Header Critique : JEREMIAH JOHNSON

Critique du film et du DVD Zone 1
JEREMIAH JOHNSON 1972

 

En 1820, Jeremiah Johnson prend la décision d'aller vivre seul dans les montagnes Rocheuses, situées à l'ouest des États-Unis d'Amérique. Après des débuts difficiles, il fait la connaissance de Bear Claw, un vieux trappeur, qui lui apprend à survivre dans la nature. Johnson adopte Caleb, un petit orphelin muet. Puis, il se retrouve marié, un peu malgré lui, à Swan, la fille d'un chef indien. Finalement, il s'installe avec son épouse et son fils dans une paisible vallée, où il mène une vie idyllique. Mais un drame terrible va s'abattre sur eux...

JEREMIAH JOHNSON est basée sur l'histoire réelle du trappeur "Crow eater" Johnson, qui vécut au début du XIXème siècle. Rejetant la civilisation industrielle naissante, cet homme prit la décision romantique d'aller vivre seul dans les Rocheuses. Mais, sa famille est un jour massacrée par des indiens Crow. Par vengeance, il tua des indiens, dont il dévora le foie, ce qui, selon les traditions de cette tribu, empêche le passage de l'esprit du mort vers l'Au-delà.

Au début des années 1970, le western américain brille de ses tous derniers feux. Alors que, dans les années 1930-1940, il glorifiait la splendeur du territoire américain et la bravoure des héros fondateurs des États-Unis, ce genre reflète désormais les doutes d'un pays qui a traversé une décennie de crise, entre le meurtre de Kennedy en 1963, les émeutes raciales ou la guerre du Vietnam. Alors que les héros vieillissants de l'ouest tirent leur révérence chez Peckinpah (LA HORDE SAUVAGE, UN NOMMé CABLE HOGUE...), le sort injuste réservé aux indiens d'Amérique est désormais dénoncé avec une grande véhémence, dans SOLDAT BLEU de Ralph Nelson notamment, qui se conclut sur le massacre "Gore" de femmes et d'enfants indigènes par des soldats américains.

On commence à se pencher sur la description des tribus indiennes, de leur histoire et de leurs coutumes de façon plus précise qu'auparavant, dans des oeuvres comme LITTLE BIG MAN d'Arthur Penn, UN HOMME NOMME CHEVAL d'Elliott Siverstein ou FUREUR APACHE de Robert Aldrich. Quant aux colons "héroïques", ils en prennent pour leur grade, par exemple à travers le portrait de la communauté lâche que vient hanter L'HOMME DES HAUTES PLAINES dans ce film interprété et réalisé par Clint Eastwood.

En 1969, Sidney Pollack réalise le drame ON ACHÈVE BIEN LES CHEVAUX, qui, sans être un vrai succès public, est très remarqué par la critique : il reçoit ainsi neuf nominations aux Oscars. C'est enfin, pour lui, la vraie reconnaissance américaine dont il avait besoin pour faire passer sa carrière à la vitesse supérieure. Il est alors intéressé par le script de JEREMIAH JOHNSON, bien qu'il juge la partie liée à la vengeance du trappeur trop violente. Il s'engage à mettre le film en scène pour Warner Bros, et obtient son ami Robert Redford, devenu récemment une star grâce au film de George Roy Hill : BUTCH CASSIDY ET LE KID, pour interpréter le rôle titre.

Mais Warner leur donne du fil à retordre : pour des raisons d'économie, le studio refuse que le film soit tourné dans les Rocheuses. Pollack envisage de se retirer du projet, mais, contractuellement, son ami Redford est coincé sur ce film. Finalement, après de longues négociations, Pollack obtient de pouvoir tourner son film entièrement en décor naturel dans l'Utah, en plein cœur des Rocheuses, mais avec des infrastructures techniques réduites. Tous ces démêlés avec le studio hollywoodien auront néanmoins laissé le temps suffisant au réalisateur pour accomplir un vaste travail de préparation ainsi qu'une réécriture approfondie, avec l'aide de son complice David Rayfiel.

Par son aspect extérieur, JEREMIAH JOHNSON se rattache indéniablement à la branche du western mettant en scène trappeurs et montagnards ("mountain men"). Ces hommes, rompus aux rudes conditions de vie que leur imposent leur somptueux cadre de vie, vivaient du commerce des peaux des bêtes sauvages qu'ils capturaient. On les trouvait déjà dans des westerns classiques, comme LA CAPTIVE AUX YEUX CLAIRS de Howard Hawks, AU PAYS DE LA PEUR avec Stewart Granger, ou bien dans les films familiaux dédiés par le studio Disney au plus célèbre d'entre eux : DAVY CROCKETT, ROI DES TRAPPEURS et DAVY CROCKETT ET LES PIRATES.

Avec le mouvement hippie, la recherche d'un mode de vie en harmonieux dans la nature trouve une résonance particulière avec la culture indienne et la tradition des premiers montagnards blancs. Alors que le western menaçait de se démoder, JEREMIAH JOHNSON aborde ainsi des thèmes parfaitement en phase avec son époque. Par ailleurs, son récit et son rythme ne sont pas ceux d'un western traditionnel. Il ne repose guère sur une structure solide, qui ramasserait l'action sur une durée limitée et dans des lieux précis. Cette longue errance incertaine et, par bien des aspects, mélancolique, évoque bien plus le tempo contemplatif du DERSOU OUZALA de Kurosawa (avec lequel il a bien des points communs), voire d'un "road movie".

