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Critique du film
SILENT HILL 2006

 

 

Plus de trente ans que le jeu vidéo existe et il s'est imposé comme un véritable point de référence culturel lui-même largement nourri par la littérature, le cinéma, la télévision ou la musique. Trois décennies où le jeu vidéo a évolué de diverses façons selon de nombreux courants accouchant, comme dans toute production à vocation de divertissement, du meilleur comme du pire ! Pour des centaines de jeux copiés des titres précédents, on trouve de véritables innovations ou des créations qui sortent du carcan habituel. Silent Hill, le jeu, fait partie de ceux là. Car, contrairement à la production des jeux à ce moment là, Silent Hill ne vous mettait pas au commande d'un gros dur en route pour flinguer ses ennemis. Au contraire, le héros s'impose dès le départ comme une victime. Victime d'un accident de voiture, victime de l'enlèvement de son enfant, victime des apparences, victime d'un environnement étrange … Le joueur va ainsi prendre le contrôle d'un personnage bien plus faible qu'à la normale. Ou, pour être tout à fait exact, il s'agit d'un personnage plus proche de la normalité ! Ce qui rend d'autant plus facile l'identification du joueur qui se trouve embringuer dans un univers oppressant où la fuite est souvent la meilleure des options. La "survie" dans Silent Hill ne passe donc pas dans l'élimination en masse de ses ennemis. Ce qui rend d'autant plus vulnérable le personnage principal et le joueur qui le dirige. Mais, Silent Hill, c'est aussi la ville désertée dans lequel le joueur sera amené à passer de longues heures en quête d'indices pour essayer de décrypter ce qui lui arrive avec la hantise d'être confronté aux divers dangers qui s'abattent sans crier gare ! Autant dire que ce jeu d'ambiance se devait de donner un film d'épouvante au climat terrifiant...

Après un grand nombre d'adaptation de jeux vidéo, parfois n'adaptant pas grand chose du matériel d'origine, Christophe Gans choisi de proposer une transposition fidèle. La mise en scène adopte ainsi souvent des cadrages qui ne sont pas sans rappeler les déplacements à l'intérieur du décor vidéo ludique alors que les musiques des jeux sont largement reprises en guise d'illustration sonore. Le bestiaire du jeu répond lui aussi présent tout comme un scénario qui tient plus du jeu de piste que de la véritable narration littéraire. En voulant à tout prix retranscrire les éléments du jeu, on en vient à découvrir des séquences gratuites et qui ne servent finalement pas grand chose. La rencontre avec une créature étrangement humaine qui lâche de l'acide sur ses ennemis, bel et bien présente dans le jeu, n'apporte rien. Pas plus que la mémorisation d'un plan qui au cinéma n'a pas de véritable sens. Car il faut bien se rappeler que l'on ne parle plus ici d'un jeu mais d'un film. L'implication d'un joueur se fait de manière plus ou moins spontanée dans un jeu vidéo alors qu'il faudra user d'artifices très différents pour rapprocher les spectateurs d'un personnage qui évolue à l'écran. Pas mal des péripéties du film souffrent un peu de cette distanciation et de la gratuité, hors de leur contexte jouable, des péripéties (sauter d'une poutrelle à une autre…). En cela, cette adaptation de Silent Hill se plante un peu et l'on mettra cette erreur sur le compte de l'enthousiasme : celui d'avoir envie de montrer et de dépeindre toutes les sensations et les images que l'on a vécues et dont on garde encore le souvenir à l'esprit. Christophe Gans était un joueur de Silent Hill et il en va de même pour Roger Avary qui co-écrit le scénario. En fait, la transposition aurait peut être gagné à se parer d'un point de vue extérieur n'ayant jamais joué avec ce jeu en particulier de manière à rappeler qu'on ne fait pas entrer des dizaines d'heures d'exploration et de jeu en deux heures de métrages. Autre point gênant, plutôt que d'enfermer les spectateurs en les étouffant à l'intérieur de Silent Hill, le scénario se pare de digressions extérieures de manière à expliciter plus clairement un sujet qui avait tout à gagner en restant dans le brouillard ! Surtout qu'en donnant une interprétation relativement explicite, il est oublié que le jeu disposait de plusieurs fins à même de remettre en question pas mal choses...

Mais SILENT HILL n'est pas pour autant un naufrage, loin de là. Car s'il ne réussit pas son pari, pourtant réalisé avec toute la meilleure volonté du monde et un enthousiasme certainement débordant, d'adapter la partie psychologique du jeu, le film fonctionne tout de même à un autre niveau. Celui de la découverte de cet univers étrange où, en l'espace d'une seconde, une réalité peut basculer vers une autre plus terrifiante. L'excursion au sein de la ville et au milieu de ses "habitants" est avant tout une impressionnante reconstitution qui fonctionne essentiellement du point de vue de l'image et du son. Les qualités esthétiques du film, très travaillé (trop pour certains ?), permettent à elles seules de prendre un grand plaisir même si la terreur attendue n'est pas vraiment au rendez-vous. Mais honnêtement, un frisson sympathique s'invite tout de même lorsque les sirènes annonciatrices des ténèbres viennent à hurler !

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
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