20.000 ans avant notre ère, en pleine ère glacière, les animaux préhistoriques
partent en migration vers le sud, tandis qu'un hiver extrêmement rigoureux
s'abat dans la région. A ce moment, une horde de tigres à dents de sabre
s'en prend à un village d'humains. Un bébé est entraîné loin de sa tribu
à cette occasion. Il est finalement recueilli par deux animaux : Manfred
le mammouth et Sid le paresseux. Ils sont rejoints rapidement par Diego,
un tigre à dents de sabre qui prétend vouloir les aider. En fait, il
est envoyé par sa horde pour récupérer l'enfant humain (afin de le dévorer...).
Les trois animaux partent à la recherche de la famille du bébé...
Cinéma d'animation et préhistoire ont toujours fait bon ménage. En effet, la tentation est grande de reconstituer ce monde perdu à l'aide d'effets spéciaux et de ramener à la vie, le temps d'un film, des espèces animales grâce à des techniques purement cinématographiques. On va donc voir, à travers la présentation rapide de quelques titres, que la progression des techniques d'animation est très nettement liée à celle de la représentation de la préhistoire. Toutefois, on se cantonnera au sujet des dessins animés sans aborder celui des marionnettes et autres modèles animés image par image, dans la tradition de Willis O'Brien, Ray Harryhausen ou Karel Zeman. ce sera pour une prochaine fois !
Le pionnier du dessin animé Winsor McKay (bien connu aussi pour être le papa, que ce soit en BD ou en dessin animé, du personnage LITTLE NEMO) crée en 1914 GERTIE THE DINOSAUR, un petit cartoon mettant en scène un sympathique diplodocus : l'énorme succès de ce film en fait une date fondamentale dans le développement du cinéma d'animation. On a même longtemps cru qu'il s'agissait du premier dessin animé américain ! Par la suite d'autres animateurs célèbres ont traité de la préhistoire. Évidemment, en 1940, dans FANTASIA, projet très ambitieux de Walt Disney, un des sketchs illustre "LE SACRE DU PRINTEMPS" de Stravinsky à l'aide de superbes visions de la préhistoire, en Technicolor et en Fantasound (sur trois canaux). Walt Disney produira ensuite, en 1953, un court cartoon, humoristique cette fois, appelé TOOT WHISTLE PLUNK AND BOOM dans lequel le spectateur apprend comment les hommes préhistoriques ont mis au point très tôt les principaux instruments de musique : la modernité stupéfiante du graphisme a conféré à ce film très amusant une grande importance dans l'histoire du cartoon américain.
Tex Avery lui-même cèdera au charme de la préhistoire pour la MGM, en signant le cartoon THE FIRST BAD MAN, mélange de western et d'aventures préhistoriques, dans lequel on suit Dinosaur Dan, le premier hors-la-loi de l'histoire de l'humanité ! En 1956, le département "Cartoon" de la MGM ferme ses portes, et deux de ses plus brillants employés fondent leur propre compagnie : Joseph Barbera et William Hanna créent donc Hannah-Barbera. De leur studio sortent, en 1960, les premiers épisodes des aventures de "LA FAMILLE PIERRAFEU", jouant savoureusement sur les anachronismes. Cette série se poursuit encore aujourd'hui à la télévision et a donné lieu à plusieurs transpositions cinématographiques en long métrage : THE MAN CALLED FLINTSTONE, un dessin animé de 1966 ; puis deux films live dans les années 1990 : LA FAMILLE PIERRAFEU et LES PIERRAFEU A ROCK VEGAS. Hannah-Barbera persiste dans la préhistoire en créant dans les années 1970 la série "CAPITAINE CAVERNE", très proche de "SCOUBIDOU" , alors produit-vedette de la compagnie : trois jeunes filles, accompagnées d'un homme des cavernes qu'elles ont découvert congelé dans l'Himalaya, résolvent des affaires mystérieuses...
