Header Critique : EXORCISTE : VERSION 2001, L' (THE EXORCIST : THE VERSION YOU'VE NEVER SEEN)

Critique du film et du DVD Zone 2
L'EXORCISTE : VERSION 2001 1973

THE EXORCIST : THE VERSION YOU'VE NEVER SEEN 

Comme nous le relations dans notre dossier, L'EXORCISTE est un film tiraillé entre ses deux créateurs. L'écrivain et scénariste William Peter Blatty, auteur du matériel original, n'a cessé de se confronter aux choix du réalisateur William Friedkin, qui apposa sur le film sa propre approche de l'horreur. Avec l'ère des DVDs et des montages alternatifs proposés par certaines éditions, Blatty réclama avec véhémence "sa" version de L'EXORCISTE, version qui serait complétée notamment par de nombreuses scènes coupées. Friedkin refusera en bloc, jusqu'à un beau matin où l'évidence lui sauta aux yeux : Blatty avait raison ! Officieusement, le nouveau montage de L'EXORCISTE fait partie de cette mode du début de l'an 2000, où les studios re-orchestrent de nouvelle exploitation de vieux titres sous couverts d'ajouts modernes (comme le précurseur en la matière, c'est à dire la première trilogie de STAR WARS suivi par la suite de APOCALYPSE NOW REDUX ou encore E.T.). La démarche est commercialement juteuse, mais artistiquement déplorable.

Pour un descriptif en image et détaillée des 11 minutes de séquences ajoutées dans la version 2000 de L'EXORCISTE, veuillez vous reporter à notre dossier. Nous nous attacherons ici à analyser les modifications narratives et conceptuelles induites par ce nouveau montage. Car plus que l'ajout de quelques scènes ou coquetteries numériques, ce nouveau film offre un nouveau visage au chef d'oeuvre de Friedkin. Un visage tordu, biaisé et intolérable, ou comment un grand film du genre se voit littéralement saccagé sous le prétexte de gros sous.

Les scènes ajoutées n'apportent rien de véritablement nouveau au film, voire cassent la qualité du cheminement narratif de L'EXORCISTE. On pense à cette longue séquence chez le docteur Klein, où Regan est sujette à son premier examen. On comprend aisément pourquoi cette scène fut initialement coupée. Jusqu'alors présentée comme une enfant douce et réservée, Regan fait preuve ici d'un comportement ordurier et agité qui tranche trop fortement. L'évolution de caractère est donc trop exagérée, trop poussée pour la crédibilité de l'histoire à venir. Une erreur de mise en scène qui aurait donc dû rester compiler sur un disque de bonus. Le basculement original, où Regan urine devant un parterre d'invités, est donc bien plus réussi car il présente un dérèglement sans jouer la carte de l'agitation psychologique brutale. Seule la phrase de Chris retrouve son sens avec l'ajout de cette séquence ratée, celle-ci excusant l'incontinence de sa fille en prétextant qu'«elle a été très malade» en référence à la visite chez le docteur Klein.

La fameuse séquence de l'araignée est réintégrée, constituant le clou de ce remontage. Après l'annonce de la mort de Burke, Regan dévale les escaliers à quatre pattes la tête en bas pour se jeter sur sa mère et sa baby-sitter. Cette scène fut supprimée dans la version de Friedkin pour plusieurs raisons. Tout d'abord, le trucage de la marche de Regan était peu crédible. Ensuite, cet effet choc crée un doublon avec le choc de l'annonce de la mort de Burke, et du coup l'atténue. Enfin, la séquence s'achève dans l'anarchie et n'est pas digne des autres moments forts du film. La scène de l'araignée telle que nous la voyons aujourd'hui dans la version 2000 est donc revue et corrigée. Retouché numériquement, le trucage est crédibilisé. Mais la séquence se retrouve quand bien même considérablement raccourcie, car elle s'achève au bout de quelques marches, lorsque Regan ouvre une bouche pleine de sang. Extrêmement incongru, ce débordement sanguinolent arrive comme un cheveu sur la soupe et succombe au syndrome du frisson facile. De plus, ce plan met en scène la doublure de Linda Blair, Eileen Dietz, qui ne peut pas encore compter sur le maquillage de Dick Smith pour camoufler sa différence physique avec la jeune actrice.

