A la fin des années 60, l'industrie cinématographique espagnole se lance dans le cinéma d'horreur. Suivant ainsi de près les traces des Jesus Franco et Paul Naschy, Amando De Ossorio met alors en scène MALENKA, LA VAMPIRE avant de créer de toutes pièces la saga des Templiers. Une série de film qui se mit à ramper de manière macabre sur l'exhumation pour le grand écran des zombies depuis le succès de LA NUIT DES MORTS-VIVANTS. Après LA REVOLTE DES MORTS-VIVANTS, il continuera sur le même créneau en donnant trois suites à son film : LE RETOUR DES MORTS VIVANTS, LE MONDE DES MORTS VIVANTS et LA CHEVAUCHEE DES MORTS VIVANTS.
Les Templiers remontent à l'ordre des «Pauvres chevaliers du Christ et du Temple de Salomon» dont les historiens situent la création en 1118. De Ossorio, quant à lui, place ses créations au XIIIème siècle et leur donne des connaissances occultes. Dans leur quête de la vie éternelle, ils eurent ainsi recours à des sacrifices de jeunes femmes vierges les menant à boire leur sang. Ils furent ensuite exécutés pour leurs actes démoniaques et leurs corps exposés à la vue de tous. Là, les corbeaux énucléèrent les cadavres, les rendant aveugles à tout jamais. Mais en raison de leurs connaissances maléfiques, ils se mettent à sortir de leurs tombeaux toutes les nuits à la recherche de sang frais. En raison de leur passé, De Ossorio sort des sentiers battus de la zombification (vaudou, contamination...) et ajoute une dimension originale et historique à des récits pourtant très conventionnels comme on peut le voir au résumé de ce premier film...
En vacances avec son ami Roger, Virginia croise une ancienne camarade de classe, Betty, près de la piscine de l'hôtel. Ils décident de partir pique-niquer le lendemain mais jalouse d'une Betty trop entreprenante avec Roger qui ne se défend aucunement, Virginia saute du train en marche. Elle se réfugie dans les anciennes ruines de Berzano sans savoir que les templiers sortent chaque nuit en quête de chair fraîche...
L'intérêt de cette REVOLTE DES MORTS-VIVANTS réside tout d'abord dans son ambiance qui se voit renforcée par le lieu de désolation et de décrépitude qu'est le village de Berzano. En se rendant compte que Virginia n'est plus à bord du train, Betty et Roger l'arrêtent en se servant du frein d'urgence. En apercevant les ruines au loin, le conducteur est pris d'une peur panique et refuse de s'arrêter. Son appréhension est contagieuse et le spectateur se demande d'emblée ce qui repose en ce lieu. Le sentiment de menace est décuplé par la présence de cette femme seule et peu vêtue qui se promène parmi les ruines tandis que la nuit tombe. Les éclairages très travaillés donnent alors lieu à de belles images aux ombres menaçantes, le tout accompagné par une musique lente et hypnotisante composée de chants grégoriens qui achèvent de vous donner le frisson.
L'arrivée tant attendue de nos Templiers ne tarde pas et ne cause point de déception. De la fumée envahit l'ancien cimetière, les pierres tombales crissent en s'ouvrant avec lenteur, des mains squelettiques agrippent les bords et les voilà libérés de leurs lieux de repos. Leur avancée est lente et a donné lieu à de nombreuses réactions de la part des spectateurs, allant d'un sourire amusé à la franche rigolade. D'après le réalisateur, les Templiers évoluent dans un espace-temps différent du nôtre ce qui cause cette lenteur infernale, tant de leur part que de celle de leurs montures impressionnantes. Mais au delà de cet aspect que certains trouvent amusant, ces mouvements ralentis ajoutent une dimension onirique à l'ensemble tout en provoquant des scènes franchement surréalistes dès lors que les vivants tentent de s'enfuir sur les chevaux-escargots des Templiers.
