Gotho travaille à la morgue d'un hôpital et est la risée de tout le monde. De tous sauf de celle qu'il aime et qui fait partie des patientes de l'établissement. Le jour où elle meurt, Gotho, fou de désespoir, s'enfuit avec le cadavre. Le docteur Orla lui promet alors de ramener à la vie sa bien-aimée s'il l'aide dans ses recherches…
Par accident, LE BOSSU DE LA MORGUE va voir le jour. Car c'est pendant le tournage de EL GRAN AMOR DEL CONDE DRACULA que l'actrice française Haydée Politoff est blessée grièvement dans un accident de voiture. Cela place toute l'équipe du film dans un état d'attente forcée et, plutôt que de patienter, il est décidé de passer directement à un autre film. C'est ainsi que Javier Aguirre et son équipe partent tourner LE BOSSU DE LA MORGUE avec, toujours, Paul Naschy dans le rôle principal. Quant à EL GRAN AMOR DEL CONDE DRACULA, il sera terminé par la suite !
Ayant déjà interprété certaines des grandes figures du Fantastique, il était assez logique de voir Paul Naschy enfiler une bosse pour suivre les traces de Lon Chaney (LE BOSSU DE NOTRE DAME). Par contre, il n'est pas la peine de préciser que le film n'aura pas grand chose à voir avec le bouquin de Victor Hugo en dehors de ce bossu épris d'amour fou pour une jeune femme trop belle. Toutefois, il y a de quoi être fort étonné de l'attraction que ce personnage difforme peut avoir sur les femmes mais nous y reviendrons plus tard… Donc, Ciao, Hugo et Bonjour Francisco ! Car Paul Naschy a justement connu un bossu, durant un autre tournage à l'intérieur d'une véritable morgue, qui lui racontait sa fascination pour les corps inertes de femme. Francisco, puisque c'est son nom, était à l'évidence très concerné par son travail à la morgue. Tellement qu'il fut, quelque temps plus tard, emprisonné pour avoir eu des relations sexuelles avec des cadavres !
En plus de ce postulat de départ, LE BOSSU DE LA MORGUE intègre un scientifique qui n'a rien à envier au fameux docteur Frankenstein. Peu scrupuleux et pour mener à bien la création d'une forme de vie, le docteur Orla, en référence à Maupassant, va tout naturellement berner notre pauvre bossu de manière très grossière. Mais, aveuglé par l'amour, le tragique personnage ne rechignera pas à la tâche tout en bichonnant le cadavre de sa belle. Cela pourrait sortir d'un serial mais cela s'avère plutôt très commun, très référentiel et bien en phase avec l'univers fantastique des films espagnols de Paul Naschy ! En terme de référence, l'acteur nomme son bossu Wolfgang Gotho pour son amour de Mozart et Goethe ou bien on reconnaîtra une certaine filiation du récit avec celui de FRANKENSTEIN CREA LA FEMME de Terence Fisher.
L'histoire est censée se dérouler du côté de l'Autriche mais le seul décor «véritablement» teutons du film est un bar à bière… de Madrid. En réalité, tout le film a été confectionné en Espagne. Une grande partie des extérieurs se fera dans un village de Catalogne du nom de Viella, où se trouvent deux hôpitaux. Pour certaines scène, la production retournera à quelques kilomètre de Madrid dans un cloître en ruines déjà vu dans d'autres films de Paul Naschy dont LA FURIE DES VAMPIRES. Toujours à Madrid, l'équipe finira dans les catacombes, cachette de notre bossu et des sombres expériences du docteur.
Quand on a une véritable morgue à sa disposition, dans l'un des hôpitaux, il serait dommage de ne pas s'en servir pour tourner. Mais Javier Aguirre et Paul Naschy vont pousser le bouchon un peu plus loin. Ils vont d'ailleurs largement dépasser les limites de la production cinématographique standard dans ce BOSSU DE LA MORGUE. En effet, en accord avec le responsable de la morgue, un véritable corps auraient été utilisé lors des séquences de découpage orchestré par un Paul Naschy halluciné. Notez bien le conditionnel de cette affirmation qui se base plus sur la rumeur et des déclarations dont on ne sait finalement si elles servent une certaine légende ou la réalité ! En tout cas, l'acteur reprendra ses esprits, ou plutôt sur le point de le perdre, aurait refusé de couper une vraie tête après avoir légèrement entamé sons geste sous l'insistance du réalisateur Javier Aguirre et l'approbation du peu scrupuleux responsable de la morgue. Sachant tout cela, on ne regarde plus les divers découpages dans la morgue de la même façon, avec l'évidente gêne d'être spectateur d'un effet éventuellement tout ce qu'il y a de plus réel !
