Pour ce dernier épisode de la saga, les Templiers hantent un village côtier. Un nouveau docteur et sa femme s'installent dans ce lieu à l'apparence paisible mais ils vont rapidement découvrir les sombres secrets de l'endroit. Tous les sept ans, sept vierges sont sacrifiées durant sept nuits. Leurs esprits sont alors emprisonnés dans les mouettes dont les cris annoncent l'arrivée des Templiers.
Ne vous fiez pas à un résumé qui peut paraître convenu au premier abord car il s'agit ici du meilleur film de la tétralogie d'Amando De Ossorio. L'ambiance est purement Lovecraftienne du début à la fin et le scénario se déroule tout seul et sans heurts.
Le film débute avec la traditionnelle scène d'introduction de nos templiers avant qu'ils ne rejoignent le monde des morts. Ils tuent un homme et enlèvent sa femme de manière à la sacrifier. Son coeur est arraché et offert à une idole en pierre, dont les traits présentent une étrange ressemblance avec un hybride homme-poisson, créature qu'affectionnait particulièrement Lovecraft dans ses histoires et qui renvoie directement à la nouvelle Dagon.
Passé ce préambule, l'histoire proprement dite prend place à l'époque contemporaine avec l'arrivée dans un petit village du Docteur Henry Stein et de sa femme, Joan. L'hostilité évidente des habitants locaux installe rapidement une appréhension palpable pour les nouveaux arrivants, un sentiment entièrement partagé par le spectacteur. A la vitesse où l'ancien Docteur fait ses bagages pour s'en aller, il est évident que l'endroit n'a rien de très accueillant. Tandis qu'Henry Stein accompagne l'ancien docteur, l'idiot du village espionne Joan. Le pauvre homme s'est encore fait maltraiter par les habitants ce qui mène madame Stein à prendre pitié de lui et à lui soigner ses blessures.
Durant la nuit, les Stein sont réveillés par un étrange chant plaintif et assistent à une procession silencieuse des villageois tous vêtus de noir. Ils les suivent jusque sur la plage où une jeune femme se fait attacher à un rocher prévu à cet effet. Préférant ne pas s'en mêler, le couple retourne chez lui mais la victime désignée s'échappe et se réfugie dans leur demeure. Ses parents la récupèrent de force et à partir de là, le Docteur et sa femme vont devenir des pions involontaires dans la mise en scène des villageois qui ne supportent aucune intrusion dans leur univers.
Tout au long du film, il règne une ambiance, bizarre et inquiétante, renforcée, encore une fois, par la bande son composée des chants grégoriens désormais connus mais aussi de chants de baleines mélancoliques et des cris des mouettes annonçant l'arrivée des bourreaux morts vivants. Ces oiseaux marins renferment les âmes des jeunes femmes sacrifiées, leur donnant ainsi le statut de psychopompes ou accompagnateurs des morts. Cette croyance ancestrale est décrite dans de nombreuses oeuvres littéraires, de Lovecraft (L'abomination de Dunwich) à Stephen King (La Part des ténèbres) pour n'en citer que deux.
Dans ce film, nous assistons autant à un véritable drame humain qu'à un film d'épouvante à l'ambiance horrifique, le réalisateur ayant réussi à insuffler une réelle profondeur psychologique à son intrigue. De Ossorio démontre à merveille à quel point les croyances ancestrales peuvent rendre esclaves d'eux-mêmes les habitants d'un endroit isolé qui vont jusqu'à fermer les yeux sur des agissements meurtriers. Un sujet qui renvoie encore une fois aux oeuvres de Lovecraft qui arborait une suspicion naturelle envers tout ce qui était étranger à ses propres convictions.
Les villageois sont renfermés mais pas ouvertement menaçants, ils aimeraient juste qu'on les laisse tranquilles. Et dès que leur sécurité précaire vole en éclats, ils ne voient aucune autre solution que celle de fuir afin de ne pas mourir entre les mains squelettiques des Templiers, une peur qui subsiste dans leur communauté depuis plus de cinq siècles. D'un autre point de vue, cela fait pas loin de six cents ans qu'ils perpétuent leur tradition barbare au lieu de se débarrasser de l'ennemi. Cette insistance aveugle fait d'eux des monstres pires que les chevaliers morts-vivants qui, par moments, semblent presque réduits à servir les villageois. De Ossorio brouille la frontière entre vivants et morts avec ce paradoxe sans doute non voulu, mais qui renforce l'influence indéniable des habitants sur leur communauté et les étrangers.
Restés seuls dans le village abandonné, les Stein, leur domestique Lucy et Teddy, l'idiot du village, n'ont d'autre choix que de se barricader dans leur maison. Dans un énième écho à LA NUIT DES MORTS VIVANTS, les Templiers tentent d'entrer par tous les moyens mais le petit groupe réussit à s'enfuir. Sans se douter des conséquences, ils prennent les chevaux zombifiés des morts vivants, qui vont les emmener directement au château en ruines où se trouve l'idole de pierre de la scène d'introduction.
Le final est le plus sanglant de la série mais aussi et surtout le plus surprenant. On a l'impression que De Ossorio est enfin arrivé là où il le voulait, tant ce quatrième opus est abouti. Le sens artistique du réalisateur est toujours aussi présent, donnant lieu à quelques images où règnent l'onirisme et la poésie macabre. L'image des Templiers chevauchant leurs montures diaboliques le long de la plage n'est rien moins que superbe !
Cette saga aura bien sûr inspiré d'autres metteurs en scène, comme Andrea Bianchi pour son MANOIR DE LA TERREUR. Il existe même un cinquième épisode, non officiel, LA CRUZ DEL DIABLO (1975), proposé par l'acteur Paul Naschy au réalisateur John Gilling, plus connu pour ses productions Hammer. Cependant, le résultat n'est guère inspiré et l'on ne retiendra que le nom d'Amando De Ossorio en relation avec les Templiers morts vivants.
En ce qui concerne les pistes sonores, nous n'avons toujours aucun reproche à faire comme ce fut le cas pour les autres films du coffret. L'image est de bonne facture mais plus granuleuse que pour les autres épisodes. Les scènes de nuit sur la plage en particulier donnent une impression de douceur ou de flottement dû au manque de contrastes, mais le blanc de la robe des femmes sacrifiées brille tellement que cela crée une aura assez gênante.
Les seuls suppléments ici sont une bande annonce un peu longue et une galerie d'images à l'apparence fournie mais en y regardant de plus près, on se rend compte que beaucoup d'images couleur sont répétées dans la section noir et blanc.
La saga des Templiers se conclut donc en beauté avec cette histoire bien ficelée et au suspense soutenu jusqu'au bout. Une belle réussite que l'on peut aisément apprécier sans avoir vu les trois premiers films de la série.