En 1953, LE MONSTRE DES TEMPS PERDUS rencontre un énorme succès, si bien que de nombreux films mettant en scène des animaux exposés à des expériences radioactives voient le jour (DES MONSTRES ATTAQUENT LA VILLE aux USA, GODZILLA au Japon…). Toutefois, le responsable des effets spéciaux du MONSTRE DES TEMPS PERDUS, Ray Harryhausen, ne récolte pas immédiatement la rançon de son travail. Immédiatement après, il conçoit d'abord THE STORY OF KING MIDAS, un court-métrage d'animation dans lequel un roi très avare reçoit la visite d'un personnage démoniaque (il a les traits de Conrad Veidt !) qui lui offre le pouvoir de changer tout ce qu'il touche en or.
Puis, l'animateur tente en vain de mettre sur pied divers projets de longs métrages fantastiques, notamment THE ELEMENTALS (des humanoïdes ailés sèment la terreur dans le ciel de Paris) et THE GIANT YMIR (projet qui aboutira plus tard sous le titre A DES MILLIONS DE KILOMETRES DE LA TERRE). Par ailleurs, il commence un autre court-métrage d'animation : THE STORY OF THE TORTOISE AND THE HARE, inspiré par "Le lièvre et la tortue" de La Fontaine. Ce travail est abandonné en cours de route pour commencer un nouveau long métrage : LE MONSTRE VIENT DE LA MER. THE STORY OF THE TORTOISE AND THE HARE ne sera achevé et montré au public qu'en… 2002 !
LE MONSTRE VIENT DE LA MER reste, comme LE MONSTRE DES TEMPS PERDUS, une petite production. Mais celle-ci correspond à un événement fondamental dans la carrière de Ray Harryhausen : il s'agit de sa première collaboration avec le producteur Charles Schneer. Les deux hommes vont, par la suite, signer à quatre mains une série de films spectaculaires, offrant au cinéma fantastique certains des titres somptueux, parmi lesquels LE SEPTIEME VOYAGE DE SINBAD, JASON ET LES ARGONAUTES ou LE CHOC DES TITANS. Il s'agit d'un des rares cas où, aux yeux des cinéphiles et du public, les noms du producteur et du concepteur des effets spéciaux auront plus d'importance que ceux des acteurs ou du metteur en scène. La signature Schneer-Harryhausen va ainsi s'imposer comme synonyme de spectacles fantastiques de très haute qualité.
LE MONSTRE VIENT DE LA MER a aussi la curieuse particularité d'associer, dans son générique, Sam Katzman, producteur spécialisé dans les séries B très fauchés, et le studio Columbia, sans doute appâté par les excellents résultats commerciaux que connaissent de petites productions de science-fiction telles que LE MONSTRE DES TEMPS PERDUS. La réalisation en est confiée à Robert Gordon (futur réalisateur des FAUVES MEURTRIERS, produit et écrit par Herman Cohen). Son héros, le commandant Pete Mathews, est interprété par Kenneth Tobey, vu peu de temps auparavant dans LE MONSTRE DES TEMPS PERDUS et LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE. Faith Domergue, apparue la même année dans LES SURVIVANTS DE L'INFINI, incarne le professeur Lesleyl Joyce. Nous sommes bien en plein âge d'or du cinéma de science-fiction hollywoodien !
Le commandant Mathews dirige un sous-marin atomique américain et, alors que ce submersible navigue au fond de l'Océan Pacifique, il voit sa course mystérieusement freinée par une force étrange. Grâce au sang-froid de l'équipage, le sous-marin parvient à rentrer à bon port. Mais, coincé dans une des hélices, on retrouve un énorme morceau de chair. Les meilleurs océanologues américains sont convoqués. Ils sont formels : il s'agit là d'un morceau de tentacule provenant d'une pieuvre géante !
Au cours de la première moitié des années 50, le cinéma américain de science-fiction connaît une véritable explosion, notamment suite aux succès de titres tels que DESTINATION LUNE ou LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE. LE MONSTRE VIENT DE LA MER s'inscrit à fond dans cette tendance et explore divers de ses sujets classiques. D'abord, nous apprenons que son monstre-vedette, la pieuvre géante, est en fait une créature inconnue, car appartenant à la faune supposée vivre aux confins des fosses océaniques. Outre la cryptozoologie sous-marine, le film s'inquiète, comme avant lui DES MONSTRES ATTAQUENT LA VILLE ou LE MONSTRE DES TEMPS PERDUS, des conséquences des essais atomiques sur la faune. Ici, la pieuvre, contaminée suite à de telles expériences s'étant déroulées aux abords de son repère, ne parvient plus à chasser les poissons qui constituent habituellement son menu. En effet, ceux-ci repèrent, grâce à un sixième sens, sa présence contaminée. Elle décide alors de s'attaquer à une espèce moins sensible aux radiations : les humains !