Le voyage de Jeremiah Johnson ne semble pas vraiment avoir de but. Il paraît savoir ce qu'il fuit, mais pas vraiment ce qu'il cherche. Son parcours ne sera pas géographique. Il se construira avant tout autour de rencontres : l'indien énigmatique qu'il croise à la rivière ; le vieux trappeur Bear Claw ; la femme folle ; l'aventurier goguenard del Gue. Certes, il trouvera le bonheur et l'équilibre avec la famille qu'il se constituera (bien malgré lui : aussi bien la compagnie de Caleb que celle de Swan lui sont imposées par les circonstances !). Mais, le cœur du film correspond à la destruction de son bonheur, provoquée aussi bien par l'imprudence et l'ignorance des hommes blancs que par la rigueur excessive des traditions indiennes. Même caché au fin fond des Rocheuses, le mal a retrouvé Johnson. Ce dur retour à la réalité le dissuadera définitivement de frayer avec l'humanité, aussi bien indienne que blanche.

Dès lors, Jeremiah fera son chemin à l'envers, rencontrant à nouveau les mêmes personnes qu'il a croisées, dans l'ordre chronologique exactement inverse, jusqu'à la retrouvaille avec l'indien. Mais, alors que leur première rencontre avait été maladroite et dubitative, cette ultime échange se fait dans le respect. Johnson, l'homme, a connu une vie amère et brutale. Mais sa légende est devenue une part de l'histoire américaine, que ce soit pour les indiens, qui l'admirent, ou pour les blancs (l'existence de ce film en est bien la preuve).

Jeremiah Johnson, c'est avant tout Robert Redford, parfois drôle, parfois déchirant, qui tient ici un de ses rôles les plus forts, auquel il reste identifié pour bien des spectateurs. C'est aussi les superbes paysages des parcs naturels de l'Utah, dont Pollack met remarquablement en valeur la diversité et l'atmosphère imposante, notamment en jouant intelligemment sur les différentes qualités de silence dans lesquelles se perdent les bruits de la dérisoire activité des hommes, ces petits points à peine visibles sur les flancs de gigantesques glaciers.

Certes, la réalisation de Pollack n'a ni la virtuosité, ni l'élégance formelle qu'avaient, à la même époque, les travaux d'un Leone ou d'un Peckinpah. Cela se ressent parfois, dans certaines scènes d'action notamment. Le rythme est un peu languide, ce qui n'est pas anormal pour un tel film. Néanmoins, la façon dont se réalisateur met en valeur, avec générosité, ses acteurs et ses personnages rend cette histoire très touchante, notamment dans la description des moments de bonheur sincère partagés par Johnson et Swan, qui ne sombre jamais dans la niaiserie.

Surtout, la structure même de JEREMIAH JOHNSON, cet aller-retour symétrique, est typique des oeuvres de Pollack, qui dit particulièrement apprécier que les personnages se retrouvent, à la fin de leur périple, au même point qu'au début. Il en est ainsi du couple formé par Barbra Streisand et Redford dans NOS PLUS BELLES ANNÉES, qui se retrouvent aussi seuls à la fin du compte qu'avant leur première rencontre. De même, Karen, dans OUT OF AFRICA connaît une pareille aventure quand, après la mort de Denys et le fiasco définitif de sa ferme, elle retourne seule et ruinée au Danemark. Comme eux, Jeremiah Johnson se retrouve, au bout de sa route, riche de l'expérience du bonheur ; mais il a été aussi rendu amer par sa perte inéluctable et par le naufrage de ses rêves idéalistes.

Ce DVD propose un transfert 16/9 de facture très honorable. La compression, les couleurs, la luminosité et la définition sont notamment très réussies. Dommage que l'état de la copie soit (légèrement) en retrait, avec la présence d'un grain quelques fois insistant et de petits points blancs assez nombreux. Le résultat est néanmoins globalement de très bonne qualité.
La bande-son est proposée dans un nouveau mixage Dolby Digital 5.1, mettant remarquablement en valeur la musique. Une bande française est ici disponible, mais il s'agit d'une piste mono assez rude. On note que les chansons sont traduites et chantées en français dans cette version. On dispose, pour le film seulement, de sous-titrages anglais, espagnol et français.
Les bonus ne sont certes pas légion. On trouvera une bande-annonce et une courte featurette d'époque, toutes deux assez granuleuses. Puis, on peut accéder à quelques bio-filmographies (Redford, Pollack, Milius...) et à des notes de production, sympathiques, mais qui auraient pu être un peu plus étoffées.

JEREMIAH JOHNSON est donc un western atypique, un film généreux, singulier et attachant. Si on peut penser que cette oeuvre reconnue aurait mérité un meilleur traitement en ce qui concerne les bonus, les qualités d'image et de son rendent, de leur côté, justice à ses belles images.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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Un beau film d'aventures
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La section bonus aurait gagné à être plus étoffée
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L'édition vidéo
JEREMIAH JOHNSON DVD Zone 1 (USA)
Editeur
Support
DVD (Simple couche)
Origine
USA (Zone 1)
Date de Sortie
Durée
1h56
Image
2.35 (16/9)
Audio
English Dolby Digital 5.1
Francais Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Anglais
  • Français
  • Espagnol
  • Supplements
    • The Saga of Jeremiah Johnson (Featurette - 10mn22)
    • Bande-annonce
    • Notes de production
      • Bio/filmographies
      • Robert Redford
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      • Sydney Pollack
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