L'EXORCISTE, version 2000, se rendra coupable encore de nombreux effets faciles avec les ajouts numériques qui dénaturent certains plans. Juste avant l'annonce de la mort de Burke, des visages du démon sont incrustés sur la gazinière, montés en plan subliminal entre une ouverture de porte sur un bruitage strident. Nous sommes très loin du travail initial de Friedkin, qui insérait ces mêmes visages du démon à des moments bien plus clefs de l'histoire, et avec une imagination photographique d'une autre classe (comme dans le rêve du père Karras, ou lors du court passage au noir durant l'exorcisme final). Dans une autre séquence, lorsque le démon s'éveille dans le corps de Regan suite à un appel sous hypnose, un morphing maléfique vient défigurer le visage de fillette. Un nouvel ajout imbécile qui vient perturber l'excellente direction d'acteur du plan original : un court travelling avant sur le regard terrifiant de l'enfant.

Les autres scènes ajoutées sont heureusement plus inoffensives. Karras écoutant un enregistrement magnétique de Regan n'est pas inintéressant dans la mesure où il donne au prêtre la seule occasion d'entendre la véritable Regan. Tandis que Karras court chercher les accessoires destinés à la cérémonie de l'exorcisme, le père Merrin a l'occasion d'échanger quelques mots avec Chris. Un court dialogue sans intérêt en soi, mais qui donne la possibilité de prolonger la tension immédiatement amenée par l'entrée de Merrin dans la maison. Le grand déchirement de Blatty, à savoir la suppression du dialogue entre Merrin et Karras dans l'escalier lors d'une pause dans la cérémonie, est bien entendu réparé. En toute sincérité, on ne comprend pas bien comment l'auteur pu à ce point s'accrocher à ces très courtes lignes, finalement assez banales. Enfin, la fin quelque peu abrupte du film original, laissant le père Dyer dans sa solitude, est étendue à une version bien moins oppressante. Le lieutenant Kinderman arrive sur ces entrefaites et fait connaissance avec le père Dyer, dans une mécanique qui rappelle le dialogue amical entre le policier et Karras plus tôt dans le film. L'EXORCISTE, version 2000, s'achève donc sur une note optimiste, laissant entendre que l'amitié entre Karras et Kinderman se prolongera via le père Dyer.

Venons-en au noeud du problème : ces modifications changent radicalement le ressenti et l'expérience du film. Comme nous l'exprimions dans notre analyse de L'EXORCISTE de 1973 via son édition en zone 1, la version originale fonctionne de manière athée. La peur est générée au-delà de cette histoire de prêtres et de démons, pour prendre ses racines dans des angoisses plus tangibles comme la maladie mentale, l'abandon de l'être cher. L'ultime bêtise de L'EXORCISTE, version 2000, est de ramener le film uniquement à son interprétation religieuse, annihilant le double-fond très perturbant de l'original. Ce remontage se borne juste à un récit du bien et du mal, les misérables ajouts numériques étant là pour gommer toutes ambiguïtés (c'est le démon qui a tué Burke, lorsque Karras voit le visage de sa mère avant de se défénestrer cette dernière lui pardonne). Pour lever toute ambiguïté, le remontage s'ouvre ainsi sur le visage de la vierge qui se fera plus tard profanée (via deux plans de situation placés juste avant l'épilogue en Irak, au plus grand mépris de la moindre logique narrative), pour se finir sur une note heureuse entre Kinderman et Dyer où le bien aura sans le moindre doute triomphé du mal. Un changement radical par rapport au film de 73, qui laissait ses personnages encore tétanisés par les horreurs qu'ils venaient de vivre.

