Rongé par un cancer du cerveau, George States, un américain, se rend en Inde dans l'espoir d'y quérir un objet mystique, le Naagmani. En effet, quiconque possède le Naagmani devient immortel. Reste que bien évidemment, l'objet n'est pas des plus accessibles. Il se trouve en réalité entre les mains de Nāginī, une déesse serpent capable de prendre forme humaine. Se basant sur une légende locale bien connue, States fait donc capturer l'amant de la divinité et entend bien l'utiliser comme moyen de pression : Nāginī retrouvera son cobra royal de conjoint si elle accepte de remettre le Naagmani. La merveilleuse déesse ne l'entend cependant pas de cette oreille et part en quête de son compagnon, non sans laisser quelques cadavres sur son passage…
Nous avons déjà eu l'occasion d'aborder l'Inde et son foisonnant cinéma dans nos colonnes. Bien que snobé par les salles françaises et bien peu représenté dans nos linéaires, l'industrie cinématographique indienne est la plus prolifique du monde. Aussi, et malgré ses codes bien particuliers, elle ne peut laisser indifférente les autres industries, et plus particulièrement la machine Hollywoodienne. Kylie Minogue est ainsi partie pousser la chansonnette dans BLUE en 2009 alors que Sylvester Stallone, Denise Richards et Brandon Routh figuraient dans KAMBAKKHT ISHQ la même année. Danny Boyle a mis en boîte le bijou SLUMDOG MILLIONAIRE en 2008 et c'est donc avec un certain intérêt que nous attendions le HISSS de Jennifer Chambers Lynch, fille évidemment du grand David...
Un intérêt d'autant plus grand que son précédent film, SURVEILLANCE, nous avait séduits et intrigués. L'essai devait donc être transformé et la réalisatrice n'a pour cela pas versé dans la facilité. HISSS aura donc été mis en boîte sur le sol indien et ce avec une équipe en partie locale. Plus délicat encore, il aura été tourné en Hindi, avec quelques dialogues en anglais comme c'est le cas dans les productions Bollywoodiennes. Mais nous l'imaginons, ce qui intéressait la réalisatrice n'était pas tant l'exotisme du projet que son élément scénaristique fondateur. HISSS est en effet une énième variante sur le thème de la «Nāgī» (ou «Nāginī»), une divinité mi-femme, mi-serpent, détentrice de la vie (via un élixir d'immortalité) et associée parfois à la fertilité. Au cinéma, la femme-cobra aura par exemple été le sujet du NAGIN de 1954, optant pour un angle métaphorique puisqu'une femme y tombe éperdument amoureuse d'un charmeur de serpents. Les adaptations suivantes seront plus explicites, mettant en scène de manière plus ou moins convaincantes (souvent moins d'ailleurs) les transformations d'un serpent en femme, et d'une femme en serpent. Nous avions du reste déjà listé bon nombre de métrages dans une précédente news (/index.php/indexnews.php3?NewsID=6189) mais vous pourrez trouver une liste plus complète encore dans notre base de données.
Quoi qu'il en soit, la trame commune à toutes les histoires traitant de Nāginī reste la vengeance d'une femme(-serpent), meurtrie par la disparition (généralement la mort) de son bien aimé conjoint reptile. Jennifer Chambers Lynch s'en empare donc et pousse à l'extrême la féminité et la sensualité du personnage mythologique. Nāginī devient alors une vengeresse «universelle», oeuvrant pour sa cause mais aussi celle de toutes les femmes, qu'elles soient battues, violées ou même victimes de relations incestueuses. Plutôt intéressant sur le papier, cet aspect sera malheureusement traité avec une certaine naïveté, voire légèreté. Ainsi les humiliations faites aux femmes sont toutes concentrées sur un petit quart d'heure, s'enchaînant sans transition et sans logique. Durant ces quinze minutes, on assiste donc à des agressions, quelque part, on ne sait où. Et tel un Batman au sang froid, Nāginī déboule sans que l'on comprenne d'où, croque, disparaît et passe au délit suivant... Le sentiment est de fait assez curieux, risible là où il se voudrait grave, et finalement très péjoratif dans l'image qu'il donne de l'homme (indien en l'occurrence), celle d'un sauvage violent et stimulé par le seul sexe...
