Header Critique : SHE (LA DEESSE DE FEU)

Critique du film et du DVD Zone 2
SHE 1964

LA DEESSE DE FEU 

Une femme mystérieuse invite des aventuriers britanniques à se rendre à la cité de Kuma, une ville antique perdue dans le désert, sur laquelle règne une puissante souveraine : "Elle-qui-doit-être-obéie"...

L'écrivain britannique H. Rider Haggard rentre dans l'Histoire de la littérature populaire après avoir publié, en 1886, le roman d'aventures "Les mines du roi Salomon", qui, rédigé suite à un pari, connaît rapidement un succès de librairie. Dès l'année suivante, il écrit un autre ouvrage, appelé lui aussi à devenir un classique : "La source de feu". C'est encore un triomphe. En voici l'argument :

Leo Vincey, son tuteur Horace Holly et leur domestique Job se rendent, comme le leur demande le testament laissé par le père de Leo, sur la côte orientale africaine, où ils découvrent, après maintes aventures, le royaume de Kor. Celui-ci est dirigé d'une main de fer par la fascinante Ayesha, alias "Elle", qui prétend être immortelle et avoir déjà vécu plus de deux mille années. Elle voit en Léo la réincarnation de Kallikratès, un homme qu'elle aima si fort, plus de vingt siècles auparavant, qu'elle l'assassina par jalousie... Ce livre connaît un tel succès que Haggard lui donne plusieurs suites, avec "Le retour d'Elle", "La fille de la sagesse", puis "Elle et Allan Quatermain", ce dernier relatant la rencontre entre Ayesha et le héros des "Mines du roi Salomon".

"La source de feu" voit son final transposé à l'écran dès 1899, par George Méliès lui-même, dans le très court métrage LA DANSE DU FEU. Puis, les pays anglo-saxons vont en proposer plusieurs adaptations muettes de 1908 à 1925. Cette dernière année, celle de l'insuccès de l'onéreux SHE (co-production anglo-allemande, titrée LA REINE IMMORTELLE en Belgique), impose un temps d'arrêt à ces transpositions. La première version parlante du roman de Haggard sera LA SOURCE DE FEU, en 1935. Tourné par une équipe regroupant quelques-uns des plus grands talents de la RKO (le réalisateur Irving Pichel, le producteur Merian C. Cooper, la scénariste Ruth Rose, le compositeur Max Steiner...), ce film (dont l'action ne se déroule plus en Afrique, mais au Pôle Nord) connaît néanmoins un accueil public mitigé. Dès lors, à l'exception d'une version indienne appelée MALIKA SALOMI, "Elle" disparaît des écrans.

Mais "Elle" réapparaît au milieu des années 1960, grâce à la firme Hammer. Pour la petite compagnie britannique, il s'agit d'un projet fort ambitieux : bénéficiant du soutien de Seven Arts et de la MGM (distributeur américain du film), elle s'éloigne de ses studios de Bray pour le tourner dans ceux, plus professionnels, d'Elstree. Certains extérieurs exotiques sont filmés en Israël, ce qui correspond à un luxe assez inouï pour un film Hammer. Ayesha est incarnée par Ursula Andress, surgie de "l'onde" trois ans auparavant dans JAMES BOND CONTRE DR. NO. Leo est interprété par John Richardson, qu'on retrouvera pour le rôle de Tumak, l'homme des cavernes, dans une autre production Hammer : UN MILLION D'ANNEES AVANT JÉSUS CHRIST. Les seconds rôles sont assurés par quelques habitués de la firme, parmi lesquels, bien sûr, les incontournables Peter Cushing et Christopher Lee, accompagnés par André Morel (Watson dans LE CHIEN DES BASKERVILLE). Le réalisateur britannique Robert Day s'est auparavant illustré dans l'épouvante (GRIP OF THE STRANGLER, avec Karloff, LE PIONNIER DE L'ESPACE...), l'aventure exotique (TARZAN LE MAGNIFIQUE...) et les séries télévisées (CHAPEAU MELON ET BOTTES DE CUIR...).