En France, la série "IL ETAIT UNE FOIS L'HOMME" s'évertuait à enseigner de façon attrayante l'histoire de l'humanité aux petits téléspectateurs de FR3 : les premiers épisodes étaient bien entendu dédiés à la préhistoire. En 1979, l'auteur de BD Picha réalise pour le cinéma LE CHAÎNON MANQUANT, dessin animé pour adultes tournant en dérision, parfois sur un ton salace, les débuts de l'être humain. Un autre dessin animé pour adulte, TYGRA, LA GLACE ET LE FEU de Ralph Bakshi (FRITZ LE CHAT, l'imparfait, mais néanmoins intéressant LE SEIGNEUR DES ANNEAUX...), voit un sorcier malfaisant employer à son service des hommes à l'apparence très néanderthalienne, bien que son récit soit bien ancré dans l'heroic fantasy. En 1987, c'est "RAHAN, LE FILS DES AGES FAROUCHES", célèbre héros préhistorique de la bande-dessinée francophone, qui se voit adapté en une série télévisée. En 1988, l'américain Don Bluth signe un long métrage d'animation avec le soutien de Spielberg et Lucas : LE PETIT DINOSAURE ET LA VALLÉE DES MERVEILLES. S'inscrivant dans la plus pure tradition anthropomorphique de Walt Disney, il raconte comment un groupe de jeunes dinosaures part à la recherche d'une vallée mythique où ils pourraient vivre en paix et en sécurité. Ce film connaîtra de nombreuses suites pour le marché de la vidéo.
Puis arrivent
les images de synthèse, et notamment le film live JURASSIC
PARK de Steven
Spielberg. Le réalisme des effets spéciaux obtenus grâce à cette
technologie pour restituer les vues des dinosaures est une véritable
révélation. Parallèlement, les long-métrages entièrement en image de
synthèse se revèlent des affaires très rentables, allant même jusqu'à
faire de plus en plus d'ombre aux dessins animés traditionnels : citons
TOY
STORY, TOY
STORY 2 ou SHREK.
Disney suit alors le courant et produit en 2000 DINOSAURES,
un film entièrement en images de synthèse, au récit assez proche du
PETIT
DINOSAURE ET LA VALLÉE DES MERVEILLES.
Pendant ce temps-là... La
Fox tente de créer un nouveau département animation, avec la ferme intention
de concurrencer Disney sur le marché des longs métrages destinés à être
exploités en salles. Si leur ANASTASIA, une oeuvre assez traditionnelle
signée Don Bluth et
Gary Goldman,
est correctement reçu, il n'en est pas de même pour le bien plus ambitieux
TITAN
A.E., space-opera à la genèse chaotique, réalisé par la même
équipe, qui est un gouffre financier. La Fox s'associe alors à la petite
compagnie Blue Sky Studios. Créée par Chris
Wedge (qui travaillait déjà sur des animations de TRON
!) en 1987, cette firme a, entre autres, développé des outils informatiques
dans ce domaine. Wedge
a aussi travaillé sur les fameux cafards de la comédie JOE'S
APPARTEMENT, ainsi que sur certaines scènes de ALIEN
: RÉSURRECTION. Il a aussi réalisé avec son équipe BUNNY,
un court-métrage d'animation (inclus sur le DVD de L'AGE DES GLACES)
qui récolta l'Oscar du meilleur court-métrage en 1999. C'est Lori
Forte, transfuge de Disney arrivée chez Fox, qui commande à Wedge
et à son studio L'AGE DES GLACES sur une histoire imposée.
Très inspiré par LE LIVRE DE LA JUNGLE dans sa version du dessin animé Disney, L'AGE DES GLACES raconte donc l'odyssée d'animaux recueillant "un petit d'homme" et le prenant en charge le temps de le ramener à ses semblables. Le mammouth sérieux nous rappelle alors la sage panthère Bagheera, le paresseux rigolo nous renvoie à l'ours Baloo, tandis que le tigre à dents de sable et ses complices nous rappellent le tigre Shere Khan. L'originalité n'est donc pas au rendez-vous, d'autant plus que le récit fonctionne sur des mécanismes et des valeurs déjà bien éprouvés chez Disney (sens de l'amitié, importance de la famille...). Le final se laisse même aller à un indigeste débordement de bons sentiments larmoyants, arrosé d'une large louche de violons grandiloquents.
