En 2346, la ville de Yokohama est sous la dictature de Woo, un mafieux chinois qui impose à tous les habitants la prise d'une drogue stérilisante. Tandis qu'une escouade de guérilleros tente désespérément de s'interposer contre cet ordre fasciste afin de libérer l'acte de procréation, un cyborg en fuite du nom de Ryô (Sho Aikawa) vient rejoindre la résistance. Les possibilités physiques hors du commun de ce dernier vont se montrer décisives dans le combat contre Woo et sa milice dirigée par le dévoué Honda (Riki Takeuchi).
DEAD OR ALIVE : FINAL, loin d'être le dernier film du réalisateur fou Takashi Miike, est en tout cas son dernier film disponible en DVD sous-titré (au moins) en anglais. Bête de festival, le cinéma de Miike roule d'abord sa bosse aux quatre coins du monde lors de projections spéciales, obligeant ainsi le spectateur non mobile à multiplier les sources d'importations pour profiter de la délirante filmo du cinéaste en vidéo. Alors que les premiers DEAD OR ALIVE sont disponibles entre autre en éditions anglaises, c'est vers Hong Kong qu'il faudra se tourner pour visionner ce nouvel opus, l'engagement de spécialistes d'art martiaux chinois pour certaines séquences expliquant cela.
DEAD OR ALIVE : FINAL est ainsi le troisième volet d'une série franchement culte chez les fans de Miike. Le premier film, un polar datant de 1999, était l'instigateur du «buzz» autour du réalisateur japonais grâce à sa séquence d'exposition et à son final complètement dingue, qui laissa plus d'un festivalier multi-retourné dans ses chaussettes. En s'attaquant à une suite un an plus tard, DEAD OR ALIVE : BIRDS, Miike changea son fusil d'épaule pour accoucher d'une rêverie surréaliste et incroyablement violente que beaucoup considèrent comme son meilleur film. Inutile de préciser que DOA : FINAL était plus qu'attendu par certains cinéphiles et que, comme toujours, Miike récompensera cette attente par une œuvre complètement à rebrousse poil de toute expectative.
Les DEAD OR ALIVE ne sont pas des suites directes mais plutôt des variations autour de la confrontation de deux hommes que tout oppose, tout du moins en apparence. Véritables fils conducteurs de la série, les deux comédiens Sho Aikawa (GOZU, LEY LINES ou encore RAINY DOG du même Miike) et Riki Takeuchi (bientôt à l'affiche de BATTLE ROYALE 2) se sont d'abord massacrés en leur qualité respective de policier et de yakusa dans le premier opus.
Nouveau film, nouveaux personnages, les voilà tous deux tueurs à gages concurrents finalement réunis par la nostalgie de leur enfance dans DEAD OR ALIVE : BIRDS. Troisième et vraisemblablement dernier film, DOA : FINAL inverse les rôles du premier DEAD OR ALIVE (Aikawa passe de policier à renégat, et Takeuchi passe de yakusa à chef de milice) tout en changeant radicalement d'univers puisque Miike se frotte ici à la science fiction.
Avant de s'enfoncer un peu plus dans la description de ce DEAD OR ALIVE : FINAL, arrêtons-nous quelques instants sur la personnalité hors norme de son auteur, histoire d'éviter toute méprise. Bien que le nom de Takashi Miike devienne de plus en plus populaire, le débat autour de son cinéma n'en est toujours pas résolu. Génie pour les uns, tâcheron pour les autres, le cas Miike ne trouve aucune médiation entre ces deux axes, preuve de l'incroyable malentendu entourant le cinéaste japonais. Car Miike n'est pas un metteur en scène au sens premier du terme, c'est un artiste mutant détournant littéralement le cinéma de son cadre afin d'en livrer une vision chaotique, impulsive, parfois personnelle, et toujours en roue libre. En l'état, Miike est plus un cinéaste avant-gardiste, un fabricant d'expériences proposant ses films comme autant de happenings auxquels on adhère instinctivement ou que l'on rejette sans rémission.
