Vieillissant et ayant connu des revers professionnels et personnels, l'acteur Pablo Thevenet est obligé de courir les castings dans l'espoir de trouver un petit rôle. Malgré sa gloire passée, plus personne ne veut de lui et il est contraint, pour gagner de l'argent, d'incarner les statues vivantes de personnages sinistres à l'entrée d'une boîte de nuit…
Canonigo Films demande à Jacinto Molina, plus connu sous le patronyme de Paul Naschy, s'il n'a pas un projet de films à leur proposer. Il leur soumet une idée qui traîne dans un coin de sa tête et qu'il transformera rapidement en un scénario. A l'origine, le cinéaste espagnol voulait mettre en scène le film lui-même mais d'un commun accord avec la maison de production, il laisse la place de réalisateur à un autre Molina. N'allez pas pour autant croire qu'il y a une relation de parenté entre Christian Molina, jeune réalisateur de courts-métrages dont c'est la première expérience dans le domaine du long, et Paul Naschy. En tout cas, il faut reconnaître que ROJO SANGRE nous permet de découvrir Paul Naschy dans un film à la mise en image d'une grande modernité à coups d'effets spéciaux numériques et autres mouvements de caméra plus actuels que les influences filmiques classiques évoquées habituellement par l'acteur (l'expressionisme allemand, l'âge d'or du fantastique à la Universal ou la Hammer).
Paul Naschy ne se fait plus tout jeune et sa prestation dans ROJO SANGRE pourrait donner des allures de constat autobiographique. Mais le Pablo Thevenet du film n'a en fait pas grand chose à voir avec le véritable Paul Naschy qui, s'il ne connaît pas la gloire dans son propre pays, a au moins l'avantage de n'avoir jamais connu de véritables haltes dans sa carrière cinématographiques. L'acteur semble d'ailleurs accélérer les projets depuis quelques temps toujours en cumulant l'occupation d'acteur et de scénariste alors qu'il dit lui-même vouloir se remettre à la réalisation. Quoi qu'il en soit, il est donc difficile de voir dans le portrait de Pablo Thevenet une incarnation d'un Paul Naschy vieillissant et aigri.
Néanmoins, tout a été mis en œuvre dans le scénario de ROJO SANGRE pour rapprocher le personnage et l'acteur et donc jouer sur le tableau du mélange entre fiction et réalité. Dès le générique, les photos des rôles marquants de Pablo Thevenet proviennent des films de Paul Naschy (L'EMPREINTE DE DRACULA, LA VENGANZA DE LA MOMIA, EL GRAN AMOR DEL CONDE DRACULA…). De même, tout au long du film, les références aux travaux de Paul Naschy sont des plus évidentes comme les costumes qu'il est amené à endosser ou la pléthore de films cités. Il va même jusqu'à reprocher à un réalisateur de lui avoir volé LA CRUZ DEL DIABLO à l'écriture duquel il a participé.
L'ambiance du film s'inscrit elle-même dans le quotidien et la réalité avec la vie banale d'un acteur en fin de course. Pablo Thevenet ne semble revivre et retrouver ses forces que lorsqu'il est amené à interpréter un rôle, un peu comme s'il ne pouvait vivre sans cela. Paul Naschy se permet au passage de critiquer les talents d'aujourd'hui qui se caractérisent justement par un manque de talent. Ainsi, les actrices en vogue sont des produits médiatisés par la télévision à force de divorce et autres ragots alors que les réalisateurs se prennent pour des génies en filmant leur ego. Un dur constat face aux vieux acteurs dépeints dans le film, lesquels sont forcés de quémander un rôle ou de se nourrir seulement de haricots.
Bien entendu, ROJO SANGRE est aussi un film fantastique, genre privilégié de Paul Naschy, et mêle plusieurs thèmes empruntés à divers œuvres littéraires ou cinématographiques. Si Paul Naschy emprunte le thème de Faust, la vengeance référentielle d'un acteur déchu (THEATRE DE SANG), une séquence très Fantôme de l'Opéra ou intègre encore une intrigue à propos de Snuff movies, il le fait comme d'habitude de façon à en donner une interprétation nouvelle. Pour autant, tout cela n'est pas toujours parfaitement amené. Ainsi, la fin du film ne s'avère pas d'une grande clarté mais, au moins, cela ne manquera pas de créer la discussion. Surtout que la fin prévue à l'origine ne fut pas tournée faute de moyens conséquents...
La première édition de ROJO SANGRE est bien évidemment espagnole. C'est Manga Films qui s'occupe de ce DVD qui laisse entrevoir que les attentes commerciales ne sont pas très élevées. Il faut dire que ROJO SANGRE n'a pas rencontré son public lors de sa sortie dans les salles en Espagne et s'est vu très rapidement retiré des écrans. Le DVD conserve le visuel, assez laid, de l'affiche espagnole qui n'a que peu de rapports avec l'ambiance ou même le contenu du film.
Filmé en format large, le DVD affiche donc une image en 2.35 mais malheureusement dépourvue du 16/9 ce qui est franchement surprenant pour un film aussi récent. Il faut tout de même reconnaître que le transfert est d'excellente qualité avec une image très détaillée et une compression quasiment invisible. Certains transferts 16/9 ont des images bien moins probantes.
Une autre surprise technique nous attend du côté de la section sonore puisque la seule piste audio est en stéréo surround. Comme pour l'image, on pourra s'étonner du manque d'un mixage 5.1 mais dans le même temps, le rendu sonore est réussi et offre même un environnement surround satisfaisant. Pour ceux qui ne comprennent pas l'espagnol, le disque est pourvu d'un sous-titrage anglais où les titres de films cités restent de toutes façons dans leur langue d'origine.
La partie consacrée aux suppléments n'est pas non plus débordante puisqu'elle se limite à la bande-annonce du film accompagnée de deux spots TV, d'une petite galerie de photos prises sur le tournage, de quelques planches du story-boards accompagnés de designs plus colorés et d'un Making Of promotionnel où l'on peut découvrir l'envers du décor. Sachez toutefois que les suppléments ne sont pas sous-titrés ce qui posera donc des problèmes de compréhension pour le Making Of. Enfin, l'éditeur a placé deux autres bandes-annonces pour des films distribués en DVD dont celle de UNA DE ZOMBIS.
Paul Naschy n'a jamais connu de véritable reconnaissance dans son pays ce qui ne l'a pas empêché contre vents et marées d'imposer sa propre vision du cinéma fantastique en Espagne. Après une quarantaine d'années de carrière dans le cinéma, ROJO SANGRE prouve qu'il est encore capable d'une étonnante fraîcheur en offrant une œuvre au style inattendue mais toujours aussi généreuse en hommage envers les classiques !