Seymour Parish tient, dans un supermarché situé au cur
d'une banlieue aisée, le rayon photographie. Il est donc chargé
de développer les photos que lui laissent ses clients, allant
de la mère de famille à l'adepte de porno amateur. Grâce
à son métier, Parish peut suivre les vacances, les fêtes
et les évènements importants des vies de ses clients.
Solitaire et mal à l'aise en société, il s'est
entiché de la famille Yorkin, et collecte, à leur insu,
des doubles de toutes leurs photos depuis des années. Mais, derrière
les apparences d'une famille parfaite, riche et aimante, la vie des
Yorkins est loin d'être aussi idyllique que Parish le croit. Quelque
chose va se casser en lui lorsqu'il va s'en rendre compte...
PHOTO OBSESSION est la première réalisation de Mark Romanek, qui a auparavant acquis les bases de son métier dans le domaine de la publicité et de la vidéo musicale (pour Madonna, R.E.M ou David Bowie...). Il a lui-même rédigé ce script en sachant qu'il n'aurait accès qu'à un petit budget (le film se fera pour 12 millions de dollars). Toutefois, Robin Williams s'intéresse au scénario et accepte de travailler pour un salaire bien inférieur à ses habituels émoluments. La carrière de cet acteur est alors à un point assez incertain ; loin d'être la star qu'il était à la période de GOOD MORNING VIETNAM ou LE CERCLE DES POÈTES DISPARUS, sa carrière alterne alors des succès commerciaux (DOCTEUR PATCH, WILL HUNTING...) avec des bides retentissants (AU-DE LA DE NOS RÊVES, L'HOMME BICENTENAIRE...). Incarner un personnage déséquilibré et introverti présentait, a priori, un risque pour Williams, plutôt associé aux comédie et aux bons sentiments.
PHOTO OBSESSION se présente comme une étude psychologique approfondie de son personnage principal : Seymour Parish. Vieux garçon solitaire et mal dans sa peau, sans ami ni famille, il ne vit que pour son métier, qui consiste à développer les films photographiques dans un supermarché. Extrêmement consciencieux et perfectionniste dans son domaine, le vide absolu de sa vie personnelle est toutefois, pour lui, la source d'une souffrance inouïe. Afin de compenser ce manque, il s'invente un lien avec la famille Yorkin. Ce jeune couple riche et beau, parents d'un jeune garçon Jake, incarne à ses yeux l'idéal d'une vie et d'un bonheur dont il se sent irrémédiablement privé. Il collectionne donc, sans que les Yorkin ne soient au courant, des doubles de toutes leurs photographies de famille. Parish va alors tenter, maladroitement, de se rapprocher d'eux. Il découvrira alors que sous cette apparence de bonheur parfait, la famille Yorkin traverse une crise bien éloignée de la joyeuse harmonie qu'expriment leurs clichés privés. Cette révélation sera pour lui un choc, qui le poussera à commettre des actes gravissimes...
On est d'abord impressionné par la très grande maîtrise formelle dont fait preuve la réalisation de Mark Romanek. S'appuyant sur une photographie extrêmement soignée de Jeff Cronenweth (FIGHT CLUB), PHOTO OBSESSION bénéficie d'un style extrêmement rigoureux, reposant sur des cadrages composés avec un soin extrême, et utilisant les mouvements de caméra avec économie et toujours à bon escient. La composition assez dépouillée des décors, ainsi qu'un excellent travail sur la bande-son, participent encore à l'impression d'une forme extrêmement réfléchie et aboutie. Lorsque Seymour déambule dans les couloirs de son supermarché, éclairé et cadré de manière à rendre toute l'aseptisation de cet univers, on pense même au Kubrick de 2001, L'ODYSSEE DE L'ESPACE ou à SHINING, ce qui n'est pas un mince compliment ! A la limite, on peut même trouver que Romanek en fait parfois un peu trop, avec des cadrages jouant très souvent la carte mise en abîme, de façon un peu lourde. On peut aussi être légèrement réservé sur le rythme un peu lent de l'ensemble du film qui, à cause d'un déroulement assez conventionnel, se revèle un peu trop prévisible : seul le dernier quart d'heure est réellement riche en surprises.