Aussi gênant, le film nous montre quelques séquences plutôt corsées avec des rats. De véritables rats chopés dans les égouts de Madrid et qui auraient été gardés loin de toute nourriture pour les rendre encore plus agressifs lors du tournage (ça tire de plus en plus vers la légende, n'est ce pas ?). Paul Naschy, dont les vêtements seront recouverts de graisse, va se débattre avec plusieurs de ces bestioles qu'on lui aura jeté dessus. Forcément, l'acteur sera mordu par les rongeurs affamés. Mais ce qui est finalement très gênant dans cette histoire de rats, c'est les passages où l'on peut voir quelques-unes unes de ces bestioles que la production n'a pas hésité à faire flamber vivant ! Et là, pas question de légende ou de propos exagéré, puisque le résultat est à l'image dans toute sa cruauté… On se croirait presque dans une fiction si d'autres (l'infâme CAMP 731) n'avaient fait de même toujours pour les besoins du Septième Art !
Voilà de quoi donner un sacré choc à la vision du BOSSU DE LA MORGUE qui n'avait pourtant pas besoin de cela car le film de Javier Aguirre n'est pas dénué de véritable qualité cinématographique. Et Paul Naschy délivre une interprétation du personnage, certes naïve, mais bourrée d'émotion. Comme à son habitude, l'acteur réalisera ses propres cascades à l'exception d'un passage lorsque le bossu est sur les toits et où le réalisateur insista pour qu'on le double. On imagine que Javier Aguirre était encore tout traumatisé et s'avérait plutôt nerveux à l'idée de voir un second film stoppé en cas de blessure après le tournage interrompu de EL GRAN AMOR DEL CONDE DRACULA ! Paul Naschy sera en tout cas consacré Meilleur Acteur de l'année au Festival du Film Fantastique de Paris en 1973.
LE BOSSU DE LA MORGUE fonctionne si bien grâce à cet étrange télescopage entre la naïveté du propos et le répugnant de l'horreur. Naïf dans cet amour tragique que le bossu porte à une jeune femme aveugle et qui ne voit donc que la «beauté intérieure» de cet être difforme. Un personnage malmené et manipulé qui ne sera pas épargné par la société qui l'avait condamné jusque là à découper des cadavres à l'abri des regards des gens normaux. Si le film, comme déjà dit, fait penser au FRANKENSTEIN CREA LA FEMME de Terence Fisher, il s'avère aussi quelque peu cousin du BLUE HOLOCAUST de Joe D'Amato. Un étrange mélange où l'amour mène à une folie où l'abominable n'est qu'un acte désespéré pour retenir, encore un peu, l'être aimé. Autour de cette thématique, LE BOSSU DE LA MORGUE vous rappelera tout de même qu'il s'agit d'un film d'exploitation qui recourt parfois à des passages totalement gratuits et donc insolites tel qu'une scène de flagellation entre deux jeunes femmes ou la seconde amourette improbable entre notre bossu et une magnifique jeune femme.
L'éditeur Anolis soigne ses produits ce qui n'a rien de surprenant puisque leur équipe est composé de véritable passionné de cinéma. Pour cette édition du film, le packaging impose tout de suite la différence puisque le boîtier traditionnel est remplacé par un livre à la couverture rigide. Puisqu'il s'agit d'un livre, les pages qui le composent permettent de lire deux textes à propos du film et le tout est richement illustré d'affiches et photos. Toutefois, étant donné qu'il s'agit d'une édition allemande, les deux textes sont dans cette langue. Néanmoins, l'un des deux est aussi proposé en version anglaise.
Sur le DVD lui-même, on trouve donc le film dans un transfert 16/9 au format cinéma respecté réalisé pour l'occasion. La copie du film n'est pas exempte de défauts mais le résultat final s'avère satisfaisant. Car, même si le rendu a un côté un petit peu vieillot, renforcé par la photographie aux couleurs sépulcrale, cela ressemble a une image «cinéma» et non pas «vidéo». Ce qui permet finalement de voir ou revoir ce film dans d'excellente condition. Il est de plus possible de visionner le film au choix dans les versions espagnole, anglaise ou allemande. Il faut tout de même indiquer que cela se fera sans filet ou presque puisque le seul sous-titrage disponible est en allemand. Vous pouvez afficher, ou pas, ce sous-titrage sur les trois pistes sonores, en mono d'origine, et distillant un son de qualité inégale mais tout à fait écoutable.
