Un pharmacien met à mort de façon spectaculaire des pollueurs notoires. Un policier écologiste et mal dans sa peau est chargé de mener l'enquête...
LE PHARMACIEN DE GARDE est le premier long métrage de Jean Veber, fils du célèbre réalisateur de comédies Francis Veber. Il avait déjà derrière lui un court-métrage, LA BALLADE DE DON, transposition contemporaine de "Don Quichotte de la manche", produit par Orly Films. La même compagnie finance donc ce film policier, que Jean Veber écrit lui-même. Il bénéficie de la participation de quelques pointures françaises, comme le maquilleur Benoît Lestang (LE PACTE DES LOUPS) ou les décorateurs Pierre Queffelean et Hoang Thanh At (ASTERIX ET OBELIX : MISSION CLEOPATRE). De même, les rôles principaux sont tenus par deux acteurs connus : Vincent Perez et Guillaume Depardieu.
Yan Lazarrec, un pharmacien passionné d'écologie et de folklore celte, est bouleversé par le naufrage du pétrolier Erika au large du littoral breton. Les responsables n'étant pas punis, il décide de faire lui-même justice et assassine un responsable de la catastrophe : le corps de cet homme est retrouvé par la police, enlisé dans une flaque de mazout. Puis, Yan s'en prend à d'autres ennemis de la nature, liés au commerce du tabac ou aux expérimentations sur les animaux. Ses forfaits, toujours spectaculaires, sont signés par une rune druidique, appelée le "signe de la Terre". A l'occasion d'une conférence sur les Organismes Génétiquement Modifiés, Yan rencontre François Barrier, lui aussi un écologiste convaincu. Les deux hommes se lient d'amitié. Le serial killer ignore que François est le policier chargé d'enquêter sur ses forfaits, et François lui-même ne sait pas encore que Yan est l'homme qu'il traque...
Le renouveau du cinéma de genre français a à peu près coïncidé avec la fin de la grande vague des films de serial killer américain des années 1990, vague qui succéda aux succès du SILENCE DES AGNEAUX et SEVEN. La figure du tueur maniaque n'est pourtant pas inédite dans le cinéma français, et elle y avait déjà été déclinée au temps où y triomphaient les films policiers (MAIGRET TEND UN PIEGE de Jean Delannoy, PEUR SUR LA VILLE de Henri Verneuil...). Elle revient sur le devant de la scène en l'an 2000 avec SIX PACK d'Alain Berberian, très froidement accueilli ; puis le remarquable SCENES DE CRIMES de Frédéric Schoendoerffer ; et enfin LES RIVIERES POURPRES de Mathieu Kassovitz, un triomphe commercial.
Yan s'inscrit dans une tradition de serial killer assez proche du fantastique. S'improvisant vengeur de la nature souillée, il organise des mises à mort délirantes, organisées comme autant d'avertissements aux pollueurs de la planète. Ses stratagèmes macabres sont élaborés dans son antre sous-terrain, regorgeant de fioles fumantes et colorées, rappelant les laboratoires du professeur Frankenstein de la Hammer. Délirant, fiévreux, supérieurement intelligent, un peu cabotin et doucement mégalomane, sa personnalité et ses méthodes rappellent le Vincent Price vengeur de L'ABOMINABLE DOCTEUR PHIBES ou de THEÂTRE DE SANG ; ou encore des génies du crime de roman-feuilleton comme le docteur Mabuse, Fantomas ou Fu-Manchu. Veber ne cache pas son affection pour le cinéma d'épouvante, auquel il rend hommage en reprenant des plans célèbres de HALLOWEEN, PSYCHOSE ou TENEBRES.
Hélas, si les intentions sont sympathiques, le reste ne suit pas forcément aussi bien. La première demi-heure, reposant essentiellement sur la description des meurtres commis par Yan, est laborieuse et souffre d'un recours trop facile au hors-champ et à l'ellipse (le mazout, l'employée de l'hôtel...). Seule la mise à mort par les cigarettes permet une mise en scène horrifique intéressante. La description de la vie des agents de police semble verser dans une comédie peu inspirée, et la présence d'acteurs comiques entraîne des décalages assez lourds. On s'interroge encore sur certaines digressions scénaristiques, complètement déplacées, nuisant à la cohérence et au rythme du récit (le maniaque courant tout nu dans les caves d'un HLM, ou le braquage de la pharmacie). Enfin, il faut bien reconnaître que le choix, comme acteurs principaux, de Vincent Perez et de Guillaume Depardieu peut parfois sembler discutable, d'autant plus qu'ils ne semblent pas dirigés avec beaucoup d'efficacité.
