Sharon est une petite fille étrangement préoccupée par un endroit nommé Silent Hill. Pour tenter de percer le mystère, sa mère adoptive, Rose prend la décision de l'y emmener contre l'avis de son mari, Christopher. Juste avant d'arriver à destination, Rose et Sharon ont un accident de voiture. Reprenant conscience, Rose découvre avec effroi que sa fille a disparu. Elle se rend seule à Silent Hill afin de retrouver la fillette mais devra affronter monstres abominables et diverses énigmes avant d'arriver au bout d'une vérité qui dépasse ses pires cauchemars.
La plupart des gens le savent, ce film est l'adaptation du célèbre jeu vidéo éponyme créé par la société japonaise Konami en 1999. La série en est pour l'instant à son quatrième volet et doit sa popularité à plusieurs choses. D'abord, c'est un jeu d'action largement inspiré du cinéma d'horreur autant pour son bestiaire dérangeant plus que dégoûtant que pour l'ambiance sinistre directement sortie de l'univers de Lovecraft. D'autre part, le joueur se retrouve directement impliqué émotionnellement, d'abord par l'identification aux différents personnages incarnés ou évoluant aux côtés du héros tout en ayant une influence directe sur ses choix. Ensuite, les créateurs ont bien compris qu'il fallait miser sur les peurs primaires des joueurs et ont réussi cet exploit avec des angles de vue très déstabilisants et des effets sonores franchement flippants, ce qui prête à une expérience unique lors des parties en solitaire et dans le noir. Pour compléter le tout, des cinématiques surviennent aux moments clés pour donner des indices et expliquer l'histoire qui ne se résume pas à un simple flinguage de monstres mais se rapproche beaucoup plus de l'exploration psychologique, autant des personnages que du joueur lui-même.
Le pari de retranscrire un univers aussi complexe à l'écran était donc risqué. Les fans des jeux vidéo ont tous en mémoire des métrages plus ou moins réussis selon les goûts de chacun, comme par exemple MORTAL KOMBAT, RESIDENT EVIL, HOUSE OF THE DEAD ou TOMB RAIDER. La liste est évidemment bien plus longue que cela et force est de constater qu'il est périlleux de se lancer dans un tel projet. Le premier danger vient du côté primaire de certains jeux de combat – il faut alors trouver un moyen de retranscrire l'interactivité sans tomber dans l'ennui le plus total. Avoir simplement une suite de scènes où différents personnages se battent, ce n'est pas très intéressant. Il faut inclure une histoire plus étoffée sans pour autant trahir l'univers du jeu et ses personnages. Le problème ne se pose pas avec SILENT HILL puisque la majeure partie de ce travail est fait par les créateurs, tant au niveau de l'intrigue et de la psychologie des personnages que de l'aspect visuel, puisqu'il s'agit d'un jeu d'aventure très cinématographique.
Le travail de scénarisation incombe à Roger Avary qui a derrière lui des scripts aussi ambitieux dans la construction que PULP FICTION, mais également des écrits plus basiques dans l'idée comme KILLING ZOE dont il a réalisé lui-même un métrage parfaitement insupportable. Etait-ce la bonne personne pour ce travail ? Au départ, il devait juste réécrire les dialogues comme un service rendu à des amis (Christophe Gans et le producteur Samuel Hadida). Très attiré par le jeu qu'il connaît bien, ce travail a pris l'ampleur de la révision complète jusqu'à devenir le script final. Avary évoque lui-même l'importance des émotions ressenties par le joueur au travers de l'ambiance, des décors et, surtout, des personnages. On peut alors se demander pourquoi il n'a pas réussi à leur donner plus de profondeur psychologique ou des dialogues un tant soit peu intéressants.
Malgré une réussite visuelle qui confine au sublime, le spectateur n'est pas vraiment concerné par le destin de Rose. Habituellement une excellente actrice, à l'aise autant dans PITCH BLACK que dans l'excellent téléfilm WHEN STRANGERS APPEAR, Radha Mitchell ne parvient pas à rendre crédibles ses émotions de mère terrifiée à la recherche de sa fille disparue dans une ville fantôme qui respire la mort. Arrêtée par une femme flic qui va l'accompagner une partie du chemin (une Laurie Holden très convaincante et toute de cuir vêtue), elle se laisse menotter sans broncher. Un autre problème de taille provient du fait qu'à aucun moment, on ne la sent vraiment en danger. Dans le jeu, le héros ramasse des armes dont il se servira pour venir à bout des monstres. Ici, la seule chose qui rappelle l'expérience ludique est un téléphone portable qui émet des grésillements à l'approche du danger. Dans le jeu, on peut aussi éviter les créatures bien qu'elles reviennent toujours vous tourmenter. Ici, les monstres disparaissent d'eux-mêmes juste au moment où le danger atteint son paroxysme et ce sans aucune explication logique. Ces Deus Ex Machina à répétition ont un effet extrêmement frustrant pour le spectateur qui aimerait voir quelques affrontements, d'autant plus que les monstres sont beaucoup moins présents que dans le jeu.
