Pete McKell est un rédacteur spécialisé dans les excursions touristiques et sa profession le mène aujourd'hui à faire un tour en bateau, à la découverte de la faune australienne. Mais tout ne va pas se passer comme prévu. L'embarcation répond à un appel de détresse et bien vite, les sauveteurs deviendront les victimes. En effet, c'est un crocodile d'une taille hors-norme qui attaque le navire et force alors notre petit groupe de touristes à se retrancher sur un îlot des plus étroits. Malheureusement, l'abri n'est pas sûr et le seul recours semble être la fuite...
Vieux d'une bonne douzaine d'année, le script d'EAUX TROUBLES fût rédigé par un Greg McLean qui n'avait alors pas de grandes ambitions pour cette histoire de crocodile. L'objectif n'était à l'époque que d'imaginer une petite série B, de celle que l'on trouve dans les vidéoclubs et qui divertit le samedi soir. Bien que modeste, l'idée séduit et Dimension films fait l'acquisition du scénario mais comme beaucoup d'autres, celui-ci restera dans les cartons, dans l'attente d'un réalisateur et d'un financement. En 2001, McLean réalise son premier film mais c'est davantage son second qui marquera les esprits. WOLF CREEK, sorti en 2005, remportera un vif succès public et brillera dans nombre de festivals. Pour Dimension Films, Greg McLean devient alors un réalisateur digne d'intérêt et c'est ainsi qu'il se voit octroyé 25 millions de dollars pour la mise en images de son script. L'ampleur du projet est bien évidemment revue à la hausse et EAUX PROFONDES passera finalement par la case cinéma. Mais là encore, le film achevé devra attendre plus d'une année avant de s'exhiber aux yeux de tous...
Le crocodile de EAUX PROFONDES pointera pour la première fois le bout de son museau en 2007 au festival espagnol de Sitges. Il contribuera donc à faire de cette année la plus faste qu'aient connu ces antipathiques bestioles sur petit ou grand écran. Rappelons en effet que les agréables PRIMEVAL et BLACK WATER sont eux aussi issues de la cuvée 2007 mais n'oublions pas pour autant qu'à ces titres «prestigieux» s'ajoutent toute une coterie de crocos à destination de la télévision câblée et/ou des vidéoclubs. Citons tout d'abord le regrettable LAKE PLACID 2, suite mercantile et ratée à l'amusant métrage de Steve Miner. Évoquons également SUPERCROC de la société «The Asylum» (PREHISTORIC, SNAKES ON A TRAIN…) qui, contrairement à ce que l'on serait tenté de croire, n'est pas la séquelle du Cormanien DINOCROC. Après moult hésitation, cette dernière se nommera en effet SUPERGATOR et verra d'ailleurs elle aussi le jour courant 2007 ! Clôturons enfin ce petit tour d'horizon par L'ATTAQUE DU CROCODILE GEANT, métrage lui aussi médiocre issue pour sa part de la collection «Maneater Series» (GRIZZLY RAGE, L'OEIL DE LA BÊTE…) distribué par Genius Entertainment aux Etats-Unis.
Au milieu de cette série de titres plus ou moins accrocheurs, le croco de Greg McLean aurait très bien pu se sentir perdu, voire étouffé. Il n'en sera cependant rien et EAUX TROUBLES, malgré une trame très similaire à celle de BLACK WATER, saura marquer sa différence grâce à une mise en scène soignées et quelques idées plutôt bien vues. Le récit se décompose ainsi en trois parties d'égale importance. La première servira à poser les bases de cette aventure en plantant le décor aussi bien que les personnages. McLean invite alors le spectateur à prendre place dans une embarcation touristique depuis laquelle celui-ci pourra contempler d'incroyables images de la faune et de la flore locales. Le réalisateur est à l'évidence très attaché à son pays et après nous en avoir dévoilé les étendues désertiques dans WOLF CREEK, il nous en propose ici une toute autre facette, naturellement riche et vivante. Particulièrement soignée en terme d'image, cette exploration ne se contente cependant pas de n'être que simplement contemplative. Le cadre restreint du bateau permet en effet de côtoyer les différents personnages du film. Point de caricature ici, pas plus que de personnage exubérant ; McLean met l'accent sur des individus crédibles, des madame et monsieur-tout-le monde avec leur caractère, leurs attentes ainsi que leur passif.