Pourtant, LE PHARMACIEN DE GARDE parvient à tirer son épingle du jeu à plusieurs niveaux. La description des personnages s'avère, en fin de compte, assez touchante. Guillaume Depardieu apporte de la fragilité à son personnage de flic mal dans sa peau et dans son métier. Vincent Perez donne même une épaisseur humaine intéressante à Yan. L'amitié qui les lie, d'autant plus évidente que François a bien plus en commun avec ce tueur qu'avec ses collègues, est particulièrement bien exploitée au cours du dénouement dans la ferme. Ce passage réellement touchant nous entraîne bien loin de tout manichéisme crispant, souvent de mise dans les films américains du même style. Saluons enfin la prestation très réussie de Pascal Légitimus en prostitué travesti, à la fois drôle et attachant, qui domine d'une bonne tête le reste du casting. Dommage que son rôle soit si court...
LE PHARMACIEN DE GARDE est loin d'être un chef-d'oeuvre, et souffre de défauts évidents : mise en scène un peu fade, casting moyennement convaincant, difficulté à faire cohabiter humour et thriller, digressions malvenues... Il s'agit néanmoins d'une courageuse tentative, maladroite certes, de proposer un thriller horrifique à visage humain. Sa sortie dans les salles françaises, dans une combinaison de salles très confortable, s'est soldée par des résultats fort mitigés. Affublé d'un titre franchement énigmatique, d'une affiche peu parlante à l'accroche grotesque ("Ce qu'il fait la nuit n'est pas remboursé par la sécurité sociale" !), il ne parvient pas à convaincre le public ou la critique. Il sort désormais en DVD en France, dans une édition double.
L'image est proposée dans son format 1.85 d'origine, en 16/9. Elle n'appelle pas de commentaires particuliers, les problèmes relevés ponctuellement (compression perceptible dans les scènes les plus sombres) n'enlevant rien à la très bonne qualité d'ensemble de ce transfert.
On peut choisir à sa guise parmi les différentes options de la bande-son : une belle piste DTS-ES, du Dolby Digital 5.1 ou du Dolby Digital 2.0. Un sous-titrage anglais est même intelligemment proposé. Il aurait été encore plus malin, à mon avis, de rajouter un sous-titrage français pour les malentendants...
Le premier DVD contient quelques bonus, parmi lesquels une petite featurette de six minutes et la bande-annonce du film. On a aussi accès à un commentaire audio par Jean Veber, dont on regrette qu'il manque un peu de densité. Franchement, il aurait gagné à être condensé en une simple interview d'une petite demi-heure.
Sur le second DVD dédié aux bonus, on trouve d'abord un making of de 15 minutes, puis des petits documentaires consacrés à des sujets précis, comme les maquillages ou les décors (environ 20 minutes en tout). On peut écouter un extrait de la musique du film et lire des notes rédigées par son compositeur ; ou encore consulter des comparaisons film / story-board pour quelques scènes.
On trouve des filmographies de Jean Veber, Vincent Perez et Guillaume Depardieu, ainsi que le court-métrage LA BALLADE DE DON (6 minutes). Pour ces trois personnes, on trouve aussi des interviews... hélas déjà largement citées dans le "Making Of". Enfin on retrouve (pour la seconde fois !) la bande-annonce, un teaser, ainsi que de nombreux projets d'affiche, trahissant une certaine hésitation quant au titre du film : "L'apothicaire", "Meurtres contre nature", "Le sang de la Terre" ! Enfin, on a accès à une large sélection de bandes-annonces du même distributeur. Bref, une interactivité variée mais qui sent tout de même fortement le remplissage (les story-boards), la redondance (les Making Of et les interviews) ou le manque de densité (le commentaire).
Très inégal, mais néanmoins honorable, LE PHARMACIEN DE GARDE ne mérite peut-être pas l'accueil indifférent qui lui a été reservé à sa sortie. Cette édition DVD, correcte, lui donne donc une seconde chance d'atteindre le public.