Le bestiaire du film se composent de créatures que les joueurs connaissent bien. Nous avons entre autre une petite armée d'enfants-gris à l'aspect écoeurant et on retrouve également les repoussants hommes-tronc qui font jaillir de la bile noire d'un trou au milieu de leur poitrine. Un savant mélange d'images de synthèse et d'acteurs en costume créent ces effets visuels pas toujours réussis du fait d'avoir été élaborés par des sociétés différentes. Les fans reconnaîtront avec grand plaisir Pyramide Rouge, un être absolument effrayant mais également très significatif. Il porte une épée immense – symbole phallique par excellence – et il s'en prend à deux femmes enfermées et sans défense. Mais, encore une fois, ce qui aurait pu être un moment mémorable déçoit de par sa conclusion trop rapide, voire magique. Que dire alors des infirmières aux courbes sensuelles, sans visage et aux déhanchements grotesques ? Eléments inoubliables du jeu, leur présence ici se réduit à un bref passage à la limite du bâclé alors qu'il y avait matière à nous réduire à des loques tremblantes de terreur sur nos sièges.
Les décors ont été reproduits à la quasi perfection dans la ville de Branford près de Toronto, à l'origine un endroit à l'apparence industrielle et désolée. C'est simple, on se croirait dans le jeu. Rose court dans les rues désertes de Silent Hill où règne une brume épaisse qui empêche une vision à plus de cinq mètres. Le lieu est un véritable labyrinthe fait de ténèbres et de couleurs en demi-teintes où le manque de repères est renforcé par des mouvements de caméra éblouissants repris directement du jeu ou d'autres, plus discrets, où on sent l'héroïne épiée par ce qui vit dans l'ombre. Ajoutez à cela une pléthore d'effets sonores effrayants et la désorientation est complète. On se demande ce qui va nous sauter dessus et combien de temps on va tourner en rond avant de tomber enfin sur des indices qui vont nous faire avancer. Le fait que tout ne soit pas clairement expliqué contribue à l'ambiance cauchemardesque mais la plus grande réussite, c'est sans conteste le passage d'un univers à l'autre au sein de la ville. Une sirène aérienne retentit soudain, mettant nos nerfs à rude épreuve. Puis les Ténèbres envahissent Silent Hill pour accoucher des monstres dont elles se composent. Dès qu'on y a assisté une fois, on sait ce qui va arriver au prochain hululement de la sirène, on sait que cette ville fantôme est un lieu organique qui se nourrit de tout individu qui ose y pénétrer, on sait que la mort recouvre tout de sa fine pellicule de cendres qui tombe d'une pluie éternelle. Et on l'attend avec délectation.
Aux côtés de Rose se trouve son mari, Christopher, joué par Sean Bean. Son rôle rappelle fortement celui qu'il tenait dans THE DARK, une autre variante de l'histoire d'une mère à la recherche de son enfant dans un monde au-delà du réel. Et malheureusement, il est ici tout aussi transparent. Les coupes entre l'univers de Silent Hill et les recherches de Christopher font complètement retomber la tension et ce n'est que durant les très belles images finales que l'on arrive à ressentir quelque chose pour lui. Leur fille, Sharon, est campée de façon très naturelle par Jodelle Ferland qui interprète également Alessa. A seulement douze ans, la petite fille a déjà près de quarante rôles à son actif, notamment le personnage principal du récent TIDELAND de Terry Gilliam ou celui de Lisa dans le troisième épisode de la deuxième saison de la série Masters of Horror, THE V WORD.
A plusieurs reprises, Rose va se trouver confrontée à Dahlia, la mère d'une petite Alessa qui ressemble à Sharon comme deux gouttes d'eau. Bien que leurs émotions soient identiques, leurs motivations diffèrent dans la recherche de la vérité, Dahlia ayant ses propres démons à exorciser. Sous un maquillage qui la rend méconnaissable se trouve l'actrice Deborah Kara Unger (THE GAME), qui avait déjà prêté sa voix sensuelle au voice over de CRYING FREEMAN. Les raisons de sa présence seront claires dans un final dantesque à la HELLRAISER qui rassemble tous les habitants de Silent Hill, dont une secte menée par Alice Krige. On peut voir l'actrice dans LE FANTOME DE MILBURN, LA NUIT DECHIREE ou encore de nombreuses séries télé (DEADWOOD, SIX FEET UNDER...) mais ici, elle crève littéralement l'écran dans son rôle de leader religieux. Froide et manipulatrice, elle a réussi à rallier ses fidèles à elle dans une dévotion totale sauf que leurs faiblesses en font également les cibles idéales pour toute nouvelle idée proférée de façon un tant soit peu dominatrice. Rosa le comprend bien et s'en servira pour servir sa propre cause.
