Header Critique : ROSTO AD'S MIND MY GAP : SHORT FILMS TRILOGY

Critique du film et du DVD Zone 0
ROSTO AD'S MIND MY GAP 2005

SHORT FILMS TRILOGY 

D'origine hollandaise, Rosto est un artiste touche à tout et multi-supports, dont la force de l'univers graphique n'a d'égal que son impénétrable opacité. Graphiste et artiste vidéo, l'homme est tout d'abord musicien, et les chansons de son groupe de punk rock The Wreckers lui servent de base d'inspiration. Outre la réalisation des clips du collectif, Rosto met en scène sa musique dans des histoires qui en sont le prolongement direct, voire même une excuse à leur création. Le DVD que nous avons entre les mains est la réunion de ses trois oeuvres phares, soit une trilogie de courts-métrages d'animation tirés de sa bande dessinée fleuve (et bicéphale) Mind My Gap.

Mais plus qu'une bande dessinée, Mind My Gap est une « nouvelle graphique », soit une oeuvre dont le déroulement et l'intérêt sont soutenus davantage par le style et les inventions graphiques que par une narration dite classique. Mélangeant dessins et photographies, les techniques et les rendus, Mind My Gap s'inscrit dans la lignée des travaux de David Mack avec la série des Kabuki pour ne citer qu'un exemple des plus populaires. Diffusé par épisodes dans une revue allemande (via deux séries diffusées en parallèle), Mind My Gap est adapté en animation en flash sur le site officiel de la société de production de l'artiste (www.rostoad.com).

La prochaine étape était, bien évidemment l'adaptation de Mind My Gap pour le grand ou petit écran. Bien que présenté en dernier dans le menu DVD de l'anthologie, le premier court tiré de la bande dessinée est BEHEADED. D'une durée de trois minutes, le film fut produit pour une diffusion télévisuelle en 99. Bien évidemment, Rosto ne cherche pas à adapter fidèlement l'histoire et les personnages de Mind My Gap puisque BEHEADED ne fait référence qu'à un court fragment de la BD totalement anecdotique. Le film s'ouvre sur un enfant se réveillant en pleine nuit pour apercevoir au travers de sa fenêtre une étrange créature se faire couper la tête. Fin du film ! Cette même tête va rouler jusqu'à un puit psychédélique sans fond pour y interpréter la chanson du générique de fin. Une conception étrange du mouvement cinématographique, ou quand les crédits finaux font plus office de film que le film lui même !.

Le concept d'histoire est bien évidemment à proscrire de cet essai. Rosto mise sur l'ambiance, l'univers, et sur une poignée de thèmes qui se répèteront dans ses prochaines oeuvres (une vision noire de l'enfance, le regard, le rapport entre le rêve et la réalité – l'un n'étant pas celui que l'on croit et vice-versa). Adoptant dans un premier temps la technique de la rotoscopie (on redessine par-dessus une image filmée avec des comédiens), BEHEADED part ensuite dans une animation moins identifiable, à la croisée du volume et du numérique. Notamment grâce à sa chanson articulant tout le film, on pourrait penser à un sketch animé de FORBIDDEN ZONE de Richard Elfman.

Réalisé en 2002, THE RISE AND FALL OF THE LEGENDARY ANGLOBILLY FEVERSON sera le film qui pointera l'attention sur le travail animé de Rosto. Reprenant véritablement cette fois deux personnages de Mind My Gap (dont l'un est joué par l'artiste), le métrage les met en scène autour d'un feu à la nuit tombée. Tandis que l'un veut se supprimer, l'autre lui suggère de tirer dans le ciel afin d'y faire un trou pour s'y enfuir. Pour appuyer cette étrange idée, le personnage nous raconte l'histoire de Anglobilly Feverson, un homme (?) qui a justement tenté d'aller au-delà du ciel de cette manière.

De par son parti pris de conte poétique, ANGLOBILLY FEVERSON est sans aucun doute le court le plus accessible de cette anthologie. Assez uniforme en terme de narration, le film est par contre visuellement très «éclaté». Mélangeant les techniques entre photos et dessins, la 2D et la 3D, les textures et les rendus, le visuel (somptueux) du film n'est pas sans rappeler l'univers de Dave McKean (illustrateur en chef des bandes dessinées Sandman par Neil Gaiman et réalisateur du film hybride MIRRORMASK). La courte durée du film, 8 minutes, permet ainsi de profiter de cet étrange voyage sans sentir poindre l'ennui d'un scénario assez abstrait. Le film remportera un franc succès dans les festivals, comme à Rotterdam où son buzz démarra.

Grâce au succès de ANGLOBILLY FEVERSON, Rosto continue son exploration cinéma de Mind My Gap avec une nouvelle adaptation là encore dédiée à un fragment anecdotique de la BD. Terminé en 2005, JONA/TOMBERRY est le court le plus somptueux visuellement mais aussi le plus abscons. Partagé entre rêve et réalité, le film voit un personnage apercevoir au travers du carreau cassé de son appartement sa propre destinée face à un bébé mi-humain mi-poisson. Inutile d'essayer vainement de résumer plus précisément ce récit qui n'en est pas vraiment un, écartelé entre les références à l'oeuvre originale et l'hyper symbolisme (lié au miroir), et dont la réception chez le spectateur se veut plus viscérale qu'intellectuelle.