Pourtant, L'AGE DE GLACE, reste un spectacle tout à fait acceptable. Les péripéties s'enchaînent à un bon rythme et l'apparence des animaux ou les décors sont d'un très bon niveau (on est plus réservé pour la tribu humaine...). L'AGE DE GLACE est, qui plus est, rehaussé de certaines séquences s'inscrivant dans la meilleure tradition du Cartoon américain, que ce soit les Chuck Jones de la Warner Bros, ou les Tex Avery de la MGM. Ainsi, les mésaventures de Scrat, petit rongeur collecteur de noisettes nous renvoie à certains épisodes du "ROADRUNNER". De même, certains passages, comme l'exploration de la caverne glacée, sont réellement nerveux, spectaculaires et amusants. En fin de compte, s'il ne révolutionne pas l'art du dessin animé, ce film se suit sans ennui. Techniquement, il est aussi tout à fait valable, même s'il n'atteint pas la perfection d'un MONSTRES ET CIE.
L'AGE DE GLACE confirme ce que l'on savait déjà grâce, entre autres, aux divers DVD des productions Pixar : les dessins animés en images de synthèse donnent lieu à des DVD à l'image pratiquement irréprochable, débarrassée de toutes les légères difficultés posées par le rendu d'une pellicule argentique traditionnelle. Dès lors, la propreté, la fluidité, la luminosité... sont gérées avec une facilité déconcertante. La compression se fait complètement oublier, y compris dans les scènes les plus sombres, où les noirs sont d'une stabilité irréprochable.
En bande-son, on trouve, en Dolby Digital seulement, des pistes 5.1 (français et anglais) et 2.0 (flamand, néerlandais). Les sous-titrages sont disponibles en français, anglais, et néerlandais. Toute l'interactivité est sous-titrée en français (à part les bande-annonces et quelques textes sur les animaux préhistoriques). C'est donc presque un sans-faute.
En tout cas, le DVD est littéralement bourré de bonus. On commence par un commentaire audio du réalisateur Chris Wedge et de son co-réalisateur Carlos Saldanha. Si elle est pratiquement dénuée de blancs, cette piste souffre tout de même d'un certain manque de consistance : il n'est axé que sur la narration, l'évolution du récit, la modification ou le retrait de certaines scènes... Forcément, ça vire de temps en temps à la paraphrase ou à l'auto-congratulation. Dommage...
On trouve le court-métrage de quatre minutes, GONE NUTTY, élaboré autour du personnage cartoonesque de Scrat le petit rongeur préhistorique. Quelques scènes coupées sont disponibles : elles sont essentiellement liées au personnage d'une femelle-paresseux, compagne de Sid, qui a finalement été retirée du film. On trouve ensuite un making of d'une vingtaine de minutes, assez intéressant ; puis quelques petits documentaires d'une minutes environ : ces derniers abordent pour la plupart des effets forts complexes de façon très expéditive. C'est regrettable. Un bonus nommé "Les révélations de Scrat" nous présente de courtes aventures de ce personnage mettant en scène le logo de la Fox. On peut revoir plusieurs scènes du film en ayant accès, grâce à la touche multi-angle, à divers états de développement (storyboard, ébauche...).
Le bonus "extraits internationaux", consistant à nous passer un extrait du film avec plusieurs doublages "exotiques" (allemand, français, chinois..), ne paraît guère incontournable. Bien plus intéressant est le court-métrage BUNNY qui a valu un Oscar à Chris Wedge en 1999. On trouve encore deux bande-annonces et un teaser. Saluons enfin de superbes galeries d'images, contenant des dizaines de croquis préparatoires (dessins, aquarelles...), ainsi que des présentations intéressantes (mais en anglais...) des diverses espèces animales apparaissant dans le film. Tous les bonus ne sont pas d'un intérêt égal, mais on a néanmoins de quoi s'occuper un bon après-midi !
L'AGE DE GLACE n'est certes pas un chef-d'oeuvre du cinéma d'animation, ce qui ne l'a pas empêché de connaître un énorme succès commercial aux USA. Malgré une forte impression de déjà-vu, il se suit agréablement, sans enthousiasme particulier, mais sans ennui non plus.