DEAD OR ALIVE : FINAL s'inscrit totalement dans ce projet de cinéma autre, puisque Miike va laisser libre cours à sa liberté artistique légendaire pour nous livrer un film multi-schizophrène. Débutant comme un produit SF bien de son temps (avec un affrontement martial généreusement «bullet-timisé» avec les moyens du bord), DOA : FINAL va très vite rebrousser chemin en se redirigeant vers le drame contemplatif. Miike n'exploite pas une seconde l'univers rétro futuriste de son film, et va même jusqu'à bâcher en moins de trente minutes son histoire d'affrontement entre milice et résistance, en faisant exterminer l'un des deux camps. Comme d'habitude, ce qui intéresse Miike est ailleurs. Ce dernier se focalise plus volontiers sur le renoncement de ses personnages, comme s'il cherchait à exploiter «l'à côté» de son univers. Pour enfoncer le clou, le cinéaste va même jusqu'à geler totalement le déroulement du film en montrant ses deux héros s'immobiliser dans un cheminement que l'on pensait pourtant couru d'avance : Honda voit sa vie bouleversée lorsqu'il découvre que ce qu'il chéri à été fabriqué de toutes pièces pour mieux l'asservir, tandis que Ryô refuse tout engagement idéologique afin de mieux profiter de sa complicité avec un enfant qu'il a sauvé.
Refusant un monde déliquescent et sans lois (ce que découvre Honda à son insu), tournant volontairement le dos à ses responsabilités, Ryô semble trouver un intérêt dans l'existence uniquement par le biais du regard d'un gamin, rejoignant la fascination de Miike envers le monde de l'enfance et de son appartenance. Car DOA : FINAL n'est finalement qu'une ode à l'enfance perdue, seul remède à un monde violent et corrompu, seul avenir d'une humanité qui a déjà tout foiré. Vu sous cet angle, il paraît vite évident que l'argument de science-fiction n'est qu'un prétexte, ce qui ne manquera pas de déboussoler ceux qui venaient chercher du gros délire pétaradant ou du trash futuriste sur le nom du réalisateur du sulfureux ICHI THE KILLER. Par désintérêt ou par manque de moyen (le budget est franchement anémique et le film semble avoir été tourné très rapidement), Miike préférera largement le discours à la démonstration, une attitude que sa réputation de cinéaste de l'extrême n'a pas eu encore le temps de digérer.
Mais si DOA : FINAL est, au final (!), une réussite, c'est surtout parce que le film s'inscrit dans un ensemble, une œuvre (n'ayons pas peur des mots), qui lui offre tour à tour un contexte et une justification. Les néophytes du cinéma de Miike seront très vite largués dans ces 90 minutes de langueurs régressives, manquant cruellement de clefs pour y décoder le discours sur l'enfance, le fantasme qu'a Miike de peindre une société pan-asiatique (les personnages se répondent en japonais, cantonnais et anglais à l'intérieur des mêmes dialogues), ainsi que pour appréhender les imprévisibles pétages de plomb conceptuels qui ont fait la renommée du cinéaste. Comme il se doit, DOA : FINAL nous en réserve un gratiné, donnant un justificatif incongru aux affrontements des incarnations de Aikawa et Takeuchi. Après une empoignade Hong Kongaise très réussie, Miike nous avouera (au sens propre) que les deux hommes ne sont que les deux facettes d'une même entité : un ange exterminateur armé d'un gigantesque pénis. Comme il se doit, le film s'achèvera alors sur une violente sodomie!
Bien que les éditions chinoises se soient nettement améliorées ces derniers temps, le DVD de DOA : FINAL se trouve être de piètre qualité. Le format du film a beau être respecté, l'image n'est pas anamorphosé (pas de 16/9). Plus embêtant, la copie souffre d'une compression franchement lourde et d'une définition tout juste acceptable. Autre détail, comme le film brasse les langages, des sous-titres japonais sont régulièrement présents en plus des lignes de sous-titres optionnels. Très sincèrement, on se croirait devant un VCD. Mais avant de jouer au consommateur mécontent, rappelons tout de même que cette édition ne coûte que trois fois rien. Pas d'étincelles non plus question audio, le son étant réparti dans un stéréo basique mais efficace (là pour le coup, c'est d'origine). Pour les bonus, ce sera vite fait puisqu'il n'y en a aucun!
Que ceux qui enfournent DEAD OR ALIVE : FINAL dans leur lecteur afin de se rassasier d'une bonne dose de branquignolade gore matinée de kung fu SF se ravisent. Fidèle à sa réputation (de chien fou), Miike a tourné le dos à son autre réputation (celle de réalisateur trash) pour achever sa trilogie dans l'introspection et l'immobilisme. Un spectacle (encore une fois) génialement hors norme, à conseiller cependant à ceux qui ont déjà prise avec l'univers du cinéaste sous peine d'être violemment largué par ce qui se passe (ou non) sur l'écran. Totalement iconoclaste, quel que soit le bout par lequel on essaie de prendre ce final.