Header Critique : EXORCIST : 25TH ANNIVERSARY EDITION, THE (L'EXORCISTE)

Critique du film et du DVD Zone 1
THE EXORCIST : 25TH ANNIVERSARY 1973

L'EXORCISTE 

On vous parle en détail de L'EXORCISTE, de ses origines littéraires à l'impact que ce dernier a eu dans le paysage cinématographique, à l'occasion de notre dossier sur le titre. Nous allons profiter de cette critique de cette édition américaine pour revenir sur l'étonnante mécanique de la peur instaurée par William Friedkin, fonctionnant bien au-delà des ramifications religieuses impliquées par le récit original.

L'incroyable efficacité de L'EXORCISTE vient dans un premier temps de l'alternance continue entre suggestion et horreur frontale. Choquant, transgressif, doté d'une certaine forme de complaisance, le film ne nous épargne rien lors de ses scènes fortes. Le faciès hideux de la jeune possédée est toujours filmé de manière crue et insistante, sans jamais s'économiser derrière un jeu d'éclairage ou des cadrages sélectifs contrairement aux films de monstres où la créature n'est révélée concrètement qu'à la toute fin. Cette notion de découpage froid et méthodique est conservée lors des scènes horrifiques, au plus grand mépris des tabous comme le montre la séquence du viol au crucifix et ses inserts éprouvants. Enfin, le film sort les grands moyens question effets spéciaux : lévitation, télékinésie, l'exorcisme final dans une chambre essuyant des intempéries à la limite de l'ouragan, ou encore quelques coquetteries grand guignol comme cette tête qui fait un tour complet sur elle-même (au plus grand mépris de l'univers réaliste dans lequel se déroule pourtant le film).

Ces scènes fortes provoquent indéniablement le malaise. Le maquillage éprouvant à soutenir de Dick Smith, l'ingéniosité du design sonore (voir le bruitage de la tête qui tourne), la crédibilité des comédiens, le tout allié à une mise en scène qui ne semble reculer devant rien constitue le cocktail d'insoutenable proposé par L'EXORCISTE. Mais, là où la plupart des films du genre utilisent ces éléments pour provoquer directement la sensation de peur, le film de Friedkin adopte une position différente. Ces dernières constituent des ondes de choc, des coups de poings au visage des spectateurs. La peur est alimentée quant à elle par l'attente de la prochaine scène choc, dans les interstices de la provocation. Une mécanique encore différente de celle du suspense, puisque ici l'horreur est permanente. Regan est possédée continuellement, enfermée dans sa chambre, la peur reposant sur l'attente de «voir» quelque chose.

On reproche parfois au film de ne pas fonctionner dans le suggestif pour créer l'angoisse. C'est bien entendu faux. La mise en scène de Friedkin sollicite en permanence l'imagination du spectateur. L'exemple récurrent et finalement le plus représentatif de L'EXORCISTE, ce sont ces lents travelling avant sur la porte fermée de la chambre de Regan. Des plans très épurés, presque muets, qui nous mettent littéralement à la porte de l'horreur avec l'angoisse de l'entrouvrir. Un grand moment de sursaut intervient également lorsque Karras écoute un enregistrement sonore issu de l'une de ses discussions avec la jeune possédée. Un enchevêtrement de voix diverses, qui ne provoquaient pas la peur lorsqu'elles sortaient justement de la bouche de Regan, mais qui prennent une tournure très inquiétante dès lors qu'elles retentissent dans la banalité de l'appartement de Karras. Le son privé de l'image nous oblige à reconstituer mentalement les visages des âmes torturées s'exprimant tour à tour sur la bande. Plus concrètement, les deux meurtres commis par Regan possédée interviennent hors champs, nous laissant le soin de compléter nous-mêmes ces ellipses volontaires.

