Header Critique : GREAT YOKAI WAR, THE (YOKAI DAISENSO)

Critique du film et du DVD Zone 3
THE GREAT YOKAI WAR 2005

YOKAI DAISENSO 

Tadashi est un jeune garçon ayant déménagé à la campagne avec sa mère et son grand-père. Mal dans sa peau suite à la difficulté d'adaptation qu'il subit, Tadashi est choisi lors d'une soirée folklorique comme le «Kirin Rider» (gardien des esprits). Un rôle qu'il prend d'abord à la légère avant de s'apercevoir que les monstres et esprits, les Yokais, existent bel et bien. Alors qu'un humain malfaisant kidnappe ces même Yokais pour les transformer en machines destructrices en vue d'asservir la Terre, Tadashi va devoir unifier le monde des esprits et mener une gigantesque bataille.

Sous leurs aspects délirants et grotesques, les Yokais sont issus du véritable folklore japonais. Un folklore qui ne plaisante pas avec ses monstres puisque chacun possède un nom, une histoire, et fait partie d'un clan composé d'autres Yokais clairement définis. Une incroyable minutie qui répertorie ainsi plus d'une centaine de personnages. Pour tenter de résumer ce qu'est un Yokai, on peut dire qu'il s'agit très largement d'un être surnaturel. Parfois doté de particularités physiques (certains étant mi-hommes mi-animaux) ou de capacités spéciales (comme de voler dans les airs), le Yokai n'est pour autant ni bon ni mauvais par nature. La société des Yokais possède donc ses héros et ses méchants, ses boute-en-train et ses personnages terrifiants, un formidable vivier pour l'imaginaire local.

C'est le mangaka Shigeru Mizuki qui met les Yokais à l'honneur en 1959 avec la bande dessinée Ge Ge Ge No Kitaro, l'histoire d'un enfant vivant entre le monde des humains et des Yokais. La réussite est telle que la télévision adapte le manga pour une série télé au succès phénoménal. C'est en 1968 que débute la saga «officielle» des Yokais au cinéma. THE HUNDRED MONSTERS de Kimiyoshi Yasuda est le premier film d'une trilogie culte, comprenant SPOOK WARFARE de Yoshiyuki Kuroda (le meilleur) et ALONG WITH GHOSTS de Yasuda et Kuroda. Le public visé est avant tout les enfants qui, loin de frissonner devant cette parade monstrueuse, se régalent et s'identifient à ce monde étrange. Une séquence de l'animé POMPOKO de Isao Takahata (qui narre les déboires des «tanukis», des ratons laveurs aux pouvoirs surnaturels) résume bien le rapport entre la population japonaise et les Yokais. Organisant un défilé de Yokais en plein Tokyo afin de terrifier les habitants (et ainsi freiner l'expansion industrielle de la ville), les tanukis constatent stupéfaits que parents et enfants s'émerveillent à l'unisson de la monstrueuse parade ! Une séquence qui résume l'incroyable goût des japonais pour le grotesque.

Pour fêter les 60 ans de la Kadokawa, le studio décide de lancer un remake à gros budget de SPOOK WARFARE (le film faisant partie du catalogue de la Daiei que la Kadokawa a rachetée). L'occasion de remettre au goût du jour les Yokais souvent délaissés par le cinéma, tout en profitant des évolutions technologiques en matière d'effets spéciaux. Baptisé YOKAI DAISENSO alias THE GREAT YOKAI WAR, le film marche sur le concept d'un GODZILLA FINAL WAR de Ryuhei Kitamura : sur un scénario (d'apparence) prétexte, le métrage condense l'intégralité des monstres répertoriés pour une surenchère jouissive et régressive. En occident, THE GREAT YOKAI WAR serait à n'en point douter passé plus inaperçu si ce dernier n'était pas réalisé par Takashi Miike, le fou derrière les pétages de plombs cinématographiques les plus corsés de ces dix dernières années, et qui s'essaie depuis quelque temps à un cinéma plus familial. Ce nouveau film s'inscrit donc dans la lignée directe de ZEBRAMAN et de son hommage nostalgique aux Sentaïs (le super héros nippon). Les spécialistes remarqueront quant à eux un autre grand nom au générique du film puisque Hiroshi Aramata est crédité au scénario (l'homme est responsable de la nouvelle et du script de MEGALOPOLIS de Rin Taro).

