Quatre histoires surnaturelles s'inscrivant dans le japon médièval nous sont racontées dans KWAIDAN. Mais comme nous avons traité l'édition Criterion, nous vous conseillons de vous reporter à cette critique pour en savoir plus sur le contenu du film.
À l'origine du film, il y a une oeuvre intitulée Kwaidan, Histoires et Etudes de Choses Etranges écrite en 1904 par Lafcadio Hearn. Écrivain d'origine gréco-irlandaise, il a débuté sa carrière aux États-Unis puis s'est installé au Japon, pays dont il prit la nationalité sous le nom de Koizumi Yakumo (littéralement «l'endroit où naissent les huit nuages»). Suivant son penchant pour les histoires traditionnelles de fantômes japonais, il décide d'en rassembler dans un recueil, sous forme de courtes nouvelles sur le folklore local.
C'est en 1964, à l'issue d'une gestation de dix ans, que Masaki Kobayashi adapte KWAIDAN au cinéma en y injectant son propre argent. Il en résulte une année de tournage pour un budget colossal comparé aux productions nationales de l'époque. Le film reçu le Prix Spécial du Jury au Festival de Cannes en 1965. Une seconde reconnaissance pour le réalisateur puisque son HARAKIRI remporta cette même distinction deux ans auparavant mais ces histoires surnaturelles seront finalement un échec dans les salles de l'archipel. En tout cas, KWAIDAN constitue une parenthèse dans la filmographie de Kobayashi surtout composée de chambaras, de drames et de fresques guerrières où l'on retrouve ses thèmes de prédilection, notamment une critique morale face aux traditions japonaises. Malgré une carrière ralentie à partir des années 70, et jusqu'à son décès en 1996, il en ressort d'autres titres notables tels que BLACK RIVER, REBELLION (dont la sortie DVD est prévue chez Wild Side) et la trilogie THE HUMAN CONDITION qui révéla l'acteur Tatsuya Nakadai, l'interprète principal du second sketch de KWAIDAN et que l'on retrouve dans les métrages cités ci-dessus.
KWAIDAN permet aux studios Toho de proposer une brochette d'acteurs de leur répertoire et issus des films de samouraïs et kaiju (de monstres géants). Pour n'en citer que quelques-uns, Rentaro Mikuni (le mari samouraï du segment "The Black Hair") a été vu dans deux épisodes de ZATOICHI. Sa femme délaissée est jouée par Michiyo Aratama (LE SABRE DU MAL). Evoqué précédemment, Tatsuya Nakadai est l'une des figures principales de KAGEMUSHA, GOYOKIN et RAN. Takashi Shimura, le rôle majeur dans LES 7 SAMOURAIS, incarne le prêtre de l'épisode «Hoichi, The Earless» et c'est Katsuo Nakamura (le premier rôle de PLEASURES OF THE FLESH) qui endosse le personnage de Hoichi. Enfin Noboru Nakaya (apparu dans LADY SNOWBLOOD) est l'esprit de la tasse de thé.
«Kwaidan» signifie littéralement histoire étrange mais aussi fantôme, monstre. Les kwaidan eiga sont des films qui ont connu un essor dans les années 50/60, souvent installés dans une époque et basés sur des contes populaires ou les pièces de théâtre Kabuki et Nô. Le yurei eiga (ou films de fantômes) représente un pan du genre illustré par des métrages tels que HISTOIRE DE FANTOMES JAPONAIS de Nabuo Nakagawa, LES CONTES DE LA LUNE VAGUE APRES LA PLUIE de Kenji Mizoguchi ou encore L'EMPIRE DE LA PASSION de Nagisa Oshima. La Femme des Neiges en représente une figure classique nommée «yuki-onna». Les fantômes japonais sont généralement dotés de pouvoirs surnaturels. Évoluant dans un univers qui coexiste avec celui des vivants, ils sont présentés d'une façon caractéristique les distinguant des mortels, tant au niveau visuel que sonore (un récent exemple en est l'inoubliable bruit guttural de JU-ON : THE GRUDGE).
Criterion avait déjà sorti une édition "remasterisée" de KWAIDAN aux Etats-Unis mais l'éditeur américain n'avait, en toute évidence, réalisé aucune véritable restauration et se bornait à insérer une histoire manquante des copies américaines. De fait, l'image du disque américain laissait apparaître de nombreuses rayures et défauts de pellicule. La plupart des soucis dus à l'usure du temps ont disparus sur le DVD de Wild Side. On notera que certains défauts d'image identiques subsistent mais le plus souvent très atténués sur le disque français.
La disparition de nombreuses rayures et griffures disgracieuses sur les magnifiques images de KWAIDAN ne sont pourtant pas les seules différences entre les deux disques. Le plus flagrant concerne le rendu général. Ainsi, le disque Wild Side découvre de nombreux détails en arborant une image beaucoup plus claire contrairement au transfert très sombre du DVD édité par Criterion. En contrepartie, les couleurs s'avèrent moins appuyées et plus douces, peut être simplement à cause du NTSC sur le disque américain. Quoi qu'il en soit, la vision du disque français offre un rendu très agréable !
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Toujours plus surprenant, le disque français contient quelques autres différences. Ainsi, le disque américain n'opérait aucune transition entre l'histoire de «La Femme des Neiges» et celle de «Hoichi sans oreille» alors que sur le DVD édité par Wild Side, les cartons indiquant l'entracte ont été conservés ! Mais il y a pire, pour les Américains, et une excellente nouvelle pour nous. Le montage présenté sur le disque français est plus long que celui sorti aux Etats-Unis. En effet, on notera par exemple que l'histoire «Les Cheveux Noirs» est plus longue d'une bonne minute dans son dénouement bien que le son semble assez étrange sur ces soixante secondes supplémentaires (choix artistique ? défaut ?). Hormis cette scène à la bande-son étrange, on peut aussi répertorier d'autres scènes qui apparaissent sur le disque français (l'épouse du bûcheron qui s'occupe de ses enfants, etc…). A l'arrivée, le disque français expose une durée largement plus importante que celle du disque américain !
En ce qui concerne la piste sonore japonaise, elle semble égale à celle du disque américain. Il n'y donc pas de changement avec un mono d'époque mais de qualité et très clair. Bien évidemment, le disque est pourvu de sous-titrages en français qui ont l'étrange particularité d'indiquer le début et la fin de chacune des histoires. Un choix étrange dans le sens où rien ne l'indique véritablement dans le métrage d'origine.
Ce ne sont pas les suppléments qui vont vous prendre une journée de visionnage puisqu'ils se résument assez vite. On retrouve une bande-annonce sympathique, une galerie de photos d'une quinzaine de clichés et les filmographies de Masaki Kobayashi, Tatsuya Nakadai et Tetsuro Tamba agrémentées de quelques maigrichonnes notes biographiques. Pas de quoi s'extasier pour un film qui a pourtant été couronné d'un prix à Cannes.
Peu de suppléments mais une édition DVD avec un montage du film intégral et une image de qualité, ce n'est déjà pas si mal. Mais, finalement, il n'y a pas de quoi se plaindre puisque KWAIDAN sort, en plus, directement dans la collection «Pocket» de Wild Side et son prix de vente est donc fixé au plancher d'une quinzaine d'euros ! Incontournable !