Le chemin qui mena Stephen Sommers au cinéma fût relativement tortueux. Après avoir étudié aux Etats Unis, puis en Espagne, il s'installe en Europe où il mène diverses activités artistiques, comme comédien de rue ou manager de tournée pour des groupes de rock. Finalement, il retourne aux USA, et plus précisément en Californie, état dans lequel il étudie le cinéma et dirige PERFECT ALIBI, son premier court-métrage. En 1989, il signe une production indépendante appelée CATCH ME IF YOU CAN, qui est en fait une comédie de "College". Puis, en 1993, il adapte Mark Twain en réalisant, chez Walt Disney, LES AVENTURES DE HUCKLEBERRY FINN (roman déjà transposé auparavant par Michael Curtiz, metteur en scène adulé par Sommers , sous le titre LES AVENTURIERS DU FLEUVE). Interprété par Elijah Wood et Jason Robards, ce film connaît un petit succès. Toujours pour Disney, Stephen Sommers persévère dans l'adaptation de classiques de la littérature dite "enfantine" avec LE LIVRE DE LA JUNGLE, production fastueuse filmée notamment en Inde, dont les résultats commerciaux ne sont guère mirobolants.
Il met ensuite en scène UN CRI DANS L'OCEAN, tourné au Canada pour le compte de Hollywood Pictures, une filiale de Disney, avec un budget assez onéreux de 60 millions de dollars. Pour incarner les rôles principaux, il ne choisit pas des vedettes de premier plan. Il s'oriente plutôt vers Treat Williams, à l'époque surtout spécialisé dans les seconds rôles (LES HOMMES DE L'OMBRE de Lee Tamahori, LE FANTOME DU BENGALE…), et Famke Janssen, fraîchement lancée par le James Bond GOLDENEYE dans lequel elle incarne une tueuse psychopathe, assistante d'un génie du mal. Pour les autres rôles, Stephen Sommers sélectionne aussi des comédiens compétents, comme Jason Flemyng (qui jouait dans LE LIVRE DE LA JUNGLE), Wes Studi (LE DERNIER DES MOHICANS), Anthony Heald (psychiatre pourri dans LE SILENCE DES AGNEAUX) et, surtout, Kevin J. O'Connor, qui deviendra un incontournable de ses films d'aventures (LA MOMIE et VAN HELSING).
Le capitaine John Finnegan transporte, à bord de son bateau, un commando de mercenaires, mené par un dénommé Hanover, qui l'a payé pour leur faire traverser la mer de Chine. Au beau milieu du voyage, ces militaires prennent, par la force, le contrôle de la navette et force le capitaine à les débarquer sur l'Argonautica, un cargo de luxe qui croise dans la région. A la surprise générale, ce navire paraît totalement abandonné. Ils finissent par comprendre que des monstres marins ont investi le bâtiment et dévoré tous ses occupants !
Avant tout un film d'aventures nautiques, UN CRI DANS L'OCEAN se caractérise par la progression de son ton et de ses péripéties. Ainsi, s'il évolue progressivement vers le fantastique, il accueille d'abord le spectateur en évoquant un mélange de cinéma d'action et de film catastrophe. L'inauguration du cargo de luxe, avec sa fête se déroulant dans son immense salle de restaurant, rappelle L'AVENTURE DU POSEIDON produit par Irwin Allen, influence reconnue volontiers par Stephen Sommers. Lorsqu'un corps mystérieux rentre en collision avec l'Argonautica, les plaisanciers se retrouvent violemment expulsés de leurs fauteuils, tandis que le navire tangue dangereusement, provoquant une succession d'accidents et de séquences de panique dans la tradition du film susmentionné. Quant aux séquences à bord de l'Hercule, la navette de Finnegan, elles paraissent annoncer un film d'action énergique, dans lequel les biscotos et les grosses pétoires tiennent le haut de l'affiche.
Pourtant, UN CRI DANS L'OCEAN glisse, d'un coup d'un seul, vers le fantastique en recourant à une astucieuse ellipse, empêchant le spectateur de savoir ce qui est arrivé à bord de l'Argonautica après l'étrange collision. Nous découvrons, en même temps que Hanover et son commando, que le navire semble étrangement désert. Un monstre marin, surgie d'une profonde faille sous-marine, y a fait le ménage de façon radicale ! Dès lors, Sommers, réalisateur à la culture cinématographique réelle, multiplie les clins d'œil pour cinéphiles. S'il revendique l'influence du 20.000 LIEUES SOUS LES MERS de Richard Fleischer (particulièrement sensible dans le combat final), il glisse aussi des coups de chapeau aux productions Schneer-Harryhausen : d'une part, dans LE MONSTRE VIENT DE LA MER, Ray Harryhausen anime une pieuvre aux proportions démesurées, qui, surgissant, elle aussi, d'une insondable fosse marine, détruit tout sur son passage ! D'autre part, les noms des navires, Hercule et Argonautica sont des références limpides à JASON ET LES ARGONAUTES. Enfin, le dénouement se conclut sur un ultime clin d'œil au KING KONG de la RKO, nos héros ayant échoué, sans s'en douter, sur ce qui semble bien être l'île du Crâne !