Sortiront cependant du lot deux personnages. Le premier, la guide, sera incarné par l'australienne Radha Mitchell, tout juste remise de son cauchemar à SILENT HILL. L'actrice se montre encore une fois convaincante dans un rôle de femme forte et décidée mais c'est davantage le français Michael Vartan, interprète de Pete McKell, qui étonnera ici. Parfait dans la peau de son personnage, celui qui fût le Michael Vaughn de la série ALIAS assumera donc dans EAUX TROUBLES le rôle de «héros malgré lui», homme fort logiquement dépassé par les événements mais à même d'y faire face malgré tout… Voilà qui semble être une caractéristique majeure puisqu'à l'issue de ce premier tiers de métrage, le réalisateur embrayera bien vite sur une confrontation poussant chacun dans ses derniers retranchements.
Dans sa seconde partie, EAUX TROUBLES fait donc intervenir un monstre qui sera, sans surprise, caractérisé par une taille pour le moins conséquente. En terme de gabarit, notre bestiole lorgne clairement du côté de celle de PRIMEVAL mais contrairement à ce dernier, un soin tout particulier sera ici apporté à sa conception. La combinaison entre les effets traditionnels de John Cox's Creature Workshop (les créatures de PITCH BLACK) et ceux, numériques, de Weta Digital (la trilogie du SEIGNEUR DES ANNEAUX) fait merveille et si l'on est encore loin de la «perfection», saluons au moins un résultat des plus impressionnants. Malgré cet évident potentiel, c'est davantage sur la «tension» que va jouer le réalisateur dans ce second tiers en plaçant tout simplement ses acteurs sur un îlot dont la marée ne cesse de réduire les dimensions. Il n'est donc pas question d'attendre d'éventuels secours et seule la fuite laisse espérer un potentiel salut. Confronté à une créature quasi-invisible, frappant au hasard, la nature des différents protagonistes se révèle même si, là encore, nous ne sombrons en aucun cas dans les «clichés» inhérents au genre. Aucun doute, McLean maîtrise parfaitement son découpage et s'applique à faire de chacune des apparitions de la bête une véritable surprise. Les «disparitions» vont ainsi bon train et bien malin celui qui saura désigner la prochaine victime du saurien…
Mais là où EAUX TROUBLE fait fort, c'est essentiellement avec sa troisième et ultime portion à l'orientation purement chevaleresque. Évoquant alors clairement les «contes de fée», le film confronte donc un héros à un monstre, véritable Dragon qu'il faudra bien évidemment occire afin de libérer la princesse endormie… Avec ce final, McLean offre à son film une dimension autre. L'homme fait ressurgir nos peurs d'enfants, nous place au cœur d'une antre froide et humide, et exploite un potentiel jusqu'alors inédit des films de crocodiles (les tanières des différents KRAI THONG étant d'un tout autre acabit !). Le réalisateur Australien achève ainsi son film par une confrontation évoquant (modestement) celle des DENTS DE LA MER, face à face tendu en milieu défavorable agissant comme une apothéose à un film déjà fort respectueux du genre.
Avec EAUX TROUBLE, Greg McLean ne se contente pas de nous livrer un énième film de saurien hargneux. L'homme va bien plus loin et nous offre un film construit, des personnages solides ou du moins intéressants ainsi qu'une tension parfaitement gérée nous menant à un épilogue des plus sympathiques. Le tout est mis en scène avec talent et paré d'une photographie magnifique, surtout dans sa première partie. Certains pourront lui préférer BLACK WATER, sans doute plus «réaliste» en raison d'un monstre moins «disproportionné» mais ne boudons pas notre plaisir : Deux films de crocos de qualité et ce la même année, c'était inespéré !