THE GREAT YOKAI WAR débute de manière assez classique en mettant en scène un jeune garçon totalement mis à l'écart de son environnement : on se moque de lui en classe, il n'arrive pas à communiquer avec sa famille (il n'ose même pas tenir la main de son grand-père en se promenant). Un type de personnage que l'on retrouve beaucoup dans le cinéma japonais de ces dernières années (ce qui en dit malheureusement long sur la jeunesse japonaise). Heureusement, le récit initiatique qui s'ensuivra n'a pas pour ambition de nous jouer du violon mais de délivrer un message pertinent à la jeune génération. Citadin, le jeune Tadashi a développé une timidité maladive suite à la pression du Japon industrialisé. Lorsqu'il s'exile à la campagne et découvre la société des Yokais, Tadashi est confronté pour la première fois aux véritables racines de sa culture. D'abord effrayé, le garçon va apprivoiser sa peur en apprenant le fonctionnement de cette étrange société pour ensuite devenir une pièce indispensable au bon déroulement de cette dernière.

Cette dualité entre le Japon naturel et traditionnel (le monde des Yokais) en opposition avec le Japon urbain et moderne (le monde des humains) est de plus appuyé par les odieuses actions du méchant de service, Kato (un homonyme du démon de MEGALOPOLIS, qui plus est vêtu d'un costume très similaire), un humain désirant asservir le monde. Aidé dans sa tache pour un(e) Yokai amoureuse de lui (la très «hype» Chiaki Kuriyama, la lanceuse de «boule» de KILL BILL), ce dernier a inventé une machine qui transforme les Yokais en robots destructeurs. En d'autres termes, le méchant est un odieux promoteur qui sacrifie sa propre culture et la richesse de son folklore à une industrialisation massive et sans âme. Pour que le message soit bien compris, Kato envahit Tokyo dès la moitié du film, laissant derrière lui un paysage désolé de décombres pollués. A l'instar de beaucoup de films fantastiques ou de science-fiction japonais, THE GREAT YOKAI WAR mise de nouveau sur le thème de l'écologie et du rappel aux racines. Un point de vue qui commence à devenir un peu cliché, mais qui a pourtant entièrement sa place ici.

Mais venons en au fait. Si THE GREAT YOKAI WAR est une réussite trépidante, c'est avant tout parce qu'il laisse grandement la place à sa parade de monstres. Le spectateur coutumier des films de 68 retrouvera avec un plaisir intact Kappa (l'espèce d'homme-tortue-canard), la femme au cou s'allongeant démesurément, et surtout Karakasa, l'ombrelle à un œil qui se déplace en sautillant sur une jambe. Bien entendu, ce bestiaire est considérablement grossi grâce à l'ajout de Yokais inédits à l'écran (mais pour autant répertoriés dans la culture nippone). Pour nous pauvres occidentaux, ce bestiaire est d'une richesse grotesque hors norme, et l'on se frotte à plus d'une reprise les yeux devant certains designs totalement improbables (comme cette masse verte composée d'yeux, ou encore ce furieux général à tête de porcelaine). En guise de clin d'œil, Miike se permettra même de rajouter quelques monstres issus de son propre cinéma dans quelques coins discrets de l'écran. Aussi apercevons-nous l'homme à tête de vache de GOZU ou encore l'extra-terrestre à crâne de crabe de ZEBRAMAN.

Doté d'un rythme et d'une imagination folle, d'une interprétation de haut niveau où se mélange vétérans (dont l'éternel complice Naoto Takenaka) et nouveaux venus (mention spéciale au très jeune Ryunosuke Kamiki), il est difficile de ne pas se montrer conquis devant THE GREAT YOKAI WAR. Miike a beau faire un blockbuster familial japonais, son film ne ressemble à nulle autre. L'homme met à profit son sens du délire pour nous concocter des moments franchement hilarants et barrés, d'un voyage accroché aux ailes d'un avion à une petite créature vulnérable se défendant grâce à ses jets d'urine. Bien que destiné à un public enfantin, Miike ose l'érotisme dès qu'il s'agit de peindre ses deux principaux personnages féminins. Un érotisme antagoniste pour caractériser les deux rivales : cru et agressif avec Chiaki Kuriyama (qui n'a de cesse de nous dévoiler sa petite culotte), doux et pudique avec Kawahime / la princesse des eaux (dont certains plans de «jambe humide» ne sont pas sans rappeler ONIBABA de Kaneto Shindo). Les effets spéciaux, très nombreux, sont utilisés avec une décontraction désarmante. On est ici très loin de l'école photo réaliste. Certains monstres sont d'un joyeux caoutchouteux, voir revendiquent fièrement leur statut de marionnettes animées «en chaussette», et les effets numériques n'hésitent pas à jouer l'expérimentation (comme les robots se mouvant de manière saccadée, pour mimer de la rudimentaire stop motion). Ce festival pour les yeux et les oreilles n'empêchera pourtant pas le film de se conclure dans la douceur d'un dialogue au milieu d'une rue déserte. Il ne suffit pas de mener une guerre pour passer à l'âge adulte, mais juste de savoir qui l'on est.

