Rédacteur spécialisé dans les comptes rendus de voyages à l'autre bout du monde, l'Américain Pete McKell fait une courte escale pour suivre une excursion sur les eaux des crocodiles australiens. Avant la fin du voyage, la petite dizaine de touristes aura l'occasion d'approcher de très près la mâchoire d'un crocodile qui ne démordra pas de son hospitalité…
Greg McLean s'est fait une petite réputation en faisant le tour du monde avec WOLF CREEK où de jeunes gens avaient maille à partir avec un timbré dans l'outback australien. Ce premier long métrage à petit budget lui donne l'opportunité de concrétiser un projet que le cinéaste avoue porter depuis une douzaine d'années. Fait curieux, la même année où il s'associe avec les frères Weinstein pour le concrétiser d'autres vont œuvrer dans le même domaine. Ainsi, en 2007, le film de Greg McLean ne sera pas le seul à présenter un reptile aquatique à grandes mâchoires. LAKE PLACID 2 est certainement une production très opportuniste puisqu'il s'agit, comme son titre l'indique, d'une suite tardive, produite pour le marché de la vidéo, de LAKE PLACID. Hors concours avec son traitement assez particulier, l'Américain PRIMEVAL va surtout embarrasser les écrans des Etats-Unis. Enfin, en provenance d'Australie, lui aussi, BLACK WATER exposera une vision minimaliste d'un siège tenu par un crocodile contre quelques touristes imprudents. Ce dernier film partage un peu plus que sa nationalité avec le film de Greg McLean puisque le point de départ des deux histoires est relativement le même. Des touristes viennent à prendre place sur une barcasse pour une après midi sur les flots. Dans les deux cas, un crocodile têtu mettra un terme à la paisible journée de vacances !
Grâce à WOLF CREEK, Greg McLean va donc trouver un financement en gros quinze fois supérieur pour raconter une histoire d'animal tueur plutôt classique. Le film n'a rien de spécialement novateur en soi dans son approche du genre. C'était d'ailleurs un peu le cas de son premier long métrage qui utilisait des ingrédients déjà plusieurs décades auparavant. S'il n'y a rien de très neuf dans le genre, ce film de crocodile agressif s'avère très efficace dans son déroulement. Greg McLean nous offre une introduction qui suit les traces de son premier film pour le cinéma. Le contact avec les autochtones installe une ambiance assez particulière et littéralement dépaysante. Ce dépaysement, on le retrouvera d'ailleurs dès les premiers magnifiques plans filmés en décors naturels. Le cinéaste soigne particulièrement l'image et livre donc un film doté d'une belle finition. Cela n'empêche pas pour autant Greg McLean d'avoir embarqué une poignée de passagers hétéroclites figurant les personnages disparates de son scénario. Parmi ceux-ci, on reconnaîtra Radha Mitchell mais il faudra un peu plus de temps pour réussir à identifier John Jarratt dans un rôle très différent de celui du psychopathe de WOLF CREEK. Plutôt bien vue, l'interaction entre les personnages et les paysages permet une mise en place réussie pour les événements à venir.
Une fois que le crocodile entre dans le vif du sujet, le suspense va s'installer pour un jeu dangereux entre les touristes et l'animal. Contrairement à BLACK WATER se plaçant délibérément dans une situation d'attente, le film de Greg McLean propose l'inverse. Il n'est pas question ici d'attendre sans fin en essayant de trouver une solution pour s'enfuir mais plutôt de quitter dare-dare un refuge qui prend l'eau. Comme on peut s'en douter, les solutions mises en œuvre pour s'échapper sont assez souvent sanctionnées par une violente attaque. Le parallèle avec BLACK WATER, issu du même pays, n'est pas anodin puisque les deux films suivent des points de passages relativement identiques qui mènent les deux films à une confrontation finale dans le véritable nid douillet du reptile. Ayant bonne réputation, BLACK WATER s'avère ici supplanté par des moyens biens plus importants. Plus de victimes potentielles et plus d'argent pour représenter l'antre de la créature qui prend dans la dernière partie du film une dimension nouvelle. Animal susceptible au départ, le crocodile devient une sorte d'ogre issu d'un conte très cruel. En ce sens, on se souviendra d'une coupure de journal au mur d'un bar glauque au début du film où l'on pouvait voir un enfant victime d'un crocodile. De même que le film se terminera sur une chanson assez particulière qui termine de transformer notre simple animal, de très grande taille tout de même, en véritable croquemitaine australien !
Le talent de Greg McLean est particulièrement bluffant sur ce film puisque le cinéaste réussit à nous faire avaler son crocodile sans que l'on se pose trop de questions concernant ses origines mi-mécaniques et mi-images de synthèse. Certes, on pourra reprocher au film de ne pas faire beaucoup d'effort sur l'originalité mais l'aventure et les frissons sont au rendez-vous de ROGUE que le distributeur français a eu la curieuse idée de re-titrer en SOLITAIRE. Choix incongru et anonyme qui ne risque pas de jouer en faveur de cette dépaysante aventure horrifique !