Quant au moment le plus fort du film, celui qui nous glace le sang à chaque vision, il s'agit de l'image quasi subliminale du visage du démon lors de la séquence onirique du père Karras. Mise en scène de manière expérimentale pour l'époque, cette scène alterne des images symboliques de l'histoire (le médaillon du père Merrin, une pendule) au milieu d'une figuration d'un drame humain (la mère de Karras s'engouffre dans une bouche de métro sans entendre les cris de ce dernier, symbolisant la détresse de la vieille femme se sentant abandonnée dans sa chambre d'hôpital). Le plan subliminal intervient dans cette mosaïque, un faciès blanc perdu au milieu d'un cadre noir, apparaissant dans un silence presque total. Friedkin parvient de ce fait à provoquer la peur par une image que nous voyons à peine, mais que nous ressentons pleinement grâce à l'émotion mise à nue révélée par cette terrible figuration morbide entre un fils et sa mère.

L'EXORCISTE est donc une mécanique très précise, très audacieuse, jouant avec son spectateur avec une efficacité désarmante. Mais le coeur du métrage est plus dur encore. Comment le film peut-il fonctionner de manière aussi incisive tandis que ce dernier utilise un récit religieux qui devrait vraisemblablement exclure ceux qui ne partagent pas l'obédience ? Plus que pour son récit de bien et de mal finalement assez banal, L'EXORCISTE se dote d'un discours très dur sur un sujet encore tabou aujourd'hui : la difficulté d'assumer ses proches dans la dégénérescence mentale et physique. La sous-histoire du père Karras, ce dernier étant en pleine confusion par rapport à sa mère sur le point de mourir, nous sert de mise en bouche au drame principal.

Le noyau du film, la possession de Regan et le désarroi de Chris, est une métaphore du drame de l'enfant succombant à une maladie mentale grave et de la mère n'ayant pas la force de l'accepter et de vivre avec. Un sous-texte d'autant plus évident qu'il prédomine toute la première moitié du film, lorsque aucun phénomène totalement surnaturel ou démoniaque n'a encore fait son apparition dans la pathologie de Regan. Bien entendu, comme le film s'appelle L'EXORCISTE, il sous-entend immédiatement la finalité du changement de comportement de la fillette (l'introduction en Irak sert également à poser le récit sur une base religieuse). Mais ce discours sur la maladie est toujours présent de manière diffuse, un sous-entendu évident mais fonctionnant plus sur le ressenti que sur l'intellectualisation, et qui alimente en grande partie la sourde angoisse provoquée par cette histoire de possession remarquablement étendue hors des sentiers du fantastique religieux. La fin du film, heureuse en surface, porte ainsi les stigmates d'une douleur qui ne s'effacera que très difficilement.

Edité via de nombreuses éditions et rééditions, L'EXORCISTE de 1973 est à conseiller au travers du disque américain édité pour les 25 ans du titre. L'image, nettoyée pour l'occasion, est d'une qualité très satisfaisante (bien qu'inférieure à la remasterisation du remontage effectué en 2000, en terme de propreté et de grain). On regrettera juste que cette version conserve le morphing sur le visage du père Karras. Un gadget superflu, rajouté par Friedkin lui-même à l'occasion de la première sortie du film en DVD, et qui nous prive d'un des "cut" de montage les plus mémorables du cinéma. La piste originale en stéréo est présente, mais l'édition en propose un remixage en 5.1. Très convaincante, sans pour autant être écrasante, cette piste est une alternative qualitative qui redonne un petit coup de fouet à des séquences que beaucoup connaissent déjà par coeur. A noter que le disque flatte les francophones avec la présence de sous-titres sur le film, ou encore de l'excellente version française en stéréo d'origine.

Les bonus sont bien entendu nombreux : archives de bandes-annonces, dessins de production, résumé écrit de l'histoire vraie ayant inspiré le film, et même William Friedkin en personne qui nous présente le film depuis son salon. Plus consistant, nous nous arrêterons en premier lieu sur le commentaire audio de Friedkin. Très pointu sans pour autant être trop technique, le metteur en scène décortique le film pièce par pièce, justifiant ses choix artistiques tout en relevant moult détails visuels ou narratifs. Friedkin a visiblement longuement préparé ce commentaire tant le propos apparaît comme un cours magistral et définitif sur L'EXORCISTE.

