Richard Elfman commence dans le show-biz en tant que musicien de jazz, avant de rencontrer, dans un festival de théâtre, le metteur en scène français Jérôme Savary. Celui-ci l'invite à rejoindre sa troupe, le Grand Magic Circus, et Richard accepte. Cela lui permet, entre autres, d'offrir à son frère, Danny Elfman sa première tournée en tant que musicien professionnel au sein de ce groupe. Finalement Richard retourne dans sa ville natale de Los Angeles, où il monte une nouvelle troupe farfelue : The Mystic Knights of the Oingo Boingo, un collectif de douze acteurs-musiciens spécialisé dans les pastiches et les reprises délirantes d'anciennes chansons populaires.
Finalement, Richard Elfman commence à filmer en 16mm douze numéros musicaux interprétés par cette troupe, regroupés sous l'intitulé THE HERCULES FAMILY. Comme le travail progresse, il décide de passer au 35mm et, finalement, de construire un film entier autour de ces sketchs : FORBIDDEN ZONE se met ainsi en place. Réunissant la plupart des membres de The Mystic Knights of the Oingo Boingo (dont Marie-Pascale Elfman, l'épouse de Richard, Danny Elfman, qui compose aussi la bande originale du film, Matthew Bright, par ailleurs co-scénariste…), ce long métrage s'offre aussi la présence de comédiens plus connus : Susan Tyrrell, nominée aux Oscars pour LA DERNIERE CHANCE de John Huston…), Hervé Villechaize (L'HOMME AU PISTOLET D'OR, la série L'ILE FANTASTIQUE…) ou Joe Spinell (MANIAC…)…
Ma et Pa Hercules achètent une maison un peu spéciale, ayant la particularité d'ouvrir, dans sa cave, sur la sixième dimension. "Frenchy" Hercules, qui revient de France où elle a fait ses études, se jette par curiosité dans le passage dimensionnel. Elle y découvre un royaume étrange, dirigé par le roi Fausto et la reine Doris…
Difficile d'établir un résumé plus étoffé et plus précis des évènements se déroulant dans FORBIDDEN ZONE tant sa trame s'avère chaotique. En effet, celle-ci, brodée pour réunir divers passages musicaux préexistants, relève largement de l'improvisation. Prétexte à un mélange chaotique de genres, elle brasse comédie musicale, dessin animé, humour potache et science-fiction, et aboutit, au moins par ses intentions, à la rencontre iconoclaste entre les Monty Python, l'univers de John Waters et THE ROCKY HORROR PICTURE SHOW. A tout cela se rajoute des influences visuelles rétrospectives, comme les cartoons réalisés par Max Fleischer au cours de l'entre-deux guerres, ou les décors peints du CABINET DU DOCTEUR CALIGARI.
Les passages les plus réussis de FORBIDDEN ZONE sont, on s'en doute, les numéros musicaux et dansés, tous plus extraordinaires les uns que les autres. Ainsi, la célèbre scène dans laquelle le Diable, incarné par Danny Elfman, pastiche une chanson de Cab Calloway se distingue comme le pinacle du film. Mais il faut aussi retenir l'extraordinaire "Grand Finale" ou le délirant "Yiddish charleston" interprété par Richard Elfman. Reprenant des éléments des traditions populaires, comme le cabaret, le jazz ou la culture juive, ces séquences irrévérencieuses sont encore rehaussées par un violent penchant pour le mauvais goût et une liberté de ton étourdissante. Si on rajoute à cela des séquences d'animation bourrées d'inventions et des interprètes souvent savoureux (le couple extraordinaire, à la ville comme à la scène, formé par Hervé Villechaize et Susan Tyrrell), FORBIDDEN ZONE a décidément tout pour plaire.
Néanmoins, ce long métrage pâtit aussi de sa structure chaotique. Faute d'un fil conducteur solide, le récit se perd parfois dans un remplissage laborieux, et le mauvais goût, au lieu d'être réjouissant, part en roue libre pour des séquences de "vomi-caca-baise" lassantes. Les péripéties vécues par certains personnages, comme les frères Flash et Cramps, s'avèrent alors pénibles et peu drôles.
Inégal, FORBIDDEN ZONE séduit pourtant par sa liberté délirante et certaines séquences d'anthologie. Sa sortie se fait dans l'indifférence et Richard Elfman, dépité et ruiné, repart un moment en France. Avec le temps, FORBIDDEN ZONE connaît, heureusement, une véritable carrière de film-culte. Plus tard, un réalisateur nommé Tim Burton, grand fan de The Mystic Knights of the Oingo Boingo, offre à Danny Elfman la possibilité de signer sa seconde bande originale : PEE WEE BIG ADVENTURE. Le reste appartient à la légende !
Inédit en DVD jusqu'alors, FORBIDDEN ZONE se voit offrir par l'éditeur américain Fantoma un traitement de faveur. Ce disque (zone 1, NTSC) bénéficie d'un télécinéma 16/9 au format 1.78, offrant un noir et blanc de toute beauté, surtout si on veut bien se rappeler qu'il s'agit, au départ, d'une production aussi indépendante que fauchée. On ne repère aucune saleté, et les quelques rares petits problèmes de contraste passent pratiquement inaperçus. La compression est tout simplement invisible.
La bande-son bénéficie d'un nouveau mixage 5.1 tout à fait excellent. Certes, on aurait aussi aimé retrouver le mixage mono d'origine, mais le résultat, mettant surtout la musique en valeur, est des plus enthousiasmants. Dénué de duretés ou de parasites, il permet une écoute à fort volume, sans jamais provoquer de lassitude auditive. Un sous-titrage anglais pour malentendants est disponible en option.
En ce qui concerne les suppléments, Fantoma fait aussi du beau travail. Un commentaire audio réunit Richard Elfman et Matthew Bright pour une piste à la fois drôle et informative, comme on aimerait en entendre plus souvent. Une autre option sonore permet de visionner le film avec seulement la piste musicale.
Un "Making Of" de 35 minutes, réunit les frères Elfman et d'autres créateurs du film pour des entretiens détendus, ponctués par des extraits rares provenant d'enregistrements vidéos de spectacles de The Mystic Knights of the Oingo Boingo. Puis, on peut consulter deux numéros musicaux filmés en 16mm pour THE HERCULES FAMILY, dont une version de "Minnie the Moocher" (qu'on retrouve, filmé différemment, dans FORBIDDEN ZONE) et "Johnny", chanté en allemand par Marie-Pascale Elfman, séquence qui n'a pas été gardée dans le long métrage 35mm. Une section dédiée aux scènes coupées propose quinze minutes à l'intérêt variable : certaines séquences sont totalement inédites (dont le numéro musical "Cider Britzer Itzak"), tandis que d'autres proposent des versions très vaguement alternatives de ce qu'on voit dans le film.
On peut regarder le clip de la chanson "Private life", réalisé par Richard Elfman pour le groupe Oingo Boingo de Danny Elfman, en fait la mouture années 80 et new wave de The Mystic Knights of the Oingo Boingo. L'interactivité se conclut par la bande-annonce de FORBIDDEN ZONE, qui détourne sur un ton burlesque le célèbre slogan de LA DERNIERE MAISON SUR LA GAUCHE : "Keep repeating : it's only a movie, it's only movie" !
Curiosité provocatrice, FORBIDDEN ZONE est un petit monument de mauvais goût, et cette édition remarquable permet aux anglophones de redécouvrir dans d'excellentes conditions.