THE GREAT YOKAI WAR est disponible en édition chinoise avec des sous-titres anglais à la fois sur le film ainsi que sur ses nombreux bonus. Doté d'un packaging plutôt luxueux, le film se pare de caractéristiques techniques parfaites. L'image est au format et ne souffre d'aucun défaut. Le film est proposé en Dolby Digital 5.1 ou DTS, mention spéciale pour cette dernière qui risque d'ébranler votre salon sous la fureur sonique de certaines scènes.

Un deuxième disque de bonus propose une interactivité très copieuse (plus de trois heures), hélas répertoriée dans un fourre-tout qui confine à l'anarchie. Nous trouvons pèle mêle différents sketches avec des Yokais tournés en vidéo. Si certains sont quasi irregardables, la longue séquence où Kappa est placé en garde-à-vue au poste de Police a le mérite d'être amusant malgré ses forts relents de série Z. Ensuite, plusieurs modules nous font revivre la communication autour du film, des différentes conférences de presse à l'avant-première japonaise où la tradition exige que l'équipe fasse état d'une courte présentation avant la projection. Redondants et très ciblés, ces reportages ne risquent d'intéresser que les journalistes spécialisés et minutieux.

Plus intéressants, de longs Making Of donnent la parole aux auteurs du film dans des interviews fleuves mélangées à des images de tournage ou de production. Un premier documentaire recueille la parole des interprètes principaux. Chacun détaille son expérience, entre séance de maquillage interminable et tournage complexe sur fond bleu, tout en livrant très sérieusement son opinion sur les Yokais et leur éventuelle existence. Nous n'y apercevrons pas le jeune Ryunosuke Kamiki car un module de près d'une demi-heure lui est entièrement consacré. S'ouvrant dans l'enceinte du prestigieux festival du film de Berlin où THE GREAT YOKAI WAR fut présenté, le reportage suit les traces de ce jeune inconnu projeté du jour au lendemain à la tête d'un film à gros budget. Comme le dit très justement Miike au détour d'une conférence de presse, le film est autant le récit initiatique du jeune acteur que de son personnage.

Takashi Miike, justement, est interviewé à l'intérieur d'un autre documentaire consacré à l'équipe derrière la caméra. Avec une sorte d'amusement, nous assistons à l'inquiétude d'un homme qui a passé une année entière sur un seul film alors qu'il en enchaîne d'habitude au moins trois ou quatre par an ! Ce qui nous permet de déduire entre les mots que la carrière prolifique de l'homme est la conséquence d'une touchante peur de l'échec. Dans sa deuxième moitié, le module enchaîne les interviews des créateurs des monstres. Des designers exposant leurs fabuleux dessins, des maquilleurs prosthétiques aux graphistes 3D, les effets spéciaux sont longuement et fièrement représentés pour notre plus grand intérêt. Enfin, une fine archive répertoriant des photos de kilotonnes de Yokais est présente.

En abordant une filmographie plus consensuelle (ONE MISSED CALL alias LA MORT EN LIGNE) ou familiale (ZEBRAMAN), Takashi Miike enchaîne les succès critiques et commerciaux. THE GREAT YOKAI WAR est une nouvelle réussite ciblée tout public, où l'imagination folle du réalisateur fait des étincelles face au folklore encore plus dément des Yokais. A voir d'urgence pour les amoureux de la culture japonaise, ou encore à ceux qui pensent encore que le cinéma familial est synonyme de films lisses et attendus.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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Une marée de yokais à l’écran !
Le délire ambiant qui n’exclut pas une mise en perspective intelligente
Des sous-titrages sur les suppléments
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La section bonus est un vrai fourre-tout
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L'édition vidéo
YOKAI DAISENSO DVD Zone 3 (Chine-Hong Kong)
Editeur
Support
2 DVD
Origine
Chine-Hong Kong (Zone 3)
Date de Sortie
Durée
2h04
Image
1.85 (16/9)
Audio
Japanese DTS 5.1
Japanese Dolby Digital 5.1
Cantonese Dolby Digital 5.1
Sous-titrage
  • Chinois
  • Anglais
  • Supplements
    • Another story of Kawataro (16mn11)
    • Interview with main cast (50mn03)
    • World yokai conference (12mn51)
    • Visual records of promotion (17mn23)
    • Short drama of yokai (13mn39)
    • Documentary of Ryunosuke Kamiki (27mn05)
    • Making of Yokai movie (41mn17)
    • The introduction of Yokai
      • Biographies
      • Takashi Miike
      • Ryunosuke Kamiki
      • Chiaki Kuriyama
      • Naoto Takenaka
      • Etsushi Toyokawa
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