L'emballage du DVD était soigné et l'éditeur en a fait de même en ce qui concerne la partie congrue des suppléments. Il faut dire que le disque s'est fait en collaboration avec Paul Naschy que l'on peut retrouver dans divers segments ainsi que dans une petite vidéo introductive au film qui, elle, n'est pas forcément judicieuse. On y voit Paul Naschy retrouver des bobines Super 8 du film sur une étagère puis les installer dans un projecteur le tout donnant plus l'impression de voir un père de famille préparer une séance familiale que le lancement d'un film d'horreur par son interprète principal ! Qu'importe, le reste en donne pour son argent. A commencer par le commentaire audio de Paul Naschy en allemand et modéré par un second interlocuteur (Ivo Scheloske d'Anolis). La barrière de la langue risque d'être un obstacle gênant mais l'éditeur a eu la judicieuse idée de placer un sous-titrage anglais sur ce supplément. L'acteur s'y remémore le tournage à force d'informations sur les acteurs ou d'anecdotes fort intéressantes. De plus, il s'égare de façon sympathique pour évoquer ses rencontres avec Jesus Franco, Amando De Ossorio, Boris Karloff ou encore Peter Cushing. Il parle aussi de façon plus succincte de sa participation à un projet musical avec un groupe de métal ou bien du défunt Festival du Film Fantastique de Paris. Bien évidemment, dès que l'on arrive à parler de nos amis les rats, Paul Naschy n'affiche aucun remord et explique qu'il n'y avait pas de loi contre le sacrifice de rongeurs à l'époque en Espagne, le tout devant l'embarras de la personne qui modère le commentaire audio.
Le Super 8 devait marcher très fort en Allemagne puisque l'on trouve assez souvent des versions dans ce format sur les éditions DVD outre-Rhin. Il est ici possible de visionner cette version du film, en allemand et à l'image très approximative, qui est raccourcie et placée sur deux bobines en Super 8 sonore. L'idée même de placer cela en supplément montre le souci du détail et l'envie de donner le maximum à l'acheteur. Cette exhaustivité, on la retrouve dans la présentation du matériel promotionnel (galerie de photos, livret d'exploitation d'époque dont une partie est en français…) ou encore la possibilité de visionner les génériques avec titrage anglais ou espagnol en plus de celui disponible en allemand sur le film. Comparé aux filmographies qui peuplent les DVD standard, celle consacrée à Paul Naschy sur ce DVD apparaît comme extrêmement minutieuse et joliment illustrée.
Le disque propose aussi de voir la différence entre deux versions alternatives de la scène chaude entre Gotho et Elke (Rossana Yanni). Dans l'une, l'actrice est nue alors que dans l'autre, pour éviter des problèmes de censure dans certains pays, elle est pudiquement habillée d'une vaporeuse chemine de nuit. A propos de cette scène, il s'avère qu'elle fut tourné au moins dans une troisième version. Paul Naschy y était nu et arborait une fausse bosse. Mais cette séquence ne passa pas la censure espagnole et fut carrément détruite !
Parmi les autres suppléments, on peut assister à un retour de Paul Naschy au village de Feldkirch qui est en réalité Viella. Quelques minutes nostalgiques dont l'intérêt est très relatif. Pour ceux qui ne comprennent pas l'allemand, la solitude va être assez intense face au passage de Paul Naschy à la manifestation Buio Omega. La partie interview restera donc incompréhensible si vous n'avez aucune notion d'allemand mais cela permet aussi de se faire une idée d'un certain culte qui existe de l'autre côté du Rhin pour le cinéma d'horreur. Le segment se conclut d'ailleurs sur une séance de dédicace de l'acteur pour ses fans.
Drôle de film que ce BOSSU DE LA MORGUE qui mêle romantisme, ambiance gothique et abominables horreurs. Un mélange pas toujours très heureux mais qui donne au final une oeuvre marchant souvent sur le fil du rasoir entre grand guignol et drame tragique. Si le film est par moment longuet ou risible, lorsque l'alchimie fonctionne, LE BOSSU DE LA MORGUE touche au spectacle morbide de grande classe.