1. Interview François Gaillard

La dernière fois que nous avions croisé François Gaillard, c'était en septembre 2009. Accompagné de son co-réalisateur Christophe Robin et de son actrice Clara Valet, François venait présenter dans un festival un long-métrage autoproduit, BLACKARIA. Un an et demi plus tard, nous le retrouvons dans les allées du Marché du Film de Cannes en pleine promotion de son nouveau long-métrage, LAST CARESS. L'occasion de mesurer le chemin parcouru depuis par ce passionné s'affirmant toujours un peu plus avec son binôme comme un réalisateur frondeur et inspiré.

On t'a découvert en 2009 avec BLACKARIA. Comment as-tu enchaîné aussi vite sur LAST CARESS ?

François Gaillard : Déjà, à l'époque de BLACKARIA, il y avait un film qu'on voulait faire avec Christophe Robin à partir d'un scénario qui m'était très cher. Ca s'appelait MOTHER OF MERCY et ça mélangeait le film d'action et le giallo. Mon ami David Scherer, qui est toujours de bons conseils, m'a dit : "tu n'auras jamais l'argent pour le faire, tu devrais réfléchir à quelque chose de plus simple et accessible". Et il se souvenait d'un scénario que j'avais écrit, LAST CARESS, qui devait être au départ un moyen métrage de 40 minutes. David m'a dit : "faites-en un long, rajoutez des meurtres, et vous allez faire votre BAIE SANGLANTE". Toute proportion gardée bien sûr. Ensuite, on a été en contact avec Le Chat qui Fume pour l'exploitation de BLACKARIA en DVD. Ils m'ont demandé ce que je comptais faire comme prochain film. Je leur ai passé le scénario de LAST CARESS et Stéphane (co-fondateur du Chat qui Fume) m'a répondu : "il y a du gore et des femmes à poil, c'est parfait, si tu veux on est prêt à investir dedans". Et comme Stéphane est un homme de parole, deux mois plus tard, on commençait le tournage.

Est-ce que deux mois ce n'est pas trop court pour préparer un long métrage ?

C'était un challenge intéressant. C'est vrai qu'il y a des choses que je regrette. Comme je cadre sur mes films, je n'ai eu le Canon 5D (NDLR : appareil numérique HD de prise de vue) que 15 jours avant le tournage. Mais moi j'aime bien ce côté un peu précipité. Je dirais que deux mois, c'est trop court quand tu n'as pas l'équipe qu'il faut. Et nous, on avait une équipe d'enfer.

Le tournage a dû être intense ?

C'était terriblement intense, on dormait 3 à 4 heures par nuit et on mangeait de la bouffe de "petit budget". Et ça sur 20 jours de tournage. Un jour, on a tourné 21 heures d'affilées. Alors, c'est vrai que c'est arrivé que des gens craquent. Je me souviens que David Scherer est tombé un jour comme une crêpe. Et Anna Naigeon (NDLR : chef opérateur et actrice) est tombée aussi deux fois dans les pommes sur le tournage. C'est vrai qu'on l'a fait bosser comme une malade la pauvre. Mais au-delà de ça, sur le plan humain, ça a été incroyable. Ca nous a soudé encore plus.

LAST CARESS est très différent de BLACKARIA. Il est plus aride, plus froid, moins foisonnant. Est-ce que c'était ce que tu recherchais ?

Oui. BLACKARIA était plus personnel malgré tout. Mais LAST CARESS est à mon sens plus carré. Avec Anna, on a essayé de chiader chaque plan. Les personnages de LAST CARESS sont volontairement très cons. Ils ne pensent qu'à fumer et à baiser. Je n'ai pas de sympathie pour eux alors que j'ai beaucoup de tendresse pour la femme tueuse de BLACKARIA.

Tu demandes toujours beaucoup à tes comédiennes. Comment parviens-tu à les convaincre d'accomplir les scènes de nudité ?

La plupart des actrices sont des amies. Elles nous connaissent depuis des années et elles savent que l'on n'est pas mal intentionné. Ensuite, le directeur de la photo est une femme. Elle joue dans le film et se met nue. Le rapport de confiance est donc là car il y a un côté : "nous aussi, on va au charbon !".

LAST CARESS est beaucoup moins onirique que BLACKARIA et beaucoup plus rentre-dedans au niveau du gore ?

Dans BLACKARIA, le tueur était une femme alors que le tueur de LAST CARESS est un homme. C'est donc beaucoup plus froid et brutal. Le montage des meurtres est très cut car il devait faire mal. J'avais dit à David que je ne voulais pas de tripaille. Je voulais juste que ce soit violent, un peu dans l'esprit des films comme LA GUERRE DES GANGS (NDLR : film de Lucio Fulci datant de 1980).

Le film est très efficace dans les scènes d'action mais plus faible dans les scènes avec les comédiens. Comme si ces dernières t'intéressaient moins ?

On l'a fait comme un film d'exploitation, comme les italiens il y a 30 ans. Donc, sur les vingt jours de tournage, on s'est concentré sur les scènes fortes. Tu sais ce que les gens viennent voir avec un film comme ça. Après, on a eu des problèmes avec une comédienne qui était moins appliquée et qui nous a plantés plusieurs fois. Elle nous a du coup salopé les scènes d'exposition.

Pourquoi ne pas tourner avec des comédiens professionnels ?

Je suis très parano et donc j'ai un gros problème avec le rapport de confiance. J'aimerais bien travailler avec des acteurs professionnels mais il faudrait que je m'assure qu'ils ne soient pas des chieurs. Après, il y a certains de mes acteurs que j'adore. Comme Guillaume Beylard ou le tueur Anthony Cinturino. Je suis tellement fier d'eux que j'ai envie de faire des films avec eux toute ma vie. Ce sont comme des frères. T'as pas envie de lâcher des gens qui se battent pour toi. Sarah Lucide qui joue la sorcière a aussi été formidable. Elle était aveugle avec les lentilles, attachée sur un bûcher, jetée dans l'eau glacée. Elle n'a jamais bronché et c'est vraiment quelqu'un avec qui j'aimerais tourner à nouveau. Idem pour Aurélie Godefroy, qui me suit maintenant sur mes films depuis 10 ans !

Comment s'est passé la présentation du film au marché de Cannes ?

J'ai beaucoup stressé car j'avais peur qu'il n'y ait personne dans la salle. Mais finalement, je l'ai bien vécu. Pour la projection du film à Lyon (NDLR : au festival Hallucinations Collectives), je ne sais pas pourquoi mais j'étais plus tendu. Ici, j'ai eu rapidement des retours positifs. Il y a quand même le même avis qui est revenu : "achète-toi un scénario !" (rires). Déjà, peu de gens sont sortis de la salle alors que nous étions avec des acheteurs. LAST CARESS a été vendu en Allemagne, en Suisse et en Autriche. C'est un soulagement. Ca veut dire que le film va sortir quelque part et que les gens vont le voir. On attend pour un autre contrat en Scandinavie et on a aussi une piste en Angleterre et en Asie.

Quels sont tes projets ?

On a un prochain projet que l'on a commencé à développer. C'est une relecture à notre manière de DEMONS de Lamberto Bava. On reste dans l'italien mais avec quelque chose de plus speed, de très violent et très rentre-dedans. On a vraiment envie que l'on nous remarque pour le suivant. Le titre est FURIES. Ca a côté très comic book finalement. On espère tourner à la rentrée.

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Dossier réalisé par
Eric Dinkian, Sandrine Ah-Son et Micheline Dinkian
Remerciements
François Gaillard, Pascal Garcin, Stéphane Bouyer & Gildas Letourneur Hugon