Figure majeure du cinéma irlandais, le réalisateur Neil Jordan a pour particularité de revenir régulièrement au fantastique, quand bien même le genre ne domine pas sa filmographie. Ainsi, LA COMPAGNIE DES LOUPS ou ENTRETIEN AVEC UN VAMPIRE s'avèrent majeurs, mais n'empêchent pas le metteur en scène de signer des titres renommés dans d'autres styles, comme MONA LISA ou THE CRYING GAME. Lorsque ONDINE sort sur les écrans en 2009, cela fait dix ans que Neil Jordan n'approche plus le fantastique, le dernier titre en ce sens s'avérant le discutable PREMONITIONS. Entre-temps, il aborde le drame romantique (LA FIN D'UNE AFFAIRE), tourne un remake de BOB LE FLAMBEUR sous le titre L'HOMME DE LA RIVIERA, suit les pérégrinations d'un transsexuel dans BREAKFAST ON PLUTO, et enfin s'offre une étonnante embardée hollywoodienne avec le film d'auto-défense A VIF.
Ce dernier n'est pas un succès et Neil Jordan retourne à ses fondamentaux en réalisant en Irlande ONDINE, sur un scénario de sa plume. Pour le rôle principal, il s'assure la présence d'une autre célébrité irlandaise, à savoir le comédien Colin Farrell. Il collabore aussi avec le groupe islandais Sigur Ros pour la musique, et avec le chef-opérateur récompensé Christopher Doyle. Nous reconnaissons dans le rôle d'un prêtre Stephen Rea, comédien fétiche du metteur en scène.
Il était une fois en Irlande... un pêcheur pauvre, père divorcé d'une fillette souffrant d'insuffisance rénale et attendant en vain la greffe d'un rein compatible. Leur vie se métamorphose lorsqu'il attrape dans ses filets une jeune femme qui dit se nommer Ondine...
ONDINE joue clairement sur l'univers des légendes et des contes de fées. Son héros Syracuse est un pêcheur rêveur et un peu poète, dont la fillette est férue de légende et de merveilleux. La jeune femme mystérieuse prise dans ses filets s'appelle Ondine, nom traditionnel des génies de l'eau. La manière dont le pêcheur la recueille rappelle de nombreuses histoires de sirènes. Surtout, tout relie Ondine à la légende du Selkie, être magique des contes de la Mer du Nord, capable de se changer en femme ou en phoque. Cette légende a déjà donné lieu à un fort beau film, tourné lui aussi en Irlande : LE SECRET DE ROAN INISH de John Sayles.
Au-delà du conte, Neil Jordan signe avant tout une histoire d'amour romantique entre un pêcheur et une naïade sortie de l'onde, un amour partagé dans le décor idyllique d'une petite crique reflétant une Irlande idéalisée et superbe, magnifiquement photographiée et mise en musique. Qui, après avoir vu ONDINE, n'aura pas envie de tout plaquer pour aller vivre comme ce marin bohémien, en harmonie avec une nature magnifique loin des fâcheux et du bruit des villes ? Évidemment, cette histoire d'amour ne se déroule pas sans obstacle, et les deux amants doivent affronter des démons, aussi bien ceux qu'ils portent en eux que ceux de leurs passés.
Pourtant, ONDINE change de piste en cours de métrage, oscillant vers un discours et des péripéties sociales ancrés dans la réalité d'aujourd'hui. Cela lui donne un intérêt supplémentaire et lui permet de gagner en personnalité grâce à ce mélange inattendu. Cela dit, ce basculement fait perdre en cohérence, voire en logique, au film. Certains rebondissements paraissent faciles et le ton reste trop «gentil» par rapport aux situations évoquées.
Nous avons connu le réalisateur de THE BUTCHER BOY ou LA COMPAGNIE DES LOUPS plus mordant et incisif. Cela dit, ONDINE assume totalement sa naïveté, sa candeur qui, si elle étonne de la part de Neil Jordan, n'en fait pas moins partie de l'identité et du charme de ce film. Conte de fée pour adulte, invitation au voyage et à la rêverie, ONDINE, passé inaperçu lors de sa sortie dans les salles françaises, mérite la découverte et peut figurer sans honte dans la filmothèque des amateurs de Neil Jordan.
En France, ONDINE a du se contenter d'un traitement minimal sur le marché de la vidéo. Il est paru en 2011, uniquement en DVD, dans une édition dénué de tout bonus ! Ce DVD UGC.Ph a tout de même le mérite de propose une copie 1.85 (16/9) de très honorable tenue. On repère parfois de légers halos de edge enhancement, quelques scènes sous-marines font paraître des traces de compression, mais il s'agit globalement d'un travail très acceptable et honorable, avec une résolution précise, restituant la subtilité de la photographie et la splendeur des décors et paysages naturels.
En bande son, nous accédons à une version originale anglaise sous-titrée en français, en Dolby Digital 5.1 d'une qualité très acceptable. ONDINE n'a pas vocation à faire trembler les murs de votre salon, les enceintes arrières de votre système n'émettront que le doux clapotis de quelques vagues. Mais cette piste est en cela fidèle au métrage d'origine. Une version française est proposée en Dolby Digital 5.1 ou stéréo.
Nous avons ainsi un DVD français chiche, mais techniquement de bonne tenue et permettant d'accéder à ce film dans de bonnes conditions. Les férus de haute définition pourront se tourner vers le Blu-ray américain multizone, qui propose quelques petits suppléments, mais est dénué de toute option francophone.