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Critique du film
STOIC 2009

 

Quatre jeune détenus, incarcérés pour des délits mineurs, partagent la promiscuité d'une cellule. Un matin, l'un d'eux est découvert pendu. Un suicide ? L'interrogatoire des trois prisonniers va révéler une toute autre vérité.

Uwe Boll, le célèbre gougnafier qui nous avait régalé avec des nanars tous plus improbables les uns que les autres (citons pour le plaisir HOUSE OF THE DEAD, IN THE NAME OF THE KING ou encore POSTAL) est visiblement en pleine renaissance «artistique». En 2008, entre les piteux FARCRY et BLOODRAYNE 2, l'homme commet un premier «accident» : un bon film ! TUNNEL RATS est un film de guerre tendu et dur qui en intriguera plus d'un. Puis vient 2009 où Boll réalise le solide RAMPAGE que nous avions défendu après sa projection au Marché du Film à Cannes. Réalisé quelques mois avant RAMPAGE, STOIC est une toute petite production emballée en quelques semaines via des partis pris de mise en scène radicaux et audacieux. Contre toute attente, le film est une vraie bombe de noirceur prouvant qu'Uwe Boll n'est plus un guignol de la mise en scène mais bel et bien un réalisateur à suivre.

Pour ce nouveau film, Uwe Boll s'inspire d'un fait divers sordide ayant eu lieu dans une prison allemande. STOIC raconte donc l'histoire aberrante de quatre petits voyous d'une vingtaine d'années, emprisonnés pour une courte période. La vie en communauté se passe sans anicroche, entre télévision et parties de poker où sont mises en jeu des cigarettes. Derrière ce quotidien inoffensif et bien réglé gronde pourtant la violence et la folie conditionnée par l'enfermement. L'étincelle qui mettra le feu aux poudres est une petite provocation idiote : celui qui perdra la prochaine partie de poker devra avaler en entier un tube de dentifrice. C'est le jeune qui aura eu cette idée de «punition» qui va perdre la partie. En refusant d'ingérer le dentifrice, ces co-détenus l'encercleront et le lui feront avaler de force. Cela aurait pu s'arrêter là, mais le fil de la violence a été tiré, libérant les pulsions sadiques comme un vent de liberté. C'est maintenant toute une chaîne d'humiliations qui va se déclencher : coups, ingestion de liquides venant des toilettes ou encore de vomi. La ligne de non retour est franchie lorsque le jeune, inerte, se fait violer par un détenu puis torturé un manche à balai dans l'anus. Pour couvrir leurs horreurs, les trois bourreaux décideront de pendre leur ami afin de maquiller leurs actions en suicide.

Cette histoire crue et rude, Uwe Boll la met en scène comme un documentaire. La caméra, très mobile, ne compose jamais de cadre. Elle est au milieu de l'action et arrache les images en simulant une optique de témoignage. L'histoire, qui se déroule uniquement dans la petite cellule, est régulièrement entrecoupée d'interviews des personnages nous débitant leur vérité ou en nous confiant leurs éventuels remords. Minimaliste et aride, la mise en image a pour seul but de nous mettre mal à l'aise face à l'absurdité de ce que nous voyons. Il n'y aura aucune «morale» à la fin de l'histoire, aucune explication. Juste un terrible vide creusé par une horreur affreusement inutile. On pense parfois à BULLY de Larry Clark, un film qui avait également comme principe de mettre en scène un fait divers sordide de manière froide et démonstrative.

STOIC repose pour beaucoup sur les épaules de ses quatre comédiens, comédiens qui devront occuper seuls l'écran durant tout la durée du film. Uwe Boll s'entoure de quelques fidèles comme Shaun Sipos (RAMPAGE) ou encore Steffen Mennekes (aperçu dans BLOODRAYNE 2). Après une sérieuse traversée du désert, Edward Furlong (qui avait débuté adolescent dans TERMINATOR 2) vient compléter le casting. Méconnaissable derrière ses kilos en trop, l'acteur revient au film de prison neuf ans après ANIMAL FACTORY de Steve Buscemi. Tous sont absolument impeccables dans des rôles ingrats et complexes. Sous leur impulsion, l'improbable mécanique de la violence devient très crédible grâce notamment à leurs nombreuses improvisations. Chaque personnage s'y enfoncera pour des raisons diverses : jouissance de la position de force, assouvissement d'instincts interdits ou tout simplement peur de ne pas faire comme les autres. Cette hystérie de groupe qui monte en épingle rappelle parfois OUTRAGES de Brian de Palma et ses soldats américains se rendant coupables de viols répétés sur une prisonnière Vietcong.

Il est définitivement temps de cesser les sales blagues sur Uwe Boll. STOIC est un excellent film, sombre et désespérant. 90 minutes de plongée dans ce que l'être humain a de plus idiot et de plus vil. Bien entendu, le voyage n'est pas plaisant. Il est même souvent difficile à soutenir. Les humiliations sont étourdissantes et la claustrophobie étouffante. Boll a définitivement franchi un cap en tant que producteur et réalisateur en accouchant de ce film sans aucun potentiel commercial mais avec une véritable démarche artistique. Après avoir fait de l'adaptation de jeu vidéo d'exploitation, Boll fait maintenant du film d'auteur d'exploitation. C'est très étonnant. On en redemande.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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