Mélangeant toujours très habilement les techniques (les corps sont lives mais les visages et les décors sont en 3D), JONA/TOMBERRY se veut un nouveau poème visuel noir et tétanisant où rêve et réalité se télescopent sans fin dans des motifs de répétitions induits par la thématique du miroir et sa réflexion infinie. Si la formidable cohérence de l'univers, sa beauté vénéneuse, sa musique envoûtante et ses trouvailles plastiques remportent immédiatement l'adhésion, on est vite perdu dans le maelström du récit labyrinthique de son auteur. Heureusement, la courte durée du film (12 minutes) permet là encore à l'ennui de ne pas phagocyter l'expérience de cette oeuvre inclassable. Présenté avec succès au dernier festival de Cannes (où il remporta le prix du court remis par Canal +), JONA/TOMBERRY fut nominé à l'Oscar hollandais du meilleur court-métrage sans toutefois remporté le prix.

Rassemblé au sein d'un DVD au packaging somptueux, la trilogie des courts de Mind My Gap est présentée dans des conditions techniques irréprochables. Images impeccables rendant parfaitement justice au travail artistique des oeuvres, et son en stéréo et 5.1 au choix. Outre un livret informatif luxueusement illustré, l'édition se pare de nombreux suppléments afin de compenser la faible durée des trois films.

Premier point non négligeable, chaque film possède son propre commentaire par Rosto. Si l'auteur ne lève bien évidemment pas le voile sur certains points de ses histoires (lui-même avoue qu'il n'y a pas de logique lors de certaines séquences), il donne malgré tout quelques clefs intéressantes pour percer plus facilement son univers. Vu la faible durée des courts-métrages, il est donc tout à fait recommandable de revisionner les films avec le commentaire afin de se donner quelques prises sans pour autant minorer le mystère ambiant.

Work To Live Live To Work

Ensuite, chaque court de la trilogie possède des bonus dédiés, comme un story-board animé sur ANGLOBILLY FEVERSON, une présentation de JONA/TOMBERRY par le propre fils de l'artiste, et surtout un long Making Of dédié à ce dernier film. Compilant les vidéos disponibles sur le site internet du métrage, le documentaire commence bizarrement en dédiant son premier tiers à la musique du film et le design sonore. Un choix étrange et assez peu intéressant compte tenu de la suite du reportage, qui s'attarde longuement sur le tournage (les corps des comédiens sont filmés sur fond bleu) et le travail graphique et d'animation (les têtes sont rajoutées en 3D depuis des sources vidéos de référence). Une production qui fut visiblement très laborieuse mais qui, résumé sur une vingtaine de minutes, devient passionnante.

The Four Trailers of Dogs

Une section indépendante nous propose de poursuivre notre découverte de l'artiste via une compilation de ses vieux travaux. THE FOUR TRAILERS OF DOGS sont quatre courts modules totalement expérimentaux qui firent partie d'une installation vidéo. Tout aussi difficile d'accès est WORK TO LIVE LIVE TO WORK, une petite fable sur les rapports sociaux de deux personnages sur une île sommairement industrialisée. Si l'histoire est toujours anecdotique, le court souffre en revanche d'un rendu visuel beaucoup moins attachant que les oeuvres futures de Rosto.

The Wreckers

Enfin, le disque compile plusieurs vidéos du groupe The Wreckers, des clips branquignols et artys où surnage une courte séquence où l'artiste redessine les visages du groupes sur des images de japanimation.

Dans leur refus d'une narration un tant soit peu classique, les trois courts issus de l'oeuvre protéiforme Mind My Gap sont à conseiller en premier lieu aux amateurs d'animation underground ou avant-gardiste, les seuls spectateurs qui sauront se nourrir du formidable travail plastique des films sans ressentir la frustration de se perdre dans leurs univers «sans fond». C'est bien simple, si vous vous sentez fasciné par les images accompagnant cet article, alors foncez découvrir l'étonnant travail de cet hollandais indomptable.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
49 ans
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287 critiques Film & Vidéo
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Un univers fascinant
Un superbe travail plastique qui mélange les techniques
On n'aime pas
L’auteur tourne complètement le dos à la narration
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L'édition vidéo
ROSTO AD'S MIND MY GAP : SHORT FILMS TRILOGY DVD Zone 0 (France)
Editeur
Chalet Pointu
Support
DVD (Double couche)
Origine
France (Zone 0)
Date de Sortie
Durée
25 mn
Image
1.78 (16/9)
Audio
English Dolby Digital 5.1
English Dolby Digital Stéréo
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
      • Courts-métrages
      • Beheaded (3mn07)
      • Anglobilly Feverson (9mn44)
      • Jona/Tomberry (12mn07)
    • Commentaires audio de Rosto sur les trois films
    • Moving Storyboard sur Anglobilly Feverson (6mn29)
    • Présentation de Jona/Tomberry (1mn30)
    • Making of de Jona/Tomberry (49mn12)
      • Early Work
      • The Four Trailers of Dogs (8mn03)
      • Work to Live Live to Work (4mn55)
      • Vidéos clips
      • The Wreckers : Whip in my Valise (5mn07)
      • Together in a Car (6mn50)
      • Sing ! (0mn39)
      • Animatin’ Folley (3mn33)
      • Bandes-annonces
      • Anglobilly Feverson
        • Jona/Tomberry
        • Baby-trailer
        • Whale-trailer
    • Slideshow Mind My Gap (2mn30)
    Menus
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