Sur le commentaire audio du PACTE DES LOUPS, Gans s'interrogeait sur son statut de réalisateur. Véritable artiste ou plutôt un fan qui rendait hommage à ses aînés ? SILENT HILL est seulement son troisième long métrage (après un court datant de 1981 et le magnifique segment The Drowned de l'anthologie NECRONOMICON) et que l'on aime ses films ou pas, personne ne peut nier que l'homme possède un sens esthétique finement développé. Les images qui composent ses œuvres sont très travaillées au niveau de leur composition et de la palette de couleurs utilisée. Une grande place est toujours donnée à la femme à laquelle Gans voue de toute évidence une grande admiration (le personnage d'Emu/Julie Condra dans CRYING FREEMAN, celui de Sylvia/Monica Bellucci dans LE PACTE DES LOUPS et dans SILENT HILL, tous les personnages principaux sont des femmes). Ceci confère un certain érotisme très agréable à ses oeuvres mais à l'inverse, ces actrices possèdent souvent une beauté inaccessible comme s'il fallait juste les admirer de loin sans chercher à en savoir plus. Le même manque transparaît ici où Gans n'a pas su exploiter la relation mère-enfant qui unit Rose à sa fille adoptée. On ne sent pas l'héroïne prête à tout pour récupérer son enfant tout comme on ne sent pas le réalisateur très impliqué par cette quête. Le seul défaut de Gans serait peut-être d'être trop pudique dans ses créations. Avec son talent visuel et sa grande sensibilité, on aimerait qu'il se lâche vraiment et nous offre une œuvre faite avec ses tripes. Non pas que chaque film n'ait pas été important à ses yeux mais on aimerait ressentir un peu plus l'être humain qui se cache derrière le cinéaste. Nul doute que le résultat serait à la hauteur de nos attentes.
Le film est présenté dans son format 2.35 d'origine, le scope sied parfaitement à ce genre de métrage et est utilisé à bon escient – bravo encore une fois au talentueux directeur photo Dan Laustsen qui a déjà officié sur LE PACTE DES LOUPS ou NUITS DE TERREUR. Aucun point négatif n'est à déplorer au niveau du transfert qui est de très grande qualité – par contre, le format sonore déçoit un peu. Les pistes anglaise et française sont toutes deux présentées au choix en 5.1 et en DTS mais malgré un rendu impeccable au niveau des effets et des dialogues, le son claque moins qu'on l'aurait espéré.
D'après les dires de Gans, il faudrait quelques années avant qu'une édition collector digne de ce nom ne puisse voir le jour. Pourtant, le deuxième disque est bien fourni en sympathiques bonus, la seule chose que nous déplorons, c'est le manque d'un commentaire audio.
Nous commençons par La conception de Silent Hill, en réalité un Making Of qui se divise en six segments que vous avez la possibilité de visionner séparément ou en totalité : Aux origines du projet, Casting, Création des décors, Cascades, Créatures et Chorégraphie. L'ensemble dure près d'une heure et se révèle aussi intéressant que complet même si par moments, les divers participants se perdent dans des éloges dithyrambiques et inutiles. La partie la plus prenante est sans doute la conception des créatures où il convient de saluer les acteurs sous les impressionnants costumes.
Le Matériel promotionnel présente également un sous-menu de six segments différents, à regarder séparément cette fois. Le premier, Autour du film, est un module d'une quinzaine de minutes qui présente de longs passages du film entrecoupés d'entretiens superficiels des participants. Ensuite, nous avons le teaser de SILENT HILL (0mn43) et sa bande annonce d'une durée de 2mn20 à regarder en anglais sous-titré ou en français. La Rencontre à la FNAC entre Christophe Gans et le compositeur Akira Yamaoka est en fait un condensé de la Master Class organisée avec les deux hommes, toujours entrecoupé d'images du film (nous frôlons l'overdose…). Vous pouvez également découvrir la bande annonce du jeu Silent Hill Origins et enfin, la galerie d'affiches qui présente différents projets durant à peine plus d'une minute. La galerie photos est composée d'images du film ou prises sur le plateau et enfin, vous pouvez visionner les bandes annonces de CRYING FREEMAN et NECRONOMICON.
En attendant peut-être une édition comportant un commentaire audio et de nouveaux suppléments, les fans du film pourront se régaler avec ce double DVD de très bonne facture accompagné d'un livret d'une douzaine de pages. Plus qu'une simple adaptation mais pas tout à fait l'œuvre tant (trop ?) attendue par certains, SILENT HILL appartient toutefois à la catégorie des réussites qui mérite plus que d'être relégué aux oubliettes par les hardcore gamers trop protecteurs du jeu. Perdez-vous dans ses méandres, vous n'en sortirez pas indemne…