Dans le futur, le vieux Detroit est rongé par un cancer : la criminalité. La police est devenue un véritable produit dirigé par l'OCP (Omni Consumer Products). Son vice-Président, Dick Jones (Ronny Cox), aurait la solution avec son droïd ED-209 ; mais la présentation est un véritable fiasco sanguinaire. Il faut faire vite, dans 6 mois l'OCP commence son projet de rénovation de la ville : Delta City.
Un jeune cadre avide de réussite, Robert Morton (Miguel Ferrer), saisit l'occasion pour relancer son alternative aux Enforcement Droïds : Robocop. Sans aucun scrupule, l'OCP place alors ses meilleurs représentants de l'ordre dans les quartiers à hauts risques pour récupérer un corps qui servira de base au flic du futur. L'agent Alex Murphy (Peter Weller) sera l'élu, crucifié dans une usine désaffectée par l'ennemi public numéro un : Clarence Boddicker (Kurtwood Smith).
Paul Verhoeven signe ici son premier film américain et c'est une réussite totale. Dans un monde à l'ambiance cyberpunk, il détruit tous les clichés du héros typique des Etats-Unis sous couvert d'un comic-book déjanté (la visière de Robocop n'est pas sans rappeler un certain Cyclope des X-MEN). Le réalisateur offre comme sauveur de la démocratie en péril un robot lobotomisé qui mange de la nourriture pour bébés !
Paul Verhoeven tire à tout va sur la société et passe au pilori la télévision à travers ces média breaks entrelardés de publicités (on retrouvera ce procédé dans Starship Troopers via le Federal Network), et la politique avec ses dirigeants corrompus et intouchables (la fameuse directive 4). La violence est omniprésente, souvent ironique comme quand une jeune femme se fait agresser juste devant un panneau publicitaire vantant un monde meilleur : la fameuse Delta City. Un renouveau ? Plutôt un eldorado convoité par les hauts dignitaires s'alliant avec les pires crapules pour faire main basse sur les marchés de la drogue et de la prostitution.
La vision n'est pas si pessimiste que cela en définitive car le Hollandais fou suit la résurrection de son héros de flic : Murphy. Mutilé par des corporatistes n'hésitant pas à lui amputer un membre sain et à lui effacer la mémoire, Robocop démontre que l'âme humaine existe. C'est d'abord un réflexe conditionné par le héros télévisuel de son fils : TJ Lazer ; le robot rêve alors de son meurtre pour finalement revivre des souvenirs enfouis au-delà des neurones. Sa quête d'humanité se terminera par la reconnaissance du Président de l'OCP : son nom est Murphy.
Pour parfaire ce chef-d'oeuvre de la science-fiction, le réalisateur s'est entouré de techniciens confirmés dans leur domaine. On retrouve en chef opérateur Jost Vacano (un complice fidèle de Paul Verhoeven) concepteur d'une caméra au poing qui lui permet d'obtenir un mouvement naturel (la steady-cam serait trop fluide à son goût). Basil Poledouris est chargé de la bande originale : ses cuivres transcendent les aventures épiques de ce chevalier des temps modernes.
Pour les effets spéciaux, Phil Tippett a repoussé les limites de l'animation image par image et de la rétro projection. En effet Paul Verhoeven ne voulait pas que la cinquantaine de plans d'animations soit trop statique et brise ainsi l'homogénéité de sa réalisation. ED-209 est réellement impressionnant et je ne peux que vous encourager à revoir ces scènes image par image pour apprécier le souci du détail apporté par Phil Tippett. Il faut voir ce gros bébé hésiter devant un escalier, tâtonner pour lamentablement perdre l'équilibre.
Rob Bottin s'est occupé de tous les effets live de ROBOCOP et a, lui aussi, fourni un travail bluffant de réalisme notamment sur la réplique de Peter Weller lors de son exécution. Je suis persuadé que beaucoup d'entre vous seront surpris d'apprendre que pour certains plans une marionnette était utilisée à la place des acteurs. Et dire que maintenant on ne jure que par les images de synthèse...
Cette édition Criterion nous propose la version director's cut du film. Elle se résume essentiellement à une version plus longue du premier test de ED-209 qui a été censurée par la MPAA. Comme le fait remarquer Paul Verhoeven, c'est le parfait exemple de la bêtise de la censure. En effet la version courte s'avère plus traumatisante comparée au montage original qui tend vers le grand-guignolesque par son caractère excessif (l'acteur ne pouvait pas porter une poche de sang supplémentaire).
On trouvera aussi deux scènes inédites story-boardées sans doute évincées pour éviter des redondances. Le plus intéressant est la section "Shooting robocop" qui est une mine de renseignements sur les effets spéciaux et le tournage. Il faudra être patient (trente minutes minimum) et courageux (la quasi-totalité est un texte agrémenté par des inserts de photos ou de vidéos) pour arriver au terme de ce supplément mais vous ne le regretterez pas.
Au chapitre des regrets de cette édition il y a d'abord la qualité de l'image qui est souvent polluée par des poussières et souffre d'une compression moyenne (à la décharge de l'éditeur, le disque est sorti relativement tôt sur ce support et n'a pas bénéficié de toute la maîtrise actuelle). Le plus inacceptable est sans hésitation l'absence de sous-titres, réservant cette édition aux anglophones confirmés.
(NDLR : le transfert vidéo et l'intégralité des suppléments à l'exception des bandes-annonces sont à l'identique de ce qui était proposé sur le Laserdisc de Criterion)
Ce DVD reste pour l'instant un must pour tous les amateurs de science-fiction. Malgré la qualité de THE HIDDEN, on a du mal à comprendre comment le grand prix d'Avoriaz a pu lui échapper. Enfin, pour ceux qui regardent le générique de fin jusqu'au bout un petit clin d'oeil vous attend.