L'EXORCISTE, version 2000, n'est donc rien moins qu'une marmelade cinématographique, du vandalisme filmique. Si l'on peut comprendre l'envie de Blatty de reconstituer le film qu'il avait lui-même en tête, il est consternant de remarquer le manque de discernement des responsables de cette version, réintégrant des séquences disfonctionnantes et déséquilibrant totalement un film initialement complexe et minutieux. A n'en point douter, William Friedkin s'est rendu coupable de l'une des plus grosses catastrophes artistiques de sa carrière, en essayant de retoucher justement l'une de ses plus grandes réussites.

Edité depuis un certain temps en France, cette nouvelle version est désormais disponible à petit prix via un disque épuré en bonus. L'accroche publicitaire, qui vantait une remasterisation image complète pour cette ressortie, ne ment pas. Le film est entièrement nettoyé, pour un rendu image bien plus propre que ce que nous pouvons trouver sur les disques précédents. Si l'on compare maintenant directement l'image des deux éditions, on s'aperçoit que le zone 2 est moins sombre et que le cadre offre un tout petit peu plus d'image sur les côtés.

Le remixage anglais en 5.1 est globalement similaire à la piste proposée sur le disque américain. Par contre, il faut absolument éviter la version française qui dû être totalement refaite suite à l'ajout de nouveau matériel. Ce nouveau doublage français est une véritable HONTE ! Le casting voix est très médiocre, mention spéciale à celle de Regan possédée qui se satisfait uniquement de serrer les mâchoires et d'un petit filtre de distorsion audio. Encore plus grave, la traduction a été réécrite en mode automatique, sans respecter le moins du monde l'impact des insultes vociférées par Regan. Par exemple, la terrible insulte sexuelle «Your cunting daughter» est traduite par «Ta conne de fille». Une traduction littérale qui omet un détail d'importance : l'insulte française «con/conne» a de nos jours totalement perdue son sens initial pour devenir un juron de la vie quotidienne relativement inoffensif. On regrette l'intelligence de la traduction de 1973, qui en lieu et place proposait «Ta chienne de fille» (une expression bien plus en phase avec le véritable sens du film et qui n'occulte pas la connotation sexuelle de l'insulte).

Les suppléments se contentent d'une version light de la section de l'édition américaine 25ème anniversaire (bandes-annonces, notes écrites). Un morceau inédit attire néanmoins l'attention : un nouveau commentaire audio de William Friedkin dédié à ce remontage (et comme de coutume chez l'éditeur, non sous-titré en français). C'est avec une grande curiosité que nous enclenchons la piste afin de découvrir l'argumentaire du metteur en scène sur des choix de montage qu'il reniait il y a encore peu. Nous resterons bien entendu sur notre fin tellement Friedkin ne livre aucune explication sur ces nouveaux choix, paraphrasant ce qui se passe à l'écran. Pire, au détour de quelques initiatives analytiques, Friedkin se met à reprendre mot pour mot l'opinion de Blatty sur certains points de l'histoire. On croit vraiment rêver ! S'il y a bien un cas de possession authentique à relever, c'est bien celui de Blatty sur Friedkin. Un commentaire pathétique de corporatisme, à éviter histoire de garder encore un peu d'estime pour le bonhomme.

Inutile de tirer de nouveau sur l'ambulance, la version 2000 de L'EXORCISTE est une aberration particulièrement déprimante pour ceux qui apprécient les qualités et l'exigence de la version originale. Ce remontage aurait pourquoi pas trouvé une autre pertinence s'il avait été proposé en bonus sur un DVD dédié à l'original. Mais nous faire croire que la version 2000 est censée réparer des erreurs commises par la version de 1973 est un argument aussi désolant que pathétiquement commercial.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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L'édition vidéo
THE EXORCIST DVD Zone 2 (France)
Editeur
Support
DVD (Double couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
2h07
Image
1.85 (16/9)
Audio
English Dolby Digital 5.1
English Dolby Digital Stéréo
Francais Dolby Digital 5.1
Sous-titrage
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