Bourreau du Shogun, Ogami Itto est obligé d'abandonner sa fonction suite à un complot ourdi par le clan Yagyu. Désormais, il erre sur les routes, avec son jeune enfant, assumant un statut de tueur à gages et pourchassé par les sbires de Retsudo Yagyu…
A la fin des années 60, Kazuo Koike commence sa carrière en tant que scénariste de manga. C'est ainsi qu'il va créer GOLGO 13, l'histoire d'un tueur à gages. Il s'associe alors au dessinateur Goseki Kojima pour lancer une nouvelle série mettant en scène un autre tueur mais cette fois dans le Japon médiéval. On s'amusera d'ailleurs à constater que d'autres personnages inventés par Kazuo Koike sont aussi des tueurs à l'image de LADY SNOWBLOOD ou CRYING FREEMAN. Immédiatement le manga LONE WOLF & CUB ou BABY CART se vend comme des petits pains. Le manga sera publié plusieurs années durant, pour totaliser près de 9000 pages réparties en plus de 140 épisodes (puis compilés par la suite en 28 volumes). Mais avant que le manga ne se termine, l'acteur Shintaro Katsu, mythique interprète du personnage de Zatoichi dans la série de films à succès depuis une dizaine d'années, produit une version cinématographique du manga en partenariat avec la Toho, la maison mère des GODZILLA.
L'écriture du film est confiée fort logiquement à son créateur original, Kazuo Koike. Néanmoins, le personnage de Ogami subit une altération corporelle par rapport au manga avec l'arrivée du frère de Shintaro Katsu pour incarner le rôle principal. Moins racé physiquement que sa version dessinée, l'acteur Tomisaburo Wakayama impose tout de même immédiatement un charisme indiscutable et impressionnant ! La présence de l'acteur fait d'ailleurs partie des grandes réussites de la série tout comme celle de Akihiro Tomikawa, qui malgré son jeune âge réussit à rendre crédible et touchant son personnage. Ce premier film sera rapidement suivi de cinq suites, et connaîtra même une déclinaison pour le petit écran. Bien que le développement de la série télévisée se soit fait en même temps que les versions cinématographiques, l'équipe des films ne travaillera jamais sur cette adaptation pour la télévision, pas même Kazuo Koike ! Beaucoup plus tard, d'autres adaptations verront le jour pour la télévision, avec un téléfilm ainsi qu'une nouvelle série produite en 2002.
Pendant très longtemps, l'histoire de Ogami Itto et de Daïgoro n'était connue que par le biais de SHOGUN ASSASSIN. Un remontage orchestré par le producteur David Weisman et Robert Houston à destination du marché américain. En plus de modifier le montage, de changer la bande sonore et même de réécrire le scénario à sa convenance, SHOGUN ASSASSIN mêle en réalité LE SABRE DE LA VENGEANCE et L'ENFANT MASSACRE sur un peu moins d'une heure et demie. Ce qui sous-entend que cette version du film évacuait littéralement la moitié du métrage. En France, SHOGUN ASSASSIN a été distribué de la même façon via le marché de la vidéo, donnant ainsi une vision biaisée des deux films réalisés par Kenji Misumi. Les films originaux sont ainsi bien plus zen dans leur rythme, en comparaison avec la frénésie avec laquelle s'enchaînent les séquences d'action dans SHOGUN ASSASSIN. Mais pour découvrir les films en version intégrale, il aura fallu attendre de longues années avant de les visionner sur cassette vidéo sous-titrées en France ou sur Laserdisc aux Etats-Unis.
LE SABRE DE LA VENGEANCE suit l'histoire édifiante de Ogami Itto sur les chemins du Japon de la période Edo sous le règne Tokugawa. En dehors de ses scénarios, le manga s'efforçait de coller à la réalité de cette époque. Réalisé au sein de la Toho, gros studio producteur de toutes sortes de genres dont, depuis très longtemps, du film de sabre (LES SEPT SAMOURAIS, la trilogie des MIYAMOTO MUSASHI et bien d'autres…), LE SABRE DE LA VENGEANCE suit donc assez facilement l'aspect réaliste de l'univers du manga que ce soit en terme de décors ou de costumes et gagne au passage la couleur contrairement aux planches originales dessinées en noir et blanc.
Le personnage de Ogami Itto, surnommé le loup solitaire, pourra apparaître de prime abord comme un anti-héros. La première scène du film le mettant en scène lui fait exécuter un enfant contraint de se donner la mort de façon rituelle. Lui-même s'étant décidé à ne pas se suicider, bien que le Shogun lui en ait donné l'ordre, pour continuer à être une sorte de lien entre le monde des vivants et celui des morts, lui donnant l'occasion de se venger.
