Photographe connue, Valentina Rosselli sort dans les soirées où se rencontrent les artistes de sa ville lorsqu'elle ne s'adonne pas à son travail. Justement, à la fin d'une petite sauterie, elle décide de rentrer à pied, seule et en pleine nuit. C'est là qu'elle va faire la connaissance d'une femme étrange, Baba Yaga, qui lui dit que leur rencontre était prédestinée…
A la fin des années 60, les producteurs italiens commencent à s'intéresser aux «fumetti», c'est à dire la bande dessinée. On pourra ainsi voir nombre de héros illustrés débarquer dans les salles de cinéma, qu'ils soient criminels ou du coté de la loi, avec, par exemple, DIABOLIK ou KRIMINAL. Cet engouement des producteurs n'est pas innocent puisque au milieu des années 60, la bande dessinée commence à être prise au sérieux. Ainsi, en Italie, des publications proposent des histoires illustrées à destination d'un public mature alors que jusque là, bande dessinée s'associait plutôt avec le monde de l'enfance. C'est ainsi que Guido Crepax va développer l'univers de Valentina, une photographe évoluant dans le milieu artistique et qui se perd souvent dans ses fantasmes. C'est justement ce personnage que Corrado Farina va adapter au cinéma avec BABA YAGA. Le choix est, aujourd'hui, assez surprenant puisque la plupart des adaptations de bande dessinée, à l'époque, s'orientent plutôt vers le thriller, l'exotisme et l'aventure. Mais le personnage de Valentina est, en réalité, plus proche d'EMMANUELLE que de DIABOLIK.
Corrado Farina choisi d'adapter une aventure où l'héroïne est confrontée à un personnage maléfique, Baba Yaga. Le nom n'est pas innocent puisqu'il s'agit d'une figure folklorique des pays de l'Est. A l'origine, Baba Yaga est ne sorte de sorcière qui dévore ceux qui ont le malheur de croiser son chemin. Un soir, de retour d'une soirée, Valentina rencontre donc Baba Yaga, une femme d'âge mure au comportement étrange. A partir de là, des événements bizarres vont se produire. Toutefois, il est bon de préciser que les séquences oniriques ne sont pas liées au personnage de Baba Yaga mais font partie de l'univers de Valentina. Le personnage se retrouve au fil de ses aventures au milieu de rêverie érotique et très souvent fétichiste voire carrément sadomaso. On retrouve ainsi ces errances de l'héroïne lorsqu'elle rêve d'une exécution en bord de mer ou bien quand elle se trouve nue, au bord du gouffre, face à des soldats en uniformes nazis. Si l'univers de Valentina, la bande dessinée, est respecté, une ambiguïté s'installe dans BABA YAGA. En effet, on pourrait être amené à penser que c'est sa rencontre qui provoque les rêves de Valentina et non pas son imagination fantasque. Le réel du personnage venant nourrir ses fantasmes et non pas le contraire. Cela n'empêche en rien le film de fonctionner puisque, après tout, BABA YAGA tire sa force de ses séquences surréalistes et de son ambiance étrange. Tenter de trouver une logique ou une finalité à l'intrigue n'a, à vrai dire, pas une grande importance dans le cas présent. BABA YAGA est surtout un film d'images volontairement tourné vers l'érotisme. Une quarantaine d'années plus tard, cela se montre tout de même très gentillet, peut être même trop. Mais il faut remettre la chose dans son contexte car, à l'époque, deux plans assez courts seront coupés. Dans les deux cas, on pouvait voir les actrices principales complètement nue et de face. Des images trop osées dans le cadre d'une distribution traditionnelle dans les cinémas et qui seront donc censurées. Et puisque l'on aborde, en quelque sorte, le montage du film, il apparaît intéressant d'évoquer celui de BABA YAGA. A l'époque, les producteurs décident de remonter le métrage pour lui donner plus de rythme avant sa sortie. En le découvrant, Corrado Farina porte plainte ce qui lui permettra de remonter mais sans avoir accès à tous les éléments d'origine. Le montage final est, à l'arrivée, une sorte de compromis forcé entre ce que voulait le réalisateur et ce que les producteurs imposaient.