La personnalité de
Parish se rapproche, dans une certaine mesure, d'autres psychopathes
célèbres pour leur obsession pour les images et les mécaniques
de prise de vue. Parmi ces sociopathes, Mark Lewis, dans LE
VOYEUR, est certainement le mètre-étalon du genre,
tant l'analyse pointue de son caractère proposée par le
réalisateur Michael
Powell est riche et rigoureuse. On pense aussi à Dollarhyde,
le tueur du SIXIÈME
SENS, qui, travaillant lui aussi dans un laboratoire de développement,
se procure des films privés montrant des familles unies, heureuses
et épanouies, incarnation d'un bonheur "normal" dont
il se sent exclu. Certes, Parish est un personnage moins extrême
que ces deux célébrités du cinéma d'épouvante
; il n'en reste pas moins que sa personnalité, et même
ses motivations les plus profondes, sont les mêmes que ces grands
obsédés de l'image.
PHOTO OBSESSION est porté par l'interprétation étonnante de Robin Williams, métamorphosé physiquement par un travail de maquillage indécelable au cours du métrage. Toutefois, l'étude du pathétique Parish est réalisée avec un tel soin du détail que les autres personnages semblent un peu sacrifiés, et réduits à des caricatures (particulièrement Will Workin), ce qui nuit peut-être légèrement à la crédibilité du propos.
L'image proposée par ce DVD est a priori de bonne facture, surtout en ce qui concerne la gestion générale de la luminosité et des magnifiques couleurs. On regrette pourtant que dans les scènes sombres, ces qualités s'estompent pour donner une image aux contrastes instables. On note aussi une compression qui laisse apparaître, parfois, des fourmillements plus ou moins insistants dans les arrière-plans et, plus curieux, la présence d'un très léger tremblement de l'image dans quelques plans. Le résultat d'ensemble est néanmoins tout à fait acceptable, surtout si on veut bien se souvenir qu'on a affaire à un film au budget modeste.
La bande-son est proposée au choix en français ou en anglais, dans les deux cas en Dolby Digital 5.1. Saluons notamment le rendu très fin de la musique (jeu de clochettes ou profondeurs des basses électroniques) ainsi qu'un doublage français de très bonne qualité. On dispose de sous-titres anglais, français et hollandais.
PHOTO OBSESSION est proposé avec quelques bonus, tous sous-titrés en français. D'abord, le lancement du DVD s'accompagne, hélas, du démarrage automatique de toute une série de bandes-annonces FPE (LES SENTIERS DE LA PERDITION, CRIMES ET POUVOIRS, MINORITY REPORT et LE TRANSPORTEUR), qu'on pourra néanmoins fuir en cliquant sur la touche Menu de sa télécommande. Regrettons encore une fois ce procédé manquant singulièrement de classe ! Le premier vrai bonus est un commentaire audio enregistré par Robin Williams et Mark Romanek. Celui-ci se partage essentiellement entre anecdotes de tournage (plus ou moins intéressantes) et analyse de ce qui se déroule à l'écran, exercice qui tourne parfois à une laborieuse paraphrase. Ce commentaire ne souffre presque pas de blancs, mais manque tout de même un peu de densité. Le sous-titrage français ne montrera le bout de son nez que si votre lecteur est correctement configuré comme "français" !
On trouve ensuite une featurette de douze minutes, réalisée pour la chaîne de cinéma américaine Cinemax : il s'agit de douze minutes de promos et d'images de tournage sans la moindre once d'information vraiment passionnante. Ensuite, on trouve le talk show américain "Charlie Rose Show", où sont accueillis Robin Williams et Mark Romanek : si l'acteur s'y livre à moult pitreries (parfois fort drôles), on parvient quand même à grappiller des infos pertinentes, notamment sur l'élaboration du projet de PHOTO OBSESSION, ou le recrutement de Robin Williams. Enfin, le dernier bonus est une émission de la chaîne de télévision câblée "Sundance Channel", appelé "Anatomie d'une scène", qui, durant une vingtaine de minutes, se livre à la présentation générale du film d'une façon globale, et à l'analyse pointue d'une séquence en particulier (la rencontre au rayon informatique entre Will et Parish). On remarque tout de même que, à l'exception du commentaire audio, aucun bonus n'a été spécifiquement créé pour ce DVD, ce qui laisse un peu le spectateur sur sa faim.
On peut trouver que PHOTO OBSESSION aurait pu être une oeuvre encore plus aboutie, au moins dans son rythme. Il est néanmoins indéniablement satisfaisant par le soin porté à sa réalisation, l'étude psychologique minutieuse de son personnage principal et la qualité de son interprétation.