Assez déroutante, cette portion de métrage aurait peut être pu s'oublier si le reste de l'œuvre s'était avéré plus habile. Malheureusement, Jennifer Chambers Lynch cumule les fautes de goût et les facilités scénaristiques. Elle ira même jusqu'à ridiculiser l'incroyable sensualité de son personnage principal lors d'une séquence hallucinante de maladresse. Le soir venu, la belle Nāginī erre dans les rues désertes et s'arrête devant un lampadaire (sans doute planté là pour le film). Elle entame alors avec lui une étreinte amoureuse surréaliste, durant laquelle elle fait glisser l'objet entre ses cuisses tout en grimpant toujours plus haut, jusqu'à se suspendre à côté de l'ampoule, en compagnie bien évidemment des moustiques ! Difficile de croire qu'une telle séquence puisse être tournée au premier degré. Et pourtant...
Ces situations «embarrassantes» s'accumulent sur une durée de 93 minutes environ et se couplent au jeu catastrophique de Jeff Doucette, ainsi qu'à des images de synthèses plus que bâclées. Car à notre grande surprise, les reptiles numériques de HISSS ne sont guère plus convaincants que ceux d'une production The Asylum. Voilà qui fait indiscutablement tâche à côté d'autres effets largement plus aboutis, et même mémorables. Parmi ceux-ci, nous citerons les deux premières mutations de Nāginī. Durant la première, le Cobra Royal enfle et se défait de sa mue pour devenir femme. Les courbes enivrantes de Mallika Sherawat ondulent, puis se révèlent. La nudité, intégrale et particulièrement graphique, éblouit autant qu'elle étonne au sein d'un film (partiellement) indien. Le spectateur restera à n'en pas douter bouche bée, comme il le sera quelques minutes plus tard, lorsque la femme deviendra un cobra géant. L'effet est alors prothésique et mécanique, évoquant dans son exécution la fameuse transformation du LOUP-GAROU DE LONDRES. Du bien bel ouvrage, signé Robert Kurtzman, qui restera d'ailleurs comme l'un des (rares) moments forts du métrage...
Outre cela, nous noterons tout de même que la réalisatrice a su profiter des merveilles de l'Inde. Elle nous emmène donc dans le Kerala (état du Sud-Ouest) et nous fait profiter de sa végétation riche et luxuriante. Puis elle nous emporte jusqu'à Mumbai, au cœur de quartiers plus modestes, semblant hors du temps. La visite prendra même des allures de carte postale lors d'une course-poursuite, là encore très perfectible sur le plan cinématographique mais mettant en lumière les bacs de lavage publiques… Toute aussi colorée sera la fête de Holî, annuelle et incontournable en Inde, elle est visible dans de nombreux films locaux, servant généralement à la réconciliation. Durant cette fête, les gens dansent et s'aspergent de pigments de couleurs, célébrant ainsi le sacre du printemps. Jennifer Chambers Lynch la met en image et en profite pour placer une courte séquence dansée, la seule, assez peu convaincante. Mais plus douteuse sera sa tentative de paralléliser les couleurs festives de Holî et le sang d'une femme découvrant sa fausse couche. Une faute de goût d'autant plus curieuse lorsqu'on sait que cette fête du printemps est aussi celle de la fertilité…
Nous l'aurons compris, féminité, fécondité, sensualité et maternité sont donc les grandes thématiques de ce métrage. Force est de reconnaître cependant que le traitement n'est pas à la hauteur. Du tout. Même en terme de mise en scène, certains choix s'avèrent plus que discutables en adoptant certains des «tics» du cinéma Bis indien. Les ralentis saccadés, les accélérations inutiles et les effets sonores faciles (ou inappropriés) répondent ainsi présents tout au long du métrage. Au point que l'on peut légitimement se demander s'il y a là hommage maladroit ou délégation d'une (bonne) partie de la mise en scène... Certains propos tenus a posteriori par Jennifer Chambers Lynch semblent attester cette seconde hypothèse et d'après elle, le «Final Cut» serait revenu au producteur Govind Menon (également réalisateur d'une poignée de métrages). La dualité qualitative, très présente dans HISSS, s'expliquerait alors un peu mieux. Reste que quels que furent les problèmes rencontrés, nous doutons qu'ils puissent expliquer à eux seuls tant de fausses notes. Gageons donc finalement que HISSS ne soit qu'une erreur de parcours, un projet trop lourd et complexe pour une réalisatrice qui, nous l'espérons, saura rebondir avec le A FALL FROM GRACE attendu pour 2011...