Film fantastique et érotique, BABA YAGA adopte un rythme qui s'apparente pas mal aux films européens brassant ces deux genres, quelque part entre le cinéma de Jean Rollin et celui d'Harry Kumel en passant par Jesus Franco. Néanmoins, Corrado Farina se montre quelque part, bien moins frondeur que ce soit au niveau du Fantastique mais aussi de l'érotisme. Curieux puisqu'il adapte une bande dessinée ouvertement érotique. Mais c'est justement l'aspect bande dessinée qui semble retenir l'attention du cinéaste. Dans BABA YAGA, il se laisse ainsi aller à des expérimentations visuelles ou à un montage ayant sa propre logique. Le passage le plus évident de ce parti pris se révèle pleinement dans la première nuit que partage les personnages interprétés par Isabelle de Funès et George Eastman. Le cinéaste mélange plans ultra serrés, séquences noir et blanc ultra saturé et mise en scène des corps dans un montage très avant-gardiste. Le rythme se montre ainsi assez posé, peut être même un peu trop par moment laissant s'installer des moments de flottement. Le film de Corrado Farina lorgne assez nettement vers le métrage arty plutôt que le cinéma de genre à proprement dit. Son précédent film, HANNO CAMBIATO FACCIA…, s'insérait d'ailleurs lui aussi dans une mouvante de cinéma Fantastique teinté d'ambition auteurisante. A partir de là, rien de surprenant à ce que Corrado Farina se soit intéressé à Valentina, personnage évoluant dans un milieu peuplé d'artistes. Le réalisateur, et scénariste du film, se permet ainsi d'évoquer des thématiques qui semblent un peu incongrues ici ou là. Par exemple, lorsque l'héroïne et son compagnon vont au cinéma, ils rencontrent un auteur de bande dessinée. Celui-ci en vient à expliquer, en gros, qu'il a mis de côté ses idéaux artistiques en vendant son œuvre à un groupe de presse. Et tout ce petit monde d'artistes va donc faire sa culture en découvrant sur grand écran LE GOLEM, un film muet des années 20, alors que finalement l'un d'entre eux est réalisateur de spots publicitaires ringards. La démonstration est des plus naïve et le cinéaste apparaît même un poil prétentieux lorsque l'on découvre l'une des scènes coupées du film. Elle montre un happening délirant anti-américain où le gratin artistique s'encanaille avant d'être poursuivi par la police. Carrément balourd et peu subtil, le passage a heureusement été totalement gommé du film, conservant l'essentiel. C'est à dire l'histoire d'une jeune femme indépendante et libérée face à un esprit maléfique qui la subjugue, le tout sous la forme d'un métrage erotico-surréaliste !
Blue Underground avait déjà sorti BABA YAGA en DVD. L'éditeur américain ressort le film avec un nouveau transfert en haute définition mais aussi un sous-titrage en français ! Le Blu-ray n'étant pas protégé par un codage régional, il sera donc possible aux Français de découvrir ce film et ce même s'ils ne comprennent pas la langue anglaise. Mieux, l'éditeur propose aussi la version italienne. Il faudra tout de même préciser que le sous-titrage français est calé sur la version anglaise qui comporte des lignes de dialogues supplémentaires ou parfois légèrement décalés ce qui peut surprendre lorsque l'on visionne le film en italien. Les deux pistes sonores sont en DTS HD Master Audio en mono d'origine, codé sur deux canaux. Anglais ou italien, le choix sera à l'appréciation de chacun le film n'ayant pas été tourné directement dans une langue puisque mélangeant des comédiens de nationalité différente : la Française Isabelle de Funès côtoie l'Américaine Carroll Baker et l'Italien George Eastman (alias Luigi Montefiori). L'image est une vraie amélioration avec le transfert du DVD précédent. Les détails, le contraste ou les couleurs sont ici bien meilleurs. Enfin, l'éditeur conserve le grain cinéma ce qui peut, éventuellement, choquer les spectateurs plus habitués à une image entièrement lisse. Notez que les photos d'illustrations ne sont en rien représentatives de la qualité du Blu-ray.
Pas de surprise du côté des suppléments, Blue Underground reprend le contenu du DVD. On peut retrouver le court-métrage de Corrado Farina consacré à Guido Crepax. Un court-métrage qui ne date pas d'hier ce qui se ressent avec une image hésitante mais aussi une forme documentaire assez éloignée de ce que l'on peut faire aujourd'hui. Cela s'avère un court intéressant et comme il est présenté en langue italienne, l'éditeur y a placé un sous-titrage anglais. Il en sera de même de l'interview de Corrado Farina qui revient sur la création du film, livrant pas mal d'anecdotes sur les comédiens ainsi que ses choix. Parmi les suppléments, on trouve aussi une dizaine de minutes de scènes coupées. La plupart sont de petits ajouts à ce que l'on peut voir déjà dans le film. Par exemple, le personnage de Baba Yaga se retrouve dans une séquence onirique alors qu'elle n'apparaît pas de cette manière dans le métrage terminé. Mais on retrouve surtout la séquence anti-capitaliste et anti-américaine assez ridicule ainsi que les deux plans de nudité de Isabelle de Funès et Carroll Baker. La qualité de retranscription des scènes est d'ailleurs très variable. Par contre, la bande-annonce américaine du film a été transférée en haute définition et cela s'avère appréciable. Enfin, on peut découvrir une galerie d'affiches et photos ainsi qu'un court comparatif entre la bande dessinée originale et le film. En réalité, ce dernier supplément montre des planches originales où sont insérées des photos du film. Mais, curieusement, sur les rares planches présentées, les photos ne semblent pas toujours en adéquation avec ce que semble présenter la bande-annonce. Cela s'avère donc assez bizarre comme comparatif. En tout cas, ce Blu-ray est une excellente manière de découvrir BABA YAGA, une coproduction française inédite en DVD… en France !