Daïgoro, le fils de Ogami Itto, est ainsi trimballé par son père dans un landau (le fameux CART) à travers les routes du Japon. La relation avec ce fils donne un aspect plus humain au personnage de son bourreau de père tout en lui gardant une certaine ambiguïté surtout dans le passage où Daïgoro doit choisir entre un ballon et un sabre. Un choix relativement cruel où le symbole de la mort signifie la survie du jeune garçon alors que celui de la vie mettrait un terme à son existence. Une séquence qui donne à elle seule le ton de la série !
La série des BABY CART, c'est aussi le mélange de l'esthétisme du cinéma japonais avec l'ultra violence. A ce niveau-là, LE SABRE DE LA VENGEANCE se permet des giclées de sang exagérées qui ont constitué la marque de fabrique de la série. Pourtant, comme le mixage sonore particulier de certaines scènes, voir à cet effet la petite introduction au film, ces giclées sanglantes et persistantes finissent d'établir la filiation avec l'univers du manga ou plutôt d'une image dessinée. Pourtant la série est aussi, en quelque sorte, une sorte de déviance dans le film de sabre un peu à la manière de ce qu'avaient fait quelques années auparavant les italiens en reformatant à leur sauce le Western américain. Violence exacerbée, personnages à la morale trouble, points de repères faussées et quelques coups de pieds dans la façon traditionnelle d'aborder le genre…
Le travail sur l'image fait par HK Vidéo est assez saisissant surtout si l'on compare avec les Laserdiscs édités aux Etats-Unis par AnimEigo. D'ailleurs, le cadrage du Laserdisc grignotait largement de l'image alors que le transfert de HK Vidéo affiche le format large du film dans toute sa splendeur.
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Il faudra tout de même noter que sur quasiment toute la durée du film, il y a une sorte d'instabilité horizontale donnant l'impression d'un léger mouvement plus ou moins décelable en fonction des plans. Il ne s'agit pas d'un défaut puisque ce phénomène semble être normal ou en tout cas il apparaît sur toutes les versions du film que nous avons pu voir jusqu'à maintenant. Malgré de tout petits défauts de pellicule, l'image du film sur ce DVD s'avère être un bonheur !
S'il existait un doublage français sur la cassette VHS de SHOGUN ASSASSIN datant des années 80, LE SABRE DE LA VENGEANCE ne pouvait pas être présenté ici en version française puisque le doublage n'existe pas ! HK Vidéo n'a pas essayé d'en réaliser un spécialement pour cette édition DVD ce qui n'avait, de toutes façons, que bien peu d'intérêt tant ce type de film ne peut se déguster qu'en version originale sous-titrée. La bande-son d'origine n'a pas eu à subir un vilain remix destiné à lui donner un attrait commercial en 5.1 et c'est tant mieux, surtout que le mono d'origine est plutôt clair et dynamique !
Hormis trois biographies accompagnées de filmographies, celles du réalisateur, de l'acteur principal et du scénariste, le disque contient la bande-annonce japonaise du SABRE DE LA VENGEANCE où l'on peut d'ailleurs voir subrepticement des images du manga original. Une galerie de photos, non interactive et donc où l'on ne peut pas naviguer correctement, et des clips vidéo des autres titres sortis ou à sortir en DVD chez HK Vidéo complètent la section des suppléments.
Pourtant, le plus intéressant des suppléments n'est pas sur le menu dédié. Il s'agit d'une petite présentation qui remet le film dans son contexte et que l'on peut découvrir seulement si l'on décide de lancer le film. A ce moment-là, un menu vous propose de voir ou ne pas voir cette présentation avant de visionner LE SABRE DE LA VENGEANCE. Un placement étrange dans le sens où ceux qui ne connaissent pas encore le film seront peut-être tentés de regarder cette présentation, ce qui risque de déflorer quelques surprises !
LE SABRE DE LA VENGEANCE est commercialisé dans un étui où sont glissés trois digipacks au look classieux, typiques de la collection HK Vidéo. Ce premier volume triple DVD reprend ainsi les trois premiers films de la série : LE SABRE DE LA VENGEANCE, L'ENFANT MASSACRE et DANS LA TERRE DE L'OMBRE. Certains se plaindront peut-être d'être obligés de débourser une somme assez élevée alors qu'ils auraient préféré acheter les films indépendamment. Mais franchement au vu du tarif d'une telle édition, cela donne la possibilité de faire l'acquisition de la première moitié de la série à petit prix. Une série qui se consomme dans son intégralité et dont les deux premiers films sont de véritables perles !