Après la première guerre mondiale, trois soldats britanniques, Leo Vincey, le major Holly et Job, se retrouvent, désœuvrés, dans une taverne de Palestine. Une étrange séductrice, Ustane, invite Leo à aller faire une promenade nocturne dans la rue. Il y est assommé par des inconnus. A son réveil, une femme superbe, Ayesha, remet au jeune homme une bague antique, ainsi qu'un plan indiquant la localisation d'une mystérieuse cité : Kuma. Peu après, Leo et ses deux amis partent à dos de chameau dans le désert, à la recherche de la ville perdue. Après moult péripéties (ils manquent d'être rôtis vifs par une tribu peu accueillante), ils atteignent enfin Kuma, qui est en fait un royaume antique, constitué d'un réseau de cavernes creusées dans les parois d'un gigantesque volcan éteint. Ayesha en est la reine, qui soumet ses sujets et les peuplades des environs à son autorité inflexible. "Elle" déclare aux voyageurs qu'elle est une immortelle, née il y a presque deux mille ans. Quant à Leo, elle le considère comme la réincarnation du beau Kallikratès, l'amour de sa vie, mort du temps de Cléopâtre...

Par bien des aspects, LA DÉESSE DE FEU prend certaines libertés par rapport au roman "La source de feu". Le démarrage n'a ainsi plus grand chose à voir. Alors que Leo était le fils adoptif de Holly (le narrateur), ces deux hommes ne sont plus, ici, que des frères d'armes, ce qui amoindrit nettement l'importance du vieux savant. De même, la façon dont Leo est informé de l'existence de Kuma (Kor dans le roman) est bien différente, ce qui permet, dans ce long-métrage, d'introduire Ayesha plus tôt que dans le livre. Des changements chronologiques et géographiques sont à signaler : Ayesha et Kallikratès sont nés quelques siècles plus tard ; l'action se déroule en 1918 ; la cité est dans une région désertique, et non plus dans une zone marécageuse... Certains de ces ajustements s'avèrent heureux, comme le dénouement tragique, qui réserve une surprise astucieuse aux lecteurs de Haggard.

Ces même lecteurs pourraient, dans un premier temps, s'inquiéter du choix d'Ursula Andress pour interpréter Ayesha, en se disant qu'il lui manque tout de même l'autorité et le talent dramatique nécessaire à un rôle aussi fort. Et pourtant, l'actrice d'origine suisse s'impose de façon inattendue. Sa beauté devient ici surnaturelle, et son jeu, mélancolique et apaisé, imprime à son personnage une fragilité et une douceur, en partie trompeuses, dont seront dupes les hommes qu'elle séduira. A nouveau, LA DÉESSE DE FEU se permet quelques libertés, assez discutables, par rapport au matériel d'origine. Alors que dans "La source de feu", "Elle", cloîtrée dans son royaume sauvage, ignorait tout de l'histoire humaine depuis deux millénaires, Ayesha voyage ici librement (on la rencontre dans une ville contemporaine) et n'ignore rien des tragédies mondiales les plus récentes. Elle se permet même quelques prophéties pessimistes semblant annoncer les dangers de l'arme atomique ! Toutefois, les modifications apportées par le travail d'adaptation permettent de ramener le récit sur une durée raisonnable, sans, pour autant, trahir le principal élément du roman : la passion sublime, absolue, intemporelle et inhumaine d'Ayesha pour son amant réincarné.

La Hammer n'oublie pas certains traits qui ont fait sa réputation. Quelques pointes d'érotisme, plus ou moins justifiées (les danseuses dans le cabaret...), sont introduites, tandis que des passages horrifiques sont inventés (les détails de la mise à mort des indigènes) ou soulignés (le spectaculaire dénouement). Enfin, le compositeur James Bernard rédige une excellente partition, à laquelle doit beaucoup l'atmosphère envoûtante et menaçante de ce film.