L'édition propose un deuxième commentaire cette fois avec William Peter Blatty. Contrairement à la piste de Friedkin, Blatty ne fait pas de commentaires à l'image mais semble répondre à une longue interview où l'on aurait supprimé les questions. L'auteur revient avec énormément de détails personnels sur la genèse du livre et du film, tout en s'épanchant sur le résultat final qu'il considère dénaturé (l'homme est particulièrement gêné que le film puisse laisser croire que le mal puisse être vainqueur). Des propos intéressants à conseiller avant tout aux passionnés, tant les grandes lignes des propos de Blatty nous sont déjà familières. A noter que le commentaire s'arrête au bout d'une cinquantaine de minutes pour laisser place à une série de tests sonores de la voix de Regan possédée qui s'étalent sur une vingtaine de minutes.

Nouvel arrêt d'importance, le fameux documentaire de la BBC The Fear of God. Sur plus d'une heure, ce dernier remonte tout l'historique du film et sa tumultueuse production. Très riche en interviews (personne ou presque ne manque à l'appel), le documentaire nous montre surtout des images inédites passionnantes. Des tests non retenus de maquillage par Dick Smith jusqu'aux légendaires scènes coupées comme la visite des monuments de Washington de Chris et Regan ou encore la fameuse séquence de l'araignée. Ceux qui auront visionné la version 2000 de L'EXORCISTE auront déjà eu un avant-goût de cette dernière scène, à la différence près que nous sommes en présence ici du montage original. Dans la version 2000, la scène s'achevait sur une image de Regan, la tête en bas, ouvrant une bouche pleine de sang dans un cri strident. Ici, Regan va jusqu'à se redresser en bas de l'escalier afin de déployer une langue hypertrophiée sur les jambes de sa baby sitter. En résumé, un excellent documentaire bourré d'informations et de découvertes, mais qui souffre de quelques bémols. En premier lieu, produit télévisuel oblige, il faudra supporter les fréquentes relances du présentateur maison. Ensuite, le documentaire se complait un peu trop sur des sujets tape à l'oeil, comme la fameuse "malédiction" qui aurait pesé sur le métrage.

Enfin, même si quelques propos sont présents dans The Fear of God, l'édition propose des images supplémentaires de la discussion opposant William Friedkin et William Peter Blatty au sujet du montage. En 25 ans, Blatty n'a cessé de reprocher à Friedkin certains de ses choix, et Friedkin n'a cessé de maintenir fermement ses positions comme il le fait ici. Un supplément tristement amusant, lorsque l'on sait que Friedkin changera brusquement de bord seulement quelques mois plus tard.

Au risque de se répéter, L'EXORCISTE est un chef d'oeuvre du genre. Un film d'excellence qui frappe longuement et durement les esprits, aussi bien dans ses scènes chocs que dans ses terribles sous-entendus narratifs. Toujours aussi terrifiant, L'EXORCISTE est d'autant plus précieux qu'il paraît évident que de nos jours, aucune production de ce niveau ne pourrait rivaliser avec son audace.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
49 ans
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287 critiques Film & Vidéo
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Un chef d'oeuvre toujours aussi terrifiant
Une excellente édition, notamment pour les francophones
Le documentaire The Fear of God
On n'aime pas
Dommage que la version conserve le morphing superflu sur le Père Karras
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L'édition vidéo
THE EXORCIST DVD Zone 1 (USA)
Editeur
Support
DVD (Double face - simple couche)
Origine
USA (Zone 1)
Date de Sortie
Durée
2h02
Image
1.85 (16/9)
Audio
English Dolby Digital 5.1
Francais Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Anglais
  • Français
  • Supplements
    • Commentaire audio de William Friedkin
    • Commentaire audio de William Peter Blatty et tests d’effets sonores
    • The Fear of God (77mn02)
    • Présentation du film par William Friedkin (2mn12)
      • Interviews de Friedkin et Blatty
      • The Original Cut (0mn58)
      • Starway to Heaven (5mn41)
      • The Final Reckoning (2mn32)
      • Fin originale (1mn44)
    • Dessins de production et storyboard (2mn47)
    • Fiche technique
    • Liste des récompenses
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