Titré ROGUE dans les pays anglo-saxons, le film de Greg McLean avait connu une discrète sortie dans les salles françaises sous le nom de SOLITAIRE. Indiscutablement ridicule, ce titre se voit rejeté à l'occasion de la sortie en DVD pour être remplacé par un EAUX TROUBLES guère plus convaincant… C'est l'éditeur TF1 Vidéo qui se chargera de cette parution qui, comme nous allons le voir, s'avère particulièrement décevante. Tout d'abord, signalons qu'à l'image de STAY ALIVE ou PARADISE LOST du même éditeur, EAUX TROUBLES est proposé dans une version courte. Cette fois-ci, ce sont environ cinq minutes qui passeront à la trappe sans que l'on puisse réellement en expliquer la cause. En effet, contrairement à WOLF CREEK qui faisait preuve d'une violence très explicite (et qui était sorti «Uncut» chez nous), ce nouveau film de Greg McLean n'est en aucun cas susceptible de heurter (visuellement) les plus sensibles. Mais qu'a-t-on donc pu retirer à EAUX TROUBLES en ce cas ? La réponse est très simple et s'impose à nous dès les premières minutes : Du charme et de l'intelligence. En effet, comme nous l'avons vu précédemment, le film s'applique dans sa première partie à «faire rêver» via de magnifiques images mais aussi à offrir de la substance à ses différents personnages. Les coupes concernent ces deux aspects et nombreux sont les dialogues et plans animaliers (pourtant superbes) qui disparaîtront de ce montage raccourci. EAUX TROUBLES perd ainsi une part de sa superbe, au grand regret des amateurs du film…
Ces coupes s'avèrent d'autant plus regrettables que l'image proposée sur le disque est d'une qualité technique plutôt appréciable. Celle-ci nous est proposée dans un ratio 1.77 proche de celui d'origine et l'encodage 16/9ème offre une définition plus que convaincante. Les couleurs sont vives et les séquences d'exposition (du moins celles qui restent…) sortent clairement grandies de ce transfert dénué d'artefact ou autres défauts de pellicule. Les scènes obscures (deuxième tiers du métrage) s'avèrent légèrement moins percutantes en raison de contrastes un peu mou et de noirs tendant vers le gris-vert. Ce ne sont cependant là que de petits bémols qui ne terniront en aucun cas votre visionnage.
C'est sur le plan sonore que nous trouverons le second gros problème de cette édition. En effet, bien qu'elle propose la version originale anglaise et le doublage français en stéréo et en DTS 5.1, la galette TF1 rend tout simplement impossible l'écoute de la piste originale DTS. Si celle-ci fait illusion durant le générique d'introduction, les premiers dialogues semblent rapidement décalés par rapport à l'image. Le doute s'estompe au fil des minutes lorsque ce déphasage va croissant, atteignant sans mal les trois à six secondes à certains moments du métrage ! A chaque nouveau chapitre, image et son se re-synchronisent mais ce n'est que pour mieux se déphaser à nouveau, rendant illusoire un visionnage dans de telles conditions… Après avoir tiré un trait sur l'option sonore la plus pertinente, nous aurons donc le choix entre une version originale stéréo particulièrement plate et fade ou un doublage français d'une qualité honnête. Si vous optez pour cette dernière solution, vous aurez droit en DTS à un rendu satisfaisant et à une spatialisation d'une qualité indiscutable. L'option stéréo vous en privera en revanche et se contentera de délivrer des dialogues clairs, imposant toutefois de monter quelque peu le volume de votre ampli ou téléviseur.
Le troisième point sombre de cette édition DVD difficilement recommandable se trouve dans la section bonus, fortement élaguée lors de sa traversée de l'atlantique. Disons donc adieu au commentaire audio du disque américain et ayons une pensée émue pour la galerie photo, elle aussi disparue dans de mystérieuses circonstances. Seul survivant du carnage, le making-of qui, reconnaissons-le, est une pièce de grand choix. Durant plus de trois quarts d'heure, celui-ci va nous emmener au coeur de la fabrication du métrage, passant en revue tous les aspects de sa genèse, allant du maquillages aux effets spéciaux, balayant des sujets tels que l'étude des crocodiles et la conception de l'étonnante bande originale. Aucunement promotionnel, ce pertinent document est l'exemple type du supplément se regardant sans déplaisir et apportant un vrai «plus» au visionnage du film. Son propos permet en outre de mieux mesurer l'ampleur d'une telle entreprise et l'implication qu'elle requière. Il fait enfin ressortir foule de détails qui contribuent à leur manière à l'élaboration d'un film soigné et minutieusement pensé. Tout simplement indispensable, d'autant qu'il est proposé au ratio 1.77 et en 16/9ème. Clôturons enfin le tour de cette édition en évoquant les bandes annonces de JOHNNY MAD DOG et de LE ROYAUME INTERDIT, toutes deux présentes au lancement du disque et écoutables en version originale, en version française, en stéréo ou en DTS 5.0.