Les templiers d'outre-tombe ont été confectionnés par José Gomez Soria dont ce fut le premier film et que l'on retrouvera sur d'autres productions du même genre (LA SAGA DE LOS DRACULA ou LA CASA DE LAS CHIVAS) au début des années 1970. Mais, malgré son inexpérience, force est de reconnaître qu'il a accompli un excellent travail sur le film d'Amando De Ossorio en insufflant la vie à ces chevaliers maudits. Leurs corps décharnés sous de longues capes à capuche recouvrant par moments leurs têtes en entier, rappelant certaines illustrations de la Mort elle-même, suscitent l'effroi auprès des victimes de ces templiers allant même, manifestement, jusqu'à les pétrifier sur place. Leur handicap, des orbites vides et noires leur privant la vision, ne pose aucun problème à ces créatures dont l'ouïe s'est développée leur permettant de localiser leurs victimes potentielles grâce au son. Ce qui occasionne au passage un pur moment de poésie macabre lorsque l'une des victimes se voit trahie par les battements affolés de son propre coeur.
Le rythme soutenu de la première demi-heure ralentit un peu lorsque nous suivons Betty et Roger dans leurs recherches. Il s'avère que l'assistante de Betty a grandi près de Berzano et sera à même de leur apporter quelques précisions. Ce sera toutefois le Professeur Caldano qui leur fournira les clés du mystère en leur révélant la véritable histoire des Templiers ce qui les conduira à se rendre aux ruines. Ils seront accompagnés par Pedro, le fils du Professeur, et accessoirement accusé du meurtre de Virginia dû à ses activités de grand banditisme, ainsi que de sa petite amie. Le scénario s'épaissit avec ces deux personnages, dont la présence se justifie, mais, au final, cela ne sert qu'à alimenter une sombre histoire d'échange de partenaires qui alourdit inutilement le récit. De Ossorio tente aussi d'insuffler un peu d'erotisme à son film, plus clairement illustré dans une scène de flash-back, lorsque Virginia se remémore sa relation plus qu'ambiguës avec une Betty décidément très entreprenante. A ce moment là, les sentiments violents de Virginia prennent une autre dimension puisque l'on ne sait plus si elle est jalouse de Betty ou de Roger. Mais tout cela paraît bien artificiel puisque cela ne servira finalement aucun véritable noeud de l'histoire. En effet, cette histoire de lesbienne refoulée et taciturne, dominée par ses émotions non assumées, est tuée dans l'oeuf durant les trente premières minutes du film…
Mis à part ces quelques maladresses, ce premier opus est une belle réussite autant au niveau de la mise en scène que de son propos. De Ossorio se disait fier de ses créations qu'il aurait aimé voir évoluer au-delà de son dernier chapitre. L'un de ses projets devait placer Paul Naschy dans son rôle de loup-garou face aux Templiers. Cet épisode aurait fait une connexion précise avec l'univers de Lovecraft, une idée qui prend d'ailleurs vie dans LA CHEVAUCHEE DES MORTS VIVANTS mais sans être pour autant clairement expliquée. Un autre projet aurait été de mettre en scène des Templiers sous-marins mordant les nageurs comme autant de requins affamés transformant les vivants en zombies. Deux entreprises que l'on pourrait qualifier de hautement intéressantes avec, bien sûr, un petit sourire en coin ! Malheureusement, le réalisateur devait alors faire face à une industrie cinématographique espagnole bien plus intéressée par des projets artistiques que par les Westerns ou les films d'horreur qui florissaient pourtant dans les années 1960 et au début des années 70. L'âge d'or du cinéma fantastique espagnol était déjà en train de s'éteindre et les budgets microscopiques alloués à De Ossorio lui causèrent de grandes frustrations, ce qui se ressent en particulier dans le troisième film de la série.
Anchor Bay avait déjà sorti, aux Etats-Unis, LA REVOLTE DES MORTS-VIVANTS en DVD, accompagné du RETOUR DES MORTS-VIVANTS, mais cette édition se bornait à recycler d'anciens transferts provenant de l'ère du Laserdisc. Les Allemands avaient eu droit à un coffret regroupant les quatre films mais en version allemande seulement ce qui n'était donc pas des plus attrayant. Heureusement, Blue Underground a charpenté un coffret en forme de cercueil réunissant l'intégralité de la saga dans laquelle il est alors possible de se replonger avec régal. Ici, nous ne verrons que le contenu du premier des cinq disques et nous vous conseillons de vous reporter à une cinquième fiche dédiée à l'ensemble du coffret "THE BLIND DEAD COLLECTION" et plus particulièrement son DVD bonus.
