Après EPOUVANTE SUR NEW YORK, les réalisations du new-yorkais Larry Cohen peinent de plus en plus à atteindre les écrans français. Ainsi, ses deux films suivants, les thrillers L'IMPASSE SANGLANTE et SPECIAL EFFECTS, sortent, dans notre pays, directement en VHS. Vient ensuite THE STUFF, pour lequel il renoue avec le cinéma de science-fiction, sur un scénario qu'il rédige lui-même. Produit suite à une association entre New World Pictures et Larco (la compagnie de production de LARry COhen), ce titre met en vedette Michael Moriarty (EPOUVANTE SUR NEW YORK…), Andrea Marcovicci (LA MAIN DU CAUCHEMAR d'Oliver Stone…) et Paul Sorvino (CRUISING…).
Des industriels chargent Moe Rutherford d'enquêter sur un produit alimentaire qui fait fureur dans les familles américaines : le "Stuff", une substance blanchâtre dont ses fabricants refusent de révéler la recette. Au même moment, un petit garçon se rend compte qu'il arrive au "stuff" de bouger dans le frigidaire familial durant la nuit ! Il refuse dès lors de se nourrir de cette substance, ce qui met ses parents en colère. De son côté, David commence par s'intéresser à la "Food and Drug Administration", l'organisme chargé de tester et d'autoriser la mise sur le marché des produits alimentaires.
Déjà, avec LE MONSTRES EST VIVANT, Larry Cohen s'inspirait d'un fait divers authentique, l'affaire "thalidomide babies" : vérifié par la FDA et prescrits à des femmes enceintes, un médicament avait entraîné la naissance de nombreux enfants difformes. A nouveau, Cohen s'en prend aux collusions entre cette administration et les grands groupes industriels en s'inspirant du cas de Coca Cola, boisson contenant, à l'origine, de la cocaïne, produit remplacé, à un moment, par des extraits très légers de feuilles de coca et un surplus de caféine, qui restent des substances susceptibles de provoquer une dépendance chez les consommateurs. Le "Stuff" provoque lui aussi, chez ses consommateurs, une forte dépendance, ainsi qu'un changement d'attitude inquiétant.
Tout en critiquant les tares de la société de consommation, THE STUFF se veut aussi un hommage au cinéma de science-fiction paranoïaque des années 50. Lorsque la famille de David devient dépendante au "Stuff", ses membres se montrent menaçants et dangereux, rappelant les "imitateurs" de L'INVASION DES PROFANATEURS DE SEPULTURES. Quant au Stuff lui-même, lorsqu'il se déplace en grand volume et broie des êtres humains, il évoque une version lactée du Blob mis en scène dans DANGER PLANETAIRE.
Mené par Rutherford, un sympathique et savoureux franc-tireur individualiste et doucement anarchiste, l'action de THE STUFF adopte un rythme soutenu. Ne renâclant pas sur l'humour grinçant, Cohen distribue les mauvais points dans tous les sens : militaires idiots, chargés de communication irresponsables, fonctionnaires corrompus, famille se conformant à un modèle imposé par la télévision… Habile metteur en scène et scénariste à la plume toujours aiguisée, il s'impose définitivement comme un grand satiriste, un esprit libre toujours en éveil.
THE STUFF reste toutefois une petite production, et cela se sent tout de même. Les effets spéciaux ne manquent pas de charme, mais ils ne se montrent pas à la hauteur du sujet et de l'ambition du métrage. D'autre part, le scénario laisse passer quelques trous et quelques baisses de rythme.
Tout cela n'empêche pas THE STUFF d'être une belle réussite, une petite perle, drôle et intelligente, bref un bon Larry Cohen, hélas un peu sous-estimé. Quoi qu'il en soit, ce titre n'a pas non plus bénéficié d'une distribution dans les salles françaises, et a atterri tardivement dans les vidéo-clubs, en 1990, sous le titre STUFF.
Le voilà qui revient dans nos contrées, sous la forme d'un DVD distribué avec le "Mad Movies" numéro 155. Présenté dans son format 1.85 d'origine (en 16/9), THE STUFF impressionne ici par la qualité de son image. Compression imperceptible, saletés rarissimes, restitution naturelle du grain argentiques et des couleurs : tout est au menu pour garantir une bonne consultation de ce film.
La bande-son du film est disponible, en mono d'origine codé sur deux canaux, aussi bien en version française qu'en version originale. Dans les deux cas, le résultat est extrêmement satisfaisant. Le sous-titrage français est optionnel.
Bien que vendu à un prix très raisonnable, ce disque contient tout de même quelques suppléments. On trouve ainsi une présentation du film et de Larry Cohen (environ deux minutes) par Damien Granger, une bande-annonce anglophone sous-titrée, ainsi qu'une bio-filmographie de Larry Cohen.
Vendu à un prix extrêmement modique ce DVD permet donc de redécouvrir THE STUFF dans d'excellentes conditions techniques dignes d'éditions bien plus onéreuses. Les anglophones pourront éventuellement se tourner vers le DVD américain Anchor Bay (zone 1 NTSC), qui contient un commentaire audio de Larry Cohen, mais ne propose pas d'options linguistiques françaises.