L'aspect scientifique du MONSTRE VIENT DE LA MER ne s'arrête pas aux thématiques abordées. En effet, par son style, il évoque un reportage et, à la manière de la fameuse diffusion de "La guerre des mondes" à la radio américaine, en 1938, il cherche à générer l'angoisse non pas en recourant à des effets d'atmosphère insolites ou gothiques, mais, au contraire, en adoptant un ton documentaire. Ainsi, pour augmenter la sensation de réalisme, le film recourt à des stock-shots récupérés dans des bandes d'actualité ainsi qu'à une voix off qui commentent l'action comme un journaliste relatant une histoire authentique.
LE MONSTRE VIENT DE LA MER reste néanmoins une petite production et il souffre de ne pas avoir les moyens nécessaires à de longues séquences mettant en scène sa pieuvre. Si l'action commence vite et fort, avec l'attaque du sous-marin, séquence remarquablement construite et évitant de nous révéler l'apparence de sa créature, le récit oscille ensuite entre recherches scientifiques (plutôt intéressantes) et une intrigue amoureuse bien laborieuse, occasionnant de longues et peu passionnantes palabres. Heureusement, le film se réveille dans sa dernière demi-heure, laquelle nous décrit l'assaut destructeur de la pieuvre géante sur la ville de San Francisco. Le monstre broie toute une portion du pont du Golden Gate, écrase des passants sous ses tentacules monstrueux, ou s'empare d'un sous-marin atomique comme s'il s'agissait d'un vulgaire jouet. L'armée, qui veille, parvient à repousser l'assaillant à coups de lance-flammes et tente une ultime manoeuvre pour détruire ce titan affamé…
Certes, LE MONSTRE DE LA MER manque de tonus et d'efficacité, mais, heureusement, son dénouement remarquable en fait un titre tout à fait intéressant, au moins pour les amateurs de science-fiction et des créatures de Ray Harryhausen.
En DVD, ce film est sorti en Zone 1, d'abord à l'unité, puis au sein d'un très beau coffret "The fantastic Films of Ray Harryhausen : Legendary science fiction series", accompagné par d'autres productions Schneer-Harryhausen : LES SOUCOUPES VOLANTES ATTAQUENT, A DES MILLIONS DE KILOMETRES DE LA TERRE, L'ILE MYSTERIEUSE et LES PREMIERS HOMMES DANS LA LUNE.
Ce DVD (Zone 1, NTSC) propose le film dans une copie cadrée en 1.85 (avec option 16/9) d'assez bonne facture. Certes, quelques plans trahissent une granulation très présente, y compris dans des séquences sans trucages, mais l'ensemble, hors stock-shot, reste de très bonne tenue, notamment grâce à une compression discrète.
La bande-son n'est disponible qu'en anglais mono d'origine (codé sur deux canaux), offrant une propreté et une dynamique très satisfaisantes. On peut afficher des sous-titres, notamment en français et en anglais.
En guise de suppléments, nous retrouvons l'excellent documentaire "The Harryhausen Chronicles", disponible sur tous les DVD de la "Ray Harryhausen Signature Collection" publiés par Columbia, ainsi qu'une featurette d'époque "This is Dynamation", laquelle revient rapidement sur les trucages du LE SEPTIEME VOYAGE DE SINBAD. Ensuite, nous trouvons la bande-annonce du MONSTRE VIENT DE LA MER, ainsi que celle de L'ILE MYSTERIEUSE et de A DES MILLIONS DE KILOMETRES DE LA TERRE. En plus, on a accès à une publicité pour le DVD de RENCONTRES DU TROISIEME TYPE, film sans rapport avec Ray Harryhausen, il convient de le rappeler au cas où (?) !
Cette édition américaine s'avère donc tout à fait satisfaisante. Par ailleurs, Columbia a aussi sorti ce film en Europe (Zone2, PAL), avec des suppléments identiques et avec, à nouveau, des sous-titres français (mais pas de doublage francophone). Ce disque Zone 2 n'est toutefois pas disponible en France, mais on le trouve en Grande-Bretagne (voir notre base de données) ou en Italie.