Pourtant, LA DÉESSE DE FEU semble ne pas aller au bout de son potentiel. Si les moyens mis en oeuvre sont fort confortables pour une production Hammer, ils sont néanmoins insuffisants à la restitution convaincante d'une telle aventure. De nombreuses péripéties spectaculaires sont ainsi escamotées (le voyage jusqu'à la flamme), tandis que les décors, même s'ils sont très soignés, manquent de la diversité et de l'ampleur qu'on est en droit d'attendre pour la reconstitution du royaume de Kor. En effet, seule l'entrée des cavernes, gardée par un colosse de pierre, évoque les descriptions grandioses de Haggard. Ce ne sont pas non plus les quelques momies vénérées par Billali qui rendent justice aux immenses visions macabres de l'écrivain. Dès lors, une fois que les voyageurs sont arrivés à Kuma, l'action stagne et se limite trop souvent à des bavardages un peu ennuyeux et impersonnels.

LA DÉESSE DE FEU reste un film d'aventures agréable, valant notamment par le talent de certains de ses interprètes principaux (essentiellement Andress et Cushing). Il connaîtra un énorme succès commercial, ce qui lancera définitivement la carrière d'Ursula Andress, et encouragera la Hammer à produire d'autres films d'aventures fantastiques mettant en scène des vedettes sexy, comme UN MILLION D'ANNEES AVANT JÉSUS CHRIST avec Raquel Welch, ou LE PEUPLE DES ABÎMES avec Dana Gillespie. Surtout, cette compagnie tournera une suite, LA DEESSE DES SABLES, dans laquelle on retrouve John Richardson, mais pas Cushing, Lee ou Ursula Andress, cette dernière étant remplacée par Olga Schoberova.

Au début des années 1970, la Hammer tenta de revenir aux oeuvres de H. Rider Haggard, en voulant produire ALLAN QUATERMAIN, HIS QUEST FOR THE HOLY FLOWER, mais ce projet ne devait pas aboutir. Quant à Ayesha, elle revint, une première fois, dans SHE, une mini-série sud-africaine de 1979, réputée fidèle au roman. Avec SHE d'Avi Eshner, le cinéma bis italien devait lui faire subir les derniers outrages en transposant son personnage dans des aventures hésitant entre les modes du sous-MAD MAX et du sous-CONAN ! Enfin, une adaptation récente, à la production de laquelle a participé Harry Alan Towers, aurait été tournée en 2001 en Bulgarie, avec, dans le rôle de SHE, notre Ophélie Winter nationale !

Si LA DEESSE DE FEU n'est toujours pas sorti en DVD aux USA ou en France, il a néanmoins eu droit à une édition britannique (PAL, Zone 2), peu fournie, mais dont le prix est raisonnable. Distribué par Warner, ce disque est néanmoins un produit Studio Canal, dont le logo apparaît au lancement du DVD et, de manière fort voyante, sur la jaquette.

Le film est proposé dans son format 2.35 d'origine, mais, hélas, on ne trouve pas d'option 16/9. Le télécinéma laisse franchement à désirer. L'mage semble un peu trop lumineuse, les couleurs sont ternes et les contrastes bâclés (un fondu au "noir" laisse le spectateur face à un écran... vert !). La copie n'est pas de première fraîcheur, puisqu'on y relève quelques taches et autres poinçons. Surtout, des problèmes de moirage envahissants gênent la vision de la quasi-intégralité du film. On ne relève pas de problème de compression et la définition est assez correcte, mais le résultat final est plus proche d'une diffusion télévisée que de ce qu'on est en droit d'attendre d'un DVD. La bande-son, proposée en mono d'origine codée sur deux canaux, est, elle, tout à fait honnête. Quand à l'interactivité, c'est bien simple : il n'y a aucun bonus.

Cette édition minimaliste laisse un peu à désirer, c'est certain. Néanmoins, elle permet aux anglophones de redécouvrir ce sympathique film Hammer, en attendant que son éditeur, Studio Canal, se décide éventuellement à exploiter ce titre sur le marché français...

PS : A propos de "La déesse de feu" et de ses diverses adaptations au cinéma, "L'écran fantastique" numéro 57 propose une excellente étude rédigée par Hervé Dumont.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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L'édition vidéo
SHE DVD Zone 2 (Angleterre)
Editeur
Support
DVD (Simple couche)
Origine
Angleterre (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h41
Image
2.35 (4/3)
Audio
English Dolby Digital Mono
Sous-titrage
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