3. Partie 2
Côté 70 mm, deux morceaux de choix.
2001, L'ODYSSEE DE L'ESPACE, filmé en Super Panavision
70 et en MCS-70 pour les scènes finales de la porte des étoiles.
Après une vision de ce film en 70mm, plus rien n'est comme avant, il
s'agit d'une certitude. Un peu comme de dire (osons, tiens) que quiconque n'a
jamais vu 2001 en 70mm n'a jamais véritablement vu le film. Ou que de
la voir sur une quelconque télévision ou rétroprojecteur
n'atteindra jamais le degré de perfection, la finesse du grain, la précision,
la définition de la copie vue pendant ce festival. Que les détracteurs
du film (dont je faisais partie) peuvent se laisser entraîner, submerger
par l'image et un son là encore sur six pistes magnétiques tout
bonnement fracassant, démultiplié et par moments ahurissants.
Si le film garde certains défauts (des scènes qui n'en finissent
plus de finir comme le retrait des différentes cartes électroniques,
entre autres !), cette projection en 70mm - écran incurvé
fait pénétrer le spectateur dans une autre dimension. Lorsque
la publicité dans le lobby indiquait "Still the Ultimate Trip"
("Toujours le trip ultime"), il va de soit que c'est bel et
bien le cas.
Il fut aussi possible de voir LA BATAILLE DES
ARDENNES de Ken
Annakin. Tourné en 65 mm Ultra Panavision 70, il fut largement promu
en "Super Cinerama", diffusé en 70mm avec un aspect de 2.76 :1
et dans une durée de deux heures et quarante sept minutes. Le film n'est
pas resté dans les annales du film de guerre, hélas. Il reste
assez facile de deviner pourquoi, tant l'histoire chaotique et des personnages
secondaires sans grand intérêt viennent parasiter le film. On a
beau aimer un acteur de la trempe de Dana Andrews, il faut bien reconnaître
que son interprétation monolithique et son rôle inutile de général
patibulaire lestent le film. On pourra en dire de même de Telly
Savalas qui donne à son personnage de Sergent Guffy un côté
comique parfois déplacé mais surtout qui n'a rien à faire
dans le film. L'histoire d'amour avec Pier
Angeli, balancée n'importe comment au milieu de l'histoire, n'arrange
rien à la chose. IL n'empêche que malgré ces scories, l'assaut
des Panzer mené de main de maître par le Colonel Hessler (un Robert
Shaw impressionnant !) garde un souffle de longue durée sur
grand écran. Entre les batailles réelles, on pourra largement
profiter du travail sur les miniatures mené par Eugène
Lourié, réalisateur du MONSTRE DES TEMPS PERDUS,
GORGO, THE GIANT BEHEMOTH ou encore maître
des effets spéciaux de KRAKATOA, A L'EST DE JAVA
et de QUAND LA TERRE S'ENTR'OUVRIRA. Sa création
d'explosions de chars d'assauts ou encore celle de la destruction du village
d'Ambleve demeurent encore remarquables. A noter que le film est disponible
en Blu Ray aux Etats-Unis sous son titre original BATTLE OF THE BULGE.
L'autre attraction du Festival est la projection de films tournés en 35mm mais diffusés en 70mm. L'avantage est de procurer une diffusion audio sur six pistes magnétiques stéréophoniques. Si le procédé du gonflage n'apporte que peu d'amélioration à une copie 35mm (les défauts présents sur le matériau source reste toujours autant présent sur la copie 70), il n'en va pas de même quant aux effets spéciaux. En effet, deux des films projetés (PIEGE DE CRISTAL de John McTiernan et 2010 de Peter Hyams) ont certes été tournés en Panavision 35mm, mais les effets spéciaux de chacun des films ont eux été tournés en 65mm. Dont ceux de 2010 par Richard Edlund. Et c'est sous ce format en 70mm que les effets spéciaux prennent toutes leurs dimensions spectaculaires, en grain, détail et impact. La présentation de deux autres films là aussi plus rares à la vision sur grand écran a pu drainer un nombre important de spectateurs.
Dans un autre registre, LA GUERRE
DU FEU de Jean-jacques
Annaud, a su garder un impact émotionnel et formel sur grand écran,
renforcé évidemment par les six pistes magnétiques tonitruantes.