HISSS aurait dû faire l'ouverture de deux Festivals (Etats-Unis et Canada) à la mi-octobre mais, suite à des problèmes de copies, aura finalement été découvert à l'international le 22 du même mois. La sortie fut cependant confidentielle et les résultats au box-office désastreux. Il faut dire que contrairement au SLUMDOG MILLIONAIRE de Danny Boyle, le film de Lynch n'a guère d'arguments pour séduire le public occidental, et se montre à côté de cela peut-être trop «explicite» pour le grand public indien. C'est pourtant du côté de l'Inde que vient de sortir la première édition DVD du film. D'autres suivront sans doute mais il ne faudra probablement pas se presser ou espérer d'éditions plus «prestigieuses». Il ne serait pas étonnant que le film ne voie jamais le jour en France et c'est donc sans retenue que le curieux pourra se jeter sur l'édition chroniquée ici...
La galette est le fruit de l'éditeur Shemaroo qui, comme beaucoup d'autres en Inde, est assez généreux en publicité. Au lancement du disque, nous aurons donc droit à la bande annonce de MILENGE MILENGE, mettant en scène Shahid et Kareena Kapoor. Une bonne partie de la section bonus sera également consacrée à la promotion d'autres produits de l'éditeur. Les films bien évidemment avec, entre autres OMKARA, CHANDNI CHOWK TO CHINA et EVIL DEAD 2 (!), mais aussi des compilations musicales. Enfin la dernière bande promo donnera envie de bouger son popotin puisqu'il s'agit d'un disque de fitness, animé par la très stimulante Bipasha Basu (en double dans DHOOM 2) et recommandé par le gratin Bollywoodien. Indispensable donc pour raffermir vos abdos-Nutella et flatter votre rétine…
Plus ennuyeux sera le nom de l'éditeur, apparaissant en légère surbrillance dans le coin inférieur droit de l'image, et ce durant tout le film. La pratique est assez courante en Inde mais il est vrai que nous n'y sommes guère habitués. La présence de cet élément indésirable n'est cependant pas trop dérangeante et s'oublie assez rapidement. Outre cela, l'image est de qualité correcte, sans plus. Le ratio 2.35 d'origine est respecté et l'encodage en 16/9ème offre une définition convenable. Les couleurs sont belles et chaudes, mais la compression se fait par instants sentir. Nous aurons donc droit à quelques à-plats de pixels, un peu de crénelage et une poignée d'effets de rémanence...
Sur le plan sonore, nous aurons le choix entre la version originale encodée en Dolby Digital 5.1 ou en Stéréo. Comme nous l'avons dit, cette piste originale est en hindi, avec quelques bribes en anglais. L'acteur Jeff Doucette est doublé pour ses répliques en hindi, et ce sans le moindre souci de synchronisation labiale. Voilà qui ne manque pas d'amplifier davantage encore sa piètre performance… Quel que soit le nombre de canaux pour lequel vous opterez, le signal est clair et dénué d'anicroche. L'ensemble est cependant un peu plat et ne louera pas les mérites de votre installation Home Cinema. La compréhension du métrage sera en outre grandement simplifiée par la présence d'un sous-titrage anglais (amovible) de bonne qualité.
Terminons enfin le tour de cette édition avec le seul véritable bonus qu'elle propose : Un Making-of d'une durée de dix-sept minutes environ. Celui-ci donne la parole à Jennifer Chambers Lynch, son producteur Govind Menon mais aussi Mallika Sherawat et Robert Kurtzman. Leur propos s'étalera sur environ un tiers de la durée, ces interventions étant entrecoupées d'images (spoiler) du film et de scènes de tournages. L'ensemble s'avère plutôt intéressant puisqu'il dévoile l'envers des (rares) effets mécaniques précités, et permet d'en apprendre plus sur la vision de la réalisatrice...