Pour cette nouvelle édition de LA REVOLTE DES MORTS-VIVANTS, Blue Underground n'a pas fait les choses à moitié. Le film est ainsi présenté au choix dans son montage américain, portant le titre TOMBS OF THE BLIND DEAD, ou dans sa version espagnole intégrale (LA NOCHE DEL TERROR CIEGO). Les différences sont édifiantes puisque sur l'on note un écart de 14 minutes entre les deux. La première différence se trouve au tout début. La version anglaise présente un prégénérique où nous voyons le sacrifice d'une femme. Dans la version espagnole, ces mêmes images figurent en tant que flash-back, mais dans un montage différent et surtout intégral avec un niveau de gore et de nudité plus élevé. On note aussi que certains dialogues en anglais ne figurent pas ici. L'introduction de la version espagnole se limite à un générique se terminant sur l'image d'une main squelettique et une femme qui hurle... Efficace aussi dans un autre genre.
Les autres différences se situent bien sûr au niveau de la violence qui a été largement édulcorée pour nos amis anglo-saxons, comme il est de coutume de la part de leurs comités de censure respectifs. Il serait fastidieux d'énumérer les coupes à la seconde près, sachez alors qu'il manque une bonne partie du flash-back de Virgina et que tous les plans où les Templiers attaquent ont été sévèrement réduits, ce qui rend quasiment poussiéreux un film déjà peu sanglant au départ. Il va de soi que la version anglaise n'est pas à regarder en premier, voire même pas du tout.
Le son est présenté uniquement en mono mais la piste présente une clarté irréprochable. Les dialogues sont clairs, les bruitages précis et nul besoin d'avoir un doigt sur le bouton de la télécommande sans cesse pour monter ou baisser le son à cause d'une trop grande différences de niveau. Il en va de même pour l'image dont les contrastes sont nets et les couleurs fidèles. Par moments, le jeu d'ombres et de lumières colorées feraient presque penser à un giallo (en particulier lors d'une scène d'attaque dans l'atelier de Betty) et les scènes de nuit baignées de bleu sont à la limite de la poésie. Le film est présenté dans un transfert 16/9 qui respecte le 1.66:1 d'origine.
Sur le menu de départ, nous avons le choix entre les versions espagnole et anglaise du film. En sélectionnant l'un ou l'autre, nous sommes dirigés vers le même sous-menu, présentant les suppléments et le chapitrage. Le seul inconvénient, mais de taille, est le suivant : Il est impossible de changer de version en cours de visionnage et même de revenir au menu de départ. Il est pourtant marqué que l'on peut y accéder en appuyant sur le bouton «Top menu» de sa télécommande mais il nous a été impossible d'y arriver. Nous avons été contraints d'éjecter et redémarrer le disque, ce qui est plutôt gênant. Surtout que les suppléments ne sont accessibles que sur le versant anglais des menus !
Le premier supplément est une séquence d'ouverture alternative d'un montage américain intitulé «Revenge from Planet Ape» qui fut assemblé de manière à exploiter la notoriété de la série de LA PLANETE DES SINGES. Ce prologue plus que douteux présente des images des ruines de Berzano tandis qu'une voix-off nous raconte comment, il y a 3000 ans, l'homme extermina les singes et les énucléèrent. Le leader des singes promis de revenir pour se venger. Ainsi donc les Templiers ne seraient rien d'autre que des… singes. Il n'est fait mention nulle part du succès de cette version du film mais il est fortement permis d'en douter (ou d'en rire, tout simplement).
Ensuite, nous avons une bande annonce très efficace et pour finir, une galerie fort sympathique de photos de tournage, de photos d'exploitation et d'affiches d'époque. Il existe même des sacs à vomi pour les âmes sensibles ! A noter que les images ne défilent pas automatiquement, il faut se servir des touches «Avancer» et «Reculer» de sa télécommande. Ceci vaut pour les suppléments des quatre disques.
Pour sa première incursion dans le monde des morts vivants, De Ossorio a réalisé une oeuvre non exempte de défauts, mais néanmoins très marquante aux yeux des amateurs. A découvrir, si ce n'est déjà fait.