Afin de composer un morceau d'"entertainement" dans le meilleur sens du terme, Sommers équilibre soigneusement plusieurs éléments. L'horreur mène le bal, par le biais de séquences authentiquement sanglantes, voire glaçantes (le survivant à moitié digéré, la découverte de la salle du restaurant…). Mais le metteur en scène joue aussi la carte de la comédie, en particulier grâce à l'aventurier désabusé, lâche et intéressé, mais non dénué d'un bon fond, qu'interprète à la perfection Treat Williams, lequel crée un personnage dans la tradition du Harrison Ford des Indiana Jones ou du Bogart de AFRICAN QUEEN. De même, la jeune première, interprétée par Famke Janssen, est une sympathique voleuse, qui tente de subtiliser des bijoux à bord du palace flottant. Des seconds rôles hauts en couleurs, particulièrement Anthony Heald et Kevin J. O'Connor, apportent une touche d'humour supplémentaire, particulièrement le second qui s'avère même, peut-être, un peu envahissant.
Alliance bien équilibrée entre l'action, l'aventure et le fantastique, UN CRI DANS L'OCEAN bénéficie, de plus, d'un budget, nous l'avons vu, confortable, et d'un récit qui ne laisse jamais s'installer l'ennui. Ennemi de la parlotte et pourfendeur des temps morts, Sommers imprime à son film un excellent tempo, alternant suspens, fusillades et séquences horrifiantes avec une maestria entraînante et une fougue inimitable. Cette fougue, caractéristique de sa vision du cinéma d'aventures, est soulignée, ici, par la musique entraînante d'un Jerry Goldsmith très à l'aise dans ce registre.
Apôtre du cinéma-plaisir, cinéphile à la mémoire longue sachant renouer avec le meilleur de la tradition hollywoodienne, Stephen Sommers signe, avec UN CRI DANS L'OCEAN, un essai dans le domaine de l'aventure fantastique, domaine qui deviendra son terrain de prédilection. Pourtant, à sa sortie, ce film est un échec au box-office et Sommers n'est plus en odeur de sainteté chez Disney. Apprenant qu'Universal envisage de faire un remake de LA MOMIE, il contacte alors ce studio. Le reste appartient désormais à l'histoire du cinéma fantastique !
En DVD, UN CRI DANS L'OCEAN n'a jamais été très gâté. Aux USA, il sort dans une édition rachitique, n'incluant même pas un télécinéma 16/9. En Europe, ce film s'en tire légèrement mieux, comme nous allons le voir en parcourant le disque français.
Celui-ci contient un transfert 16/9 de UN CRI DANS L'OCEAN avec une copie d'un très bon niveau, dans son format 2.35 d'origine. Certains contrastes dans des plans truqués manquent de naturel, et on peut repérer de très discrètes saletés, mais, la propreté de la compression aidant, ce DVD s'en sort très bien.
La bande-son de UN CRI DANS L'OCEAN est disponible, en français comme en anglais, dans d'excellents mixages 5.1 qui feront passer, en vérité, un sale quart d'heure à votre voisinage ! Des sous-titrages français et anglais optionnels peuvent être affichés.
La jaquette française a beau proclamer, en gros caractères, "Edition spéciale", nous constatons tout de même que, du côté des suppléments, c'est le désert. Seules quelques bandes-annonces de DVD distribués par Buena Vista (dont INCASSABLE et VOLTE-FACE) apparaissent automatiquement au lancement du disque, ce qui agace !
Outre le DVD sorti en France, signalons qu'un disque belge (avec bande-son et sous-titres français) propose, lui, des suppléments (featurette, bandes-annonces, petites interviews), certes légers, mais qui ont au moins le mérite d'exister. Ce disque belge serait donc l'édition la plus complète de UN CRI DANS L'OCEAN, même si le disque français permet tout de même de visionner ce film dans d'excellentes conditions.