Elles assaillirent littéralement l'audience, entre bruitages, le langage
inventé pour l'occasion, la solide partition de Philippe
Sarde (sa meilleure ?) ou encore la première scène d'attaque
sanglante jusqu'à l'apparition spectaculaire des mammouths. Le mixage
produit un univers sonore incongru et très enveloppant : un gain
évident que le 70 mm savait mettre en avant, contre une copie 35mm d'origine
mais en simple Dolby. On pourra trouver le choix assez étrange de proposer
LE LAGON BLEU de Randal
Kleiser. Tourné en 1.85:1 sphérique, il bénéficia
d'un gonflage en 70mm qui là aussi su dynamiser l'environnement sonore
et lui donner une ampleur insoupçonnée. Quoiqu'on puisse penser
de ces deux films, une chose est cependant sûre : il serait impensable
aujourd'hui de les refaire tels quels au cinéma ! La crudité
de LA GUERRE DU FEU et sa mise en avant à la fois
des rapports bestiaux et brutaux ou encore l'innocence sexuelle du LAGON
BLEU, sa naïveté, sa nudité quasi permanente et sa mise
en scène très libertaire en font des sortes de pierre blanche
du début des années 80. Un peu comme si le cinéma "grand
public" avait été au bout d'une certaine audace (si, si !)
pour ensuite retomber dans un cadre un peu plus rigide en terme de représentation
du sexe et des sentiments à l'image. A noter que la diffusion du LAGON
BLEU fut effectuée grâce à un spectateur qui pu dénicher
la copie et la sponsoriser. Le film n'avait plus été projeté
depuis 1984.
Enfin, un film qui garde encore et toujours un impact intact : ALIEN. Curieusement, malgré sa disponibilité en vidéo et ses multiples diffusions télévisuelles, ALIEN fut le film qui rassembla le plus de spectateurs pendant ce festival. Un statut de classique indémodable ? Si la qualité de la copie 70mm a du subir les affres du temps, elle a su garder entiers le frisson et l'ambiance sourde générés dès sa première sortie en 1979. Et là encore, la magie des six pistes magnétiques qui recréent à merveille une atmosphère terrifiante, mêmes après plusieurs visions, tout en magnifiant la somptueuse partition de Jerry Goldmsith !
Enfin, afin de clore les projections de longs-métrages, deux films supplémentaires en 35mm... Une évidence pour commencer : le seul film tourné en format 2.35:1 par Woody Allen, MANHATTAN. Beaucoup d'analyses ont été écrites sur ce seul film, véritable ode d'amour à une ville et son atmosphère prenante, la somptueuse photographie de Gordon Willis et la musique de George Gershwin qui vient donner le tempo nonchalant nécessaire à cette ballade nostalgique et romantico-philosophique. Force est de reconnaître, à l'instar de 2001, que la vision sur un écran large donne une toute autre dimension à cette œuvre pourtant intimiste… et surtout que Woody Allen maîtrise à merveille les possibilité du format "Scope" : profondeur de champ, composition du cadre, lumières disposées à différents niveaux (et donc différents niveaux de lecture de l'image), multiplicité des actions dans le champ.
Une déception, cependant : la diffusion
de THE ALAMO de John
Wayne en copie 35mm anamorphique. Il fut tourné à l'origine
en TODD-AO et diffusé en 70mm-6 pistes magnétiques (format 2.20 :1).
Ici, nous n'avons pu voir qu'une copie 2.35:1 mono d'une qualité médiocre
ce qui en fit capituler plus d'un pendant la projection. Il faut dire aussi
que le film n'a rien d'une réussite du genre et ne décolle véritablement
qu'au bout d'une heure de projection. Au bout de diverses joutes verbales, intérêt
romantique très peu crédible (John
Wayne et Linda
Cristal !) et coup de poings en tous genre. THE ALAMO
culmine avec l'assaut final. Dur pendant deux heures et quarante sept minutes
(et encore, ce fut le remontage final) ce qui prouve que n'est pas Henry
Hathaway qui veut. Reste qu'il est difficile de comprendre ce que faisait
le film au milieu de cette programmation.