRL. En effet, le film de David Fincher parlait justement de la manière dont la presse peut influencer une affaire criminelle et l'avancée de l'enquête mais aussi, et surtout, modeler l'opinion public. Jouissif et criblé de pointes d'humour plus ou moins noir, HORNS oscille entre la complicité avec les spectateurs. Le héros déclenche, conscient de son pouvoir, tragédies et actes plus ou moins malheureux, à l'instar d'un homme qui révèle à tout le monde dans un bar son désir d'exhiber sa bite et, bien sûr, finit par le faire. Il en va de même du délire avec le médecin qui tout d'un coup se plaint que les patients ne pensent qu'à eux avant de proposer qu'ils aillent se prendre un rail. Un humour décomplexé qui s'en prend à tout le monde, tout en restant pour autant relativement gentillet, jusqu'au moment où ce qui fait rire devient source d'événements tragique. Toutes les vérités ne sont pas bonnes à entendre pourrait aussi être le titre du film, mais HORNS reste un combat entre des antagonismes très manichéens. Mené par un adolescent aussi enclin au vice que tout à chacun, il suit un chemin semé d'embuches qu'il a lui-même érigé. Son manque d'attention envers ce qui l'entoure l'a rendu aveugle. Au fond, nous sommes tous préoccupé par nos propres petits soucis et on en oublie le reste. Si la vérité devait nous être assenée ainsi, cela nous serait probablement fatal.
La confrontation finale avec le méchant, car il y en a bel et bien un, est dantesque, le combat ayant lieu en deux partie, une première d'une rare violence, où le héros est d'abord battu à mort, puis brûlé vif dans sa voiture par un psychopathe aussi acharné que cruel, et enfin il se jette dans l'eau en voiture… Cette scène est d'autant plus violente qu'inattendue, le héros avait l'ascendant et commençait à ressembler à un vigilante quand tout d'un coup son adversaire s'avère implacable. Un vrai méchant comme on n'en trouve plus que très rarement au cinéma, aussi cruel et violent que le vilain de ROBOCOP. Pour se donner une idée, il suffit de souvenir de la scène du début du film de Paul Verhoeven où Murphy se fait découper en morceau par des tirs de fusils. Et puis revenant d'entre les morts, l'inépuisable démon revient à la charge, cette fois-ci aidé par ceux qui le pensait coupable, dont le shérif qui finit par avoir la tête explosée, littéralement. Là encore le méchant s'avère croustillant puisqu'il ne trouve rien de mieux à faire que d'avoir un rire stupide, étonné de voir comme nous, une tête exploser aussi facilement. Jouissif même dans la violence, HORNS est jusqu'au-boutiste dans sa thématique et nous offre un final à la hauteur des promesses du film.
Le regard acide de HORNS sur la société américaine puritaine est plutôt noir, tout en étant une vision d'une grande profondeur. HORNS est ainsi une réussite à tout point de vue. Ce n'est pas un chef d'œuvre mais un bon film, ce n'est déjà pas si mal. On lui souhaite d'